Mici : l’échographie intestinale entre dans les recommandations pour la surveillance

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Publié le 26/09/2025
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C’était une évolution attendue, portée par une littérature de plus en plus abondante : les recommandations Ecco-Esgar-ESP-Ibus 2025 insistent sur l’utilité de l’échographie dans les Mici pour évaluer l’activité de la maladie. Elle est désormais intégrée — sur le papier — au suivi des patients atteints de maladie de Crohn et de rectocolite hémorragique pour observer la réponse thérapeutique, détecter des complications et rechercher des récidives postopératoires. Reste à former les praticiens et à en équiper les centres.

Les rémissions endoscopiques et échographiques sont fortement corrélées

Les rémissions endoscopiques et échographiques sont fortement corrélées
Crédit photo : PHANIE

Présentées en avant-première au 20e Congrès de l’Ecco 2025, les nouvelles recommandations européennes interdisciplinaires marquent une évolution majeure vers une évaluation non invasive des Mici, avec l’échographie comme outil de suivi clé et l’usage accru des biomarqueurs pour guider les décisions thérapeutiques (1). Deux systèmes de notation y sont introduits : le score IBUS-SAS et les critères échographiques de Milan (MUC).

Ainsi, si l’endoscopie reste le mètre étalon pour évaluer l’activité des Mici, l’échographie intestinale prend une place croissante dans le monitorage thérapeutique. « L’objectif actuel du traitement des Mici est la cicatrisation de la muqueuse, évaluée par endoscopie, rappelle la Dr Clara Yzet (CHU d’Amiens). On vise un aspect ad integrum. Pour suivre cette évolution sous traitement, deux marqueurs sont utilisés : la CRP, peu spécifique, et la calprotectine fécale, mais qui n’est pas réalisée par 30 à 60 % des patients en pratique quotidienne. » L’échographie se positionne donc comme un outil complémentaire de surveillance, en particulier dès l’instauration du traitement. « Cette stratégie ouvre la voie à un suivi non invasif pour la plupart des patients avec une Mici (en dehors d’une faible échogénicité, de localisations difficiles comme le jéjunum ou l’anus, ou d’antécédents chirurgicaux multiples), souligne la Dr Yzet. Chez eux, l’échographie pourrait suffire à évaluer la réponse thérapeutique, réduisant le recours aux endoscopies répétées, d’autant qu’il est désormais bien démontré que rémissions échographique et endoscopique sont fortement corrélées. »

Échographie vs entéro-IRM

L’entéro-IRM est l’outil le plus précis pour cartographier précisément l’atteinte de l’intestin grêle, en particulier lorsqu’il s’agit de localiser les lésions au-delà de la dernière anse iléale.

L’échographie permet pour sa part de visualiser l’ensemble du cadre colique, la dernière anse iléale et les anses grêles, mais peine à explorer le grêle proximal et le rectum. « Pour ces raisons, l’échographie ne remplacera ni l’entéro-IRM (ou la vidéocapsule dans certaines localisations), ni l’endoscopie à visée diagnostique. Elle interviendra dans le suivi itératif de l’activité inflammatoire sur des localisations déjà parfaitement circonscrites », assure la spécialiste. Car l’avantage incontestable de l’échographie est d’être facilement mobilisable en pratique.

Une montée en compétences

La maîtrise de l’échographie dans les Mici reste cependant un défi. Pour y faire face, l’Association française d’ultrasonographie intestinale dans les Mici (Afusim) a été créée en 2024. « En échographie des Mici, la reproductibilité des deux principaux paramètres inflammatoires — épaisseur pariétale et signal Doppler (ils sont positifs si épaississement pariétal > 3 mm et hyperhémie en Doppler couleur) — est bien corrélée aux résultats endoscopiques, aussi bien chez les experts que chez les débutants, après un apprentissage minimal d’une centaine d’examens », fait remarquer la Dr Yzet.

En outre, l’échographie permet d’identifier des adénopathies, une inflammation de la graisse mésentérique, la déstratification pariétale et les complications dans la maladie de Crohn (sténoses, fistules, abcès). « La détection des complications reste le plus complexe pour les non-experts, mais cela s’acquiert avec la pratique », ajoute la gastro-entérologue. Mais la spécialiste en est certaine, « une fois la formation des praticiens généralisée, l’usage de l’échographie dans le contexte de la surveillance passera naturellement dans la pratique courante, au moins tous les trois mois en période d’activité de la Mici et tous les six mois en cas de rémission, a priori. »

Le texte va légitimer et structurer la place de l’examen

Dr Clara Yzet

Le degré d’équipement des centres est aujourd’hui un facteur limitant. « Tous ne disposent pas d’appareils adaptés ni de salle dédiée (des appareils miniaturisés utilisables “au lit du malade” devraient arriver), ce qui suppose un investissement », souligne la Dr Clara Yzet. Mais, une fois ce texte publié, « nous serons en quelque sorte obligés de le suivre. Cela va légitimer et structurer la place de l’échographie dans le suivi des Mici. »

Entretien avec la Dr Clara Yzet (Amiens)
(1) Kucharzik T et al. J Crohns Colitis. 2025 Jul 3;19(7):jjaf106

Hélène Joubert

Source : Le Quotidien du Médecin