Les données nord-américaines font état de césariennes sur demande maternelle dans 2 à 3 % des accouchements. Ce type de demande peut cacher un motif médical indiscutable, comme la protection psychologique si la femme souffre d’un stress post-traumatique par exemple, son dernier accouchement s’étant très mal passé et la patiente étant terrorisée à l’idée de revivre cette situation. Il peut aussi s’agir d’une histoire familiale, comme une mère souffrant d’incontinence anale depuis la naissance de sa fille : une autre forme de traumatisme. Un vaginisme peut quant à lui faire suite à une agression sexuelle. L’envie de protéger son périnée est un autre argument recevable : « La rééducation périnéale ne suffit pas à protéger de l’incontinence urinaire, et notamment de l’incontinence urinaire d’effort, puis d’un prolapsus après la ménopause. Certaines femmes qui ont vu leur mère ou des amies en souffrir ne veulent pas avoir ce problème », note le Pr Patrick Rozenberg, obstétricien à l’hôpital américain de Paris et président du CNGOF.
Mais le plus souvent, la demande vient d’une femme d’une quarantaine d’années, qui n’envisage d’avoir qu’un seul enfant et qui veut une naissance la moins risquée possible pour son bébé.
Ce qui est acceptable
Beaucoup de femmes disent qu’elles ne savaient pas qu’elles pouvaient discuter de l’opportunité d’une césarienne, tant l’idée est ancrée que l’avis de la patiente ne compte pas. Les nouvelles générations d’obstétriciens sont davantage sensibilisées à l’autonomie de la patiente, considérée comme le premier pilier éthique : si la patiente exprime le souhait d’une césarienne programmée, l’obstétricien est là pour l’écouter, l’informer, mais pas forcément à accéder à sa demande si elle n’est pas justifiée.
Le choix d’une césarienne ne doit pas augmenter la morbidité de la maman, de la mère, du l'enfant à naître, ni celle de futurs enfants. « La césarienne sur demande maternelle se conçoit plutôt chez une nullipare, sous réserve que la femme ne veuille pas de famille nombreuse, ce qui signifierait autant de césariennes à la suite. En cas de répétition, on s’expose aux défauts de placentation sur les cicatrices sur l’utérus. Au-delà de trois césariennes, le risque de complications s’envole. En revanche, l’envisager sans raison psychologique ou médicale, chez une femme qui a déjà accouché par les voies naturelles, n’a pas de sens, car l’essentiel des complications (incontinence urinaire, anale, prolapsus, déchirure périnéale, etc.) survient surtout lors du premier accouchement par voie basse », indique le Pr Rozenberg, qui rappelle qu’une nullipare a 70 % de probabilité d’accoucher par les voies naturelles et 30 % de risque, pendant le travail, d’avoir recours au forceps ou à la césarienne : « Ces situations sont les plus morbides parce que cela signifie que le travail se passe mal et, parce que la femme n’est pas à jeun (contrairement à la césarienne programmée), il existe un risque d’inhalation en cas de recours à une anesthésie générale en urgence. En cas de travail long, les membranes fœtales sont rompues, d’où un risque infectieux pour le nouveau-né. De même, s’il va mal et qu’il faut rapidement l’extraire sans forcément avoir le temps de suivre toutes les procédures d’asepsie. Le risque hémorragique est également accru pour la mère », argumente le Pr Rozenberg.
Contrairement à une idée reçue, laisser faire la nature n’est pas forcément la solution la plus sécurisante. « En 2018, dans un essai randomisé publié dans le New England Journal of Medicine, 3 000 patientes nullipares à bas risque ont été déclenchées à 39 SA, vs 3 000 patientes non déclenchées ; cela a permis une réduction de 16 % du risque de césarienne en cours de travail. Dans cet essai, où toutes les patientes tentaient d’accoucher par les voies naturelles, le taux de morbidité néonatale grave était de 5 %, alors qu’il s’agissait de grossesses à bas risque, rappelant que les dangers pour l’enfant à naître ne doivent pas être sous-estimés. Si l’on ne prend en compte que le critère néonatal, la césarienne programmée est donc plus sûre », insiste le Pr Rozenberg.
Si l’on ne prend en compte que le critère néonatal, la césarienne programmée est la plus sûre
Pr Patrick Rozenberg
Depuis près de trente ans, les obstétriciens et les anesthésistes ont appris à réduire considérablement les risques liés à la césarienne, par une meilleure prise en charge préopératoire, l’avènement de la rachianesthésie, une amélioration des techniques chirurgicales et une réhabilitation postopératoire précoce. Les progrès de la prise en charge postopératoire de la douleur contribuent à favoriser cette réhabilitation précoce. Enfin, les pères accèdent désormais au bloc opératoire, accompagnant la future mère.
Ce qui n’est pas recevable
« L’argument “j’ai peur d’avoir mal” est un mauvais argument. Il vaut mieux conseiller à sa patiente une péridurale : c’est déjà le cas de 85 % des patientes qui accouchent par les voies naturelles. En effet, une fois l’accouchement passé, il n’y aura plus de douleur, alors qu’après une césarienne, la douleur persiste au moins une semaine. L’argument “je veux préserver ma sexualité future” n’est pas non plus validé car il n’a jamais été démontré qu’une césarienne programmée améliorait la sexualité des patientes », rappelle le Pr Rozenberg.
En pratique
Que la césarienne soit sur demande maternelle ou pas ne change rien à la pratique. Elle est programmée à 39 SA pour que l’enfant ne soit pas prématuré et que la patiente n’entre pas en travail.
Entretien avec le Pr Patrick Rozenberg, hôpital américain de Paris
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