La couverture vaccinale est insuffisante chez les personnes diabétiques, en particulier pour la grippe, malgré une augmentation du risque infectieux dans cette population. En l'absence de recommandations dédiées, la Société francophone du diabète (SFD) a récemment publié un référentiel spécifique aux patients diabétiques dans la revue « Médecine des maladies métaboliques », également validé par la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf).
Ce référentiel émane d'un groupe de travail pluridisciplinaire* sur la vaccination chez la personne diabétique. « Notre objectif est d'insister sur l'intérêt de la vaccination chez la personne diabétique en termes de réduction du risque infectieux et de la sévérité de l'infection », indique la Pr Ariane Sultan, coordinatrice du groupe de travail avec le Pr Bernard Bauduceau et endocrinologue-diabétologue au CHU Lapeyronie de Montpellier, lors d'un point presse en marge du congrès de la SFD, reporté à septembre en raison de l'épidémie de Covid-19.
Analyse approfondie de la littérature
« Les freins à la vaccination sont nombreux, et viennent à la fois des médecins, du personnel paramédical, de la personne qui vit avec un diabète mais aussi de son entourage », constate la Pr Sultan.
Alors que la loi préconise une couverture supérieure ou égale à 75 % pour la grippe et à 95 % pour les autres vaccinations, une enquête réalisée dans le cadre du groupe de travail montre des taux bien inférieurs. Sur les 3 731 personnes interrogées, 68 % ont déclaré être à jour concernant la grippe, 70 % pour le tétanos, 29 % pour les infections à pneumocoques, 33 % pour l'hépatite B et 19 % pour le zona-varicelle.
Pour chacune de ces pathologies, le groupe de travail a analysé les données de la littérature spécifique à la personne diabétique afin de répondre aux questions suivantes : l'incidence de l'infection est-elle augmentée dans cette population ? L'infection est-elle plus grave en termes de recours aux soins, d'hospitalisation, de mortalité… ? Quelles sont les données disponibles en termes de couverture vaccinale ? Quelle est la preuve d'efficacité de la vaccination chez la personne diabétique ? Quel est le protocole vaccinal recommandé ? « Nous avons ensuite pris position pour chacune des pathologies sur la base de cette revue de la littérature », poursuit la Pr Sultan.
Le risque infectieux diminue si le diabète est équilibré
Le groupe de travail recommande ainsi la vaccination contre la grippe pour toute personne diabétique. Selon des études de type cas-témoins et de cohorte, la vaccination est bénéfique, avec une réduction significative de l'incidence de la grippe et de la pneumonie, de la mortalité toute cause et des événements cardiovasculaires. Et ce, alors que la sévérité de la grippe augmente au cours du diabète en termes de risque d'hospitalisation, de pneumopathie et de mortalité. « Le déséquilibre glycémique a un impact sur la sévérité de la maladie, précise la Pr Sultan. Un diabète équilibré est associé à une réduction du risque infectieux ». Une insuffisance de couverture vaccinale est par ailleurs davantage marquée chez les moins de 65 ans.
Le vaccin contre les infections à pneumocoques est également préconisé pour l'ensemble des personnes diabétiques. En effet, le risque d'infection invasive à pneumocoque augmente au cours du diabète, tout comme la sévérité de l'infection : risque d'hospitalisation et de mortalité. L'association du diabète à d'autres comorbidités pèse également dans le risque d'infection à pneumocoques.
Actuellement, deux vaccins antipneumococciques sont disponibles et ont montré des bénéfices cliniques. Ils sont à utiliser de façon séquentielle. « La nécessité de faire ou non des rappels devra être évaluée après la mise sur le marché prochaine d'autres vaccins antipneumococciques », souligne la Pr Sultan.
Vaccination zona entre 65 et 74 ans
La vaccination contre le zona est préconisée chez les sujets diabétiques entre 65 et 74 ans. Les données de la littérature montrent une augmentation du risque de zona au cours du diabète mais également de celui de douleurs post-zostériennes. « Une étude randomisée a mis en évidence le bénéfice de la vaccination contre le zona dans la population générale chez des sujets de plus de 65 ans. Une analyse en sous-groupe réalisée dans la population diabétique a également démontré la réduction de l'incidence du zona et des douleurs post-zostériennes de façon significative », rapporte la Pr Sultan.
Concernant le vaccin contre le tétanos, le groupe de travail recommande un calendrier vaccinal identique à celui de la population générale. Peu d'études spécifiques aux diabétiques existent, malgré une incidence élevée dans cette population du fait des plaies chroniques (au niveau des pieds notamment).
Au sujet du vaccin contre l'hépatite B, le groupe de travail note un « bénéfice sérologique de la vaccination démontré, y compris au cours du diabète ». Le risque d'hépatite B et celui d'évolution de l'hépatite B vers une cirrhose augmentent chez les personnes diabétiques.
Vaccination des soignants
Des recommandations spécifiques aux enfants et aux adolescents diabétiques ont également été émises. En dehors de la grippe, pour laquelle la vaccination est conseillée dès l'âge de 6 mois, le calendrier vaccinal peut être similaire à celui de la population générale, le risque d'infection étant jugé faible.
La SFD souligne également dans ce référentiel l'importance de la vaccination antigrippale des personnels médicaux et paramédicaux.
* Groupe de travail incluant diabétologues, médecins généralistes, infectiologues, gériatres, personnels paramédicaux. En collaboration avec la Fédération française des diabétiques et Diabète lab
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