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Dossier

EASD 2021

Le traitement du diabète à l’épreuve de la vraie vie

Par Hélène Joubert - Publié le 11/10/2021
Le traitement du diabète à l’épreuve de la vraie vie


GARO/ PHANIE

Le congrès annuel de l’Association européenne pour l’étude du diabète (EASD) s’est tenu en ligne du 27 septembre au 1er octobre. Au programme, notamment, de nombreuses études conduites en vie réelle sur les thérapeutiques et des recommandations sur la gestion des hypoglycémies dans le diabète de type 1.

Les études conduites « en vie réelle » permettent de confronter les résultats des essais cliniques réalisés dans un cadre expérimental à la prise en charge en soins courants. Celles présentées au congrès de l’EASD sont riches d’enseignements, à commencer par les travaux portant sur les inhibiteurs du SGLT2 (iSGLT2).

Indiqués pour le moment dans le diabète de type 2 (DT2) et l’insuffisance cardiaque (IC), ces derniers ont récemment montré des résultats prometteurs sur le contrôle glycémique, la perte de poids et la fonction rénale dans les essais de phase 3 dans le diabète de type 1 (DT1). Une étude de cohorte rétrospective européenne bicentrique (Belgique, Espagne) conforte ces résultats dans la vraie vie avec une réduction de l’HbA1c (de 8,2±0,9 % à 7,7±0,7 %) et de la dose d’insuline, et confirme les effets secondaires bien connus des iSGLT2 (5,5 % d’infections génitales, 4 % d’acidocétose diabétique, etc.), justifiant l’arrêt du traitement chez 12 % des patients.

S’agissant plus spécifiquement de l’empagliflozine, l’essai de phase 3 Empa-Reg-Outcome avait déjà montré que cet iSGLT2 réduit le risque de décès cardiovasculaire (CV), d’hospitalisation pour IC et toutes causes ainsi que la mortalité chez les adultes atteints de diabète de type 2 (DT2) et d’une maladie CV établie. Dans l’étude Emprise menée en vie réelle en Suède et en Finlande, chez près de 22 000 diabétiques de type 2 débutant un traitement par empagliflozine ou inhibiteur de la dipeptidyl peptidase-4 (DPP-4i), les hospitalisations toutes causes, le risque de première hospitalisation et les visites ambulatoires étaient plus faibles sous empagliflozine par rapport aux DPP-4i. Une seconde analyse d’Emprise confirme que l’empagliflozine est associée à une réduction du risque de maladie CV, y compris d’hospitalisation pour IC.

Analogues du GLP-1,des recos à la pratique

Concernant les analogues du GLP-1, et en particulier l’efficacité du sémaglutide, l’analyse regroupée de quatre études en vie réelle au Canada, Danemark/Suède, Suisse et Royaume-Uni (étude Sure) conclut que plus de la moitié des patients atteints de DT2 débutant le sémaglutide atteignent une HbA1c < 7 % et une perte de poids ≥ 3 %. Par ailleurs, si les preuves du bénéfice CV de la classe ont entraîné des mises à jour des directives internationales et des indications chez les diabétiques de type 2 à haut risque CV, des données en vie réelle montrent que la pratique n’a pas suivi : la proportion de patients atteints d’une maladie CV athéro­scléreuse parmi ceux ayant récemment débuté un traitement de ce type n’a pas changé au fil du temps, par rapport aux utilisateurs non GLP-1.

Une marge d’optimisation que retrouve l’initiative Reali. Ce travail a permis de constituer une large base incluant les données individuelles de plus de 10 000 diabétiques ayant commencé un traitement par insuline glargine 300 U/ml (U300) dans le cadre d’études en vie réelle menées dans une vingtaine de pays européens.

Insulinothérapie, la titration difficile

Les premières analyses ont été récemment publiées, montrant que ni l’âge des patients ni leur niveau de fonction rénale n’altèrent l’efficacité de l’insuline glargine U300, avec une bonne sécurité d’emploi y compris chez les sujets âgés et chez les insuffisants rénaux. « Nous avons ensuite cherché à savoir si le type d’étude clinique, interventionnelle ou observationnelle, était susceptible d’influencer les réponses thérapeutiques observées sous glargine U300, et les résultats de cette analyse ont été présentés lors du congrès », explique le Pr Pierre Gourdy (service de diabétologie, maladies métaboliques et nutrition, Institut Cardiomet, CHU de Toulouse). Toutes les études incluses dans Reali ont été conduites dans des conditions de vie réelle et de façon prospective mais, à la différence des études observationnelles au cours desquelles le maniement de l’insuline glargine U300 était laissé à l’appréciation des soignants et patients, les études d’intervention comprenaient des recommandations spécifiques concernant la posologie d’initiation de l’insuline basale ainsi qu’un algorithme de titration. À 24 semaines, le nombre de patients ayant atteint une cible d’HbA1c < 7 % était supérieur dans les études interventionnelles : 39 % versus 27 % dans les études observationnelles.

Parmi ceux qui n’atteignaient pas la cible d’HbA1c, 45 % n’atteignaient pas non plus la cible de contrôle de la glycémie à jeun (< 1,30 g/l), pourtant l’objectif premier de l’insulinothérapie basale. Les différences de pratique entre les types d’étude portaient sur la dose d’initiation : dose recommandée dans les études interventionnelles, à savoir 0,2 U/kg/j, contre seulement 0,15 U/kg/j dans les études observationnelles.

« Ces résultats illustrent la persistance des difficultés rencontrées lors de l’instauration d’une insulinothérapie basale, limitant les chances de parvenir à une pleine efficacité, analyse le Pr Gourdy. Y compris dans les études interventionnelles, l’attitude des médecins et des patients n’a pas été suffisante pour mener à bien la titration de l’insuline basale chez une majorité des patients. L’optimisation des stratégies d’initiation d’une insulinothérapie basale reste donc prioritaire, imposant de bien définir avec le patient la dose d’initiation, l’objectif glycémique personnalisé et le protocole de titration, puis de mettre en place des solutions d’accompagnement pour les premières semaines de traitement. »