Avec la mise à l’écart des centres privés pour l’autoconservation des gamètes, les CECOS (centres d’études et de conservation des œufs et du sperme) voient leurs missions d’autoconservation, mais aussi de conservation des embryons, de gestion des dons et de recherche en quelque sorte sanctuarisées. Et du coup, les critiques pleuvent sur ces centres publics référents de la reproduction. « Ce sont des institutions fermées qui se servent des lois pour renforcer leur emprise », accuse le Dr Bertrand de Rochambeau (SYNGOF) ; « ils verrouillent toutes les procédures, à commencer par la gestion du don », déplore le Dr Joëlle Belaisch-Allart ; « ce sont de véritables mastodontes qui imposent leur gestion et leurs délais, sous couvert d’appliquer la loi, ils imposent la leur, ils la font littéralement », s’emporte le Pr François Vialard. « Au motif qu’ils forment une société savante, ils imposent leur normalisation, selon leurs diktats, en brandissant la légitimité que leur confère leur statut historique de société savante, mais ils sont en réalité des instances rétrogrades et fermées », corroborele Pr Nathalie Massin. Même le Pr Fréour, qui leur reconnaît « beaucoup de mérite dans la création des procédures de dons de gamètes dès les années 1970 », dénonce « la dérive d’un quasi-monopole de fait, faisant obstacle à tout renouveau venu de l’extérieur. »
Présidente de la Fédération nationale des CECOS, le Pr Catherine Guillemain (AP-HM) est bien consciente de tous les procès en bureaucratie qui sont intentés par la profession à ses centres. « Nous sommes des professionnels référents en charge de l’application de règles qui ne sont pas édictées par nous et nous n’avons jamais sollicité une quelconque exclusivité dans l’exercice de nos missions, proteste-t-elle. Et peut-être qu’avant de nous critiquer, il conviendrait d’abord de nous aider », propose-t-elle à ses détracteurs. Depuis leurs créations, les CECOS gèrent les dons de gamètes à flux tendu et, prévient-elle, la situation de pénurie va encore s’aggraver dans les prochains mois : avec l’entrée en vigueur de la levée de l’anonymat des donneurs, nous allons être dans l’obligation de détruire des stocks qui sont déjà limités, car nous ne saurions réaliser des implantations de gamètes provenant de donneurs qui, sous la loi précédente, bénéficiaient de la garantie de leur anonymat. »
Impossible de mettre les CECOS au taquet.
De surcroît , la présidente de la fédération des CECOS se plaint d’ « une pénurie de moyens qui (lui) donne, certains jours, le vertige. En prévision de l’augmentation des demandes que nous allons avoir à traiter ,une première enveloppe d’un million d’euros nous a été octroyée en mars, puis une deuxième de 2,3 millions en juillet, mais nous n’avons aucune visibilité sur nos budgets de 2022. Comment, dans ce flou financier, pourrions-nous procéder à des recrutements de personnels, médecins, psychologues, opérateurs ? Il nous est impossible de nous mettre au taquet comme cela nous est demandé. Comment allons-nous pouvoir nous adapter aux nouvelles demandes dans de telles conditions ? »
Au-delà de la phase de transition, l’entrée en vigueur de la loi représente « une révolution pour les CECOS », estime le Pr Guillemain. Le cheval de bataille que les centres enfourchent depuis des années, lors de leurs séances de travail pluriannuelles, reste plus que jamais d’actualité : « c’est la question primordiale et toujours pas résolue de l’harmonisation territoriale de la prise en charge de l’infertilité. Depuis des années, nous plaidons pour un schéma national avec un plan France fertilité, construit sur le modèle du Plan Cancer. Il pose des tas de questions qui restent aujourd’hui en suspens. Et dans l’immédiat, nous allons être confrontés au coup de bluff de la réforme sans disposer des moyens de la mettre en œuvre. »
Article précédent
Pr René Frydman : «Il faut prendre la lutte contre l’infertilité à bras-le-corps »
Article suivant
Les conditions d'âge pour l'AMP précisées par décret
Pr René Frydman : «Il faut prendre la lutte contre l’infertilité à bras-le-corps »
Les CECOS sur la sellette
Les conditions d'âge pour l'AMP précisées par décret
Pénurie de dons : mobilisation générale
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024