Présente dans tous les milieux, la violence conjugale affecte une femme sur quatre. Aux États-Unis, 3,6 milliards de dollars y sont consacrés, en coûts de santé, arrêts de travail, frais de justice. Plus de 55 % des féminicides sont liés à la violence conjugale. Mais les victimes ne parlent pas aisément, aussi le radiologue a un rôle crucial pour poser le diagnostic de violence, sans se limiter à constater une lésion. « 80 % des cas de violences conjugales sont vus aux urgences, pourtant seulement de 5 à 30 % sont identifiés comme tels », déplore la Dr Barti Khurana (Brigham and women hospital, Harvard Medical School), qui a présenté en session hot topic (R1-CER14B) un état des lieux et des pistes pour mieux identifier les lésions.
Si les questionnaires de dépistage systématiques sont efficaces, ils sont peu utilisés aux urgences faute de temps. La localisation, l’ancienneté des lésions, les incongruences avec l’histoire rapportée sont les éléments clés.
Certaines lésions peuvent être particulièrement parlantes ; ainsi, qu’elles le déclarent ou non d’emblée, 32 % des femmes porteuses d’une fracture ulnaire isolée subissent de la violence conjugale, faisant de cette lésion un potentiel marqueur, d’autant plus quand elle n’est pas déplacée. Il s’agit de lésions défensives à faible énergie, que l’on retrouve aussi au niveau du poignet et des doigts. De même, deux tiers des fractures non déplacées de la face sont dues à la violence conjugale, on les retrouve en particulier au niveau nasal, mandibulaire et orbitaire.
À côté des lésions thoraciques, les fractures de l’avant-pied (écrasement ou blessure lors de la fuite) sont aussi caractéristiques.
Des spécificités sont à noter aux âges extrêmes : chez les plus âgés, les lésions sont plus volontiers présentes au niveau du tronc que de la face. Alors qu’ils sont rares avant, un tiers des victimes seniors sont des hommes, avec dans ce cas davantage d’attaques au couteau. Chez les plus jeunes, les violences sexuelles et les lésions de la colonne vertébrale dominent, avec notamment une tendance inquiétante à l’asphyxie sexuelle. 40 % des anorexies sont directement en lien avec la violence conjugale.
Avec plus de 21 millions de visites sur 13 ans, le système de surveillance électronique national révèle aussi des moments à risque : les samedis, les dimanches, le printemps et la fin de l’hiver sont grevés de davantage d’agressions, ainsi que les jours fériés.
S’appuyer sur l’intelligence artificielle
À partir de ces données, l’équipe du Dr Khurana a développé une intelligence artificielle, AIRS (pour Automated intimate partner violence risk support), qui fournit un score de probabilité de violence conjugale à partir de l’historique de la victime.
Les femmes trans davantage victimes
Une étude de cas contrôle (Bharti Khurana et al.) auprès de 263 femmes trans et 525 femmes cis du registre du trauma center du Brigham and Women’s Hospital (Massachusetts) révèle que les femmes trans sont huit fois plus atteintes de traumas crâniens, 36 fois plus de trauma de la face et cinq fois plus de blessures thoraciques. Parmi ces femmes trans touchées, 42 % rapportaient de la violence interpersonnelle et 29 % de la violence conjugale.
Une seconde partie de l’étude constituait à faire lire les clichés à deux radiologues, sans autre élément. Les spécialistes ont pu identifier la violence conjugale dans seulement un tiers des cas rapportés.
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