Gériatre

Un métier en pleine ébullition

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Publié le 09/12/2020
La gériatrie est une discipline récente, érigée au rang de spécialité en 2017 lors de la réforme des études médicales, via la création d'un diplôme d'études spécialisées (DES). La spécialité ordinale, quant à elle, n'existe que depuis 2007. Transversale et préventive, la gériatrie doit aujourd'hui anticiper les enjeux sanitaires à venir…
L'enjeu est de conserver l'autonomie du sujet âgé hospitalisé

L'enjeu est de conserver l'autonomie du sujet âgé hospitalisé
Crédit photo : Phanie

L'allongement de l'espérance de vie, le vieillissement de la population et l'augmentation des pathologies et polypathologies chroniques expliquent en grande partie l'avènement de la gériatrie. « Ces évolutions nécessitent d'adopter une vision intégrative de la médecine et une hiérarchisation des problèmes médicaux. La médecine a été organisée autour du soin, sans vision fonctionnelle », souligne le Pr Olivier Guérin, chef du pôle gérontologie du CHU de Nice et président de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG). Or, aujourd'hui, la plupart des décompensations de maladies chroniques ou de pathologies infectieuses peuvent être résolues. « L'enjeu médical réside moins dans la résolution du problème aiguë que dans les moyens mis en œuvre pour conserver l'autonomie du sujet âgé hospitalisé », indique le Pr Guérin.

Vers une approche globale du patient

Les gériatres des établissements sanitaires et des EHPAD ne sont pas assez nombreux compte tenu de la population âgée en France : 2 000 gériatres pour 12 millions de personnes de plus de 60 ans. « À l'avenir, nous souhaiterions qu'ils puissent collaborer avec les généralistes de façon plus étroite. D'ici 20 ans, il serait également nécessaire que tous les médecins (excepté les pédiatres et les gynécologues-obstétriciens) puissent acquérir une expertise gériatrique, car nous ne pourrons pas prendre en charge l'ensemble des patients âgés de notre pays », confie le Pr Guérin. Par ailleurs, l'exercice gériatrique comporte un volet médical, mais aussi psychologique et social, que les médecins de premier recours doivent savoir prendre en compte. Sans la connaissance de ces trois volets, la prise en charge du sujet âgé ne peut être optimale. « Aujourd'hui, les champs sociaux et sanitaires ne communiquent pas assez ensemble. Par ailleurs, le bien-être psychologique des personnes âgées reste très négligé en France, contrairement aux pays germaniques ou anglo-saxons. Les psychologues cliniciens ne sont pas remboursés. En outre, ils restent essentiellement formés aux approches psychanalytiques et devraient être davantage sensibilisés aux approches comportementales (thérapies cognitives et comportementales, méditation de Pleine Conscience, hypnose, EMDR…) », note le Pr Guérin.

Développer la gériatrie en ville

Autre évolution nécessaire : la gériatrie devrait devenir une discipline moins hospitalo-centrée avec le développement de gériatres libéraux. Mais cela nécessite de faire sauter certains verrous. « Le paiement à l'acte n'est pas adapté à la prise en charge de patients atteints de maladies chroniques. Tant que l'on n'aura pas une vision intégrative du patient et que l'on ne s'orientera pas vers un paiement au parcours et un exercice coordonné, par exemple, au sein des communautés professionnelles territoriales de santé, on ne pourra pas favoriser le développement de gériatres libéraux », assure le Pr Guérin. Par ailleurs, la digitalisation (intelligence artificielle, robotisation…) fait grandement évoluer la médecine. « Certains diagnostics, des chirurgies ou des actes radiologiques seront effectués avec excellence par les machines. Nous aurons besoin d'une médecine plus humaine, fondée sur le colloque singulier et la compréhension des problématiques du patient, précise le Pr Guérin. Enfin, la prévention de la perte d'autonomie, tout au long de la vie, et la détection du syndrome de fragilité devront être accentuées. Les gériatres, aux côtés des généralistes, ne devront plus seulement faire de l'éducation à la santé, mais plutôt, de l'éducation à l'autonomie ».

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin