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Dossier

Au congrès de l'Association européenne d'étude du foie

Hépatite C : dernières étapes vers l'éradication

Par Damien Coulomb - Publié le 16/04/2018
Hépatite C : dernières étapes vers l'éradication

hep c
PHANIE

Les données actualisées de l'association européenne d'étude du foie (EASL) estiment à 70 millions le nombre de personnes dans le monde vivant en 2017 avec le virus de l'hépatite C, soit moitié moins que les précédentes estimations.

« Je vous rassure tout de suite, cela ne signifie pas que nous avons soigné 70 millions de personnes, plaisante le Dr Pascal Mélin, président de la fondation SOS Hépatite. Mais cela montre que l'on a du mal à évaluer l'ampleur de la tâche ».

Achevée ce dimanche 15 avril, la conférence mondiale d'étude du Foie (ILC 2018) donne une bonne idée du chemin à parcourir avant l'élimination du virus de l'hépatite C, que les objectifs de l'OMS fixent à 2030. Au niveau des traitements, « la messe est dite », analyse le Pr Christophe Bureau, hépatologue au CHU de Toulouse et secrétaire général de l'association française pour l'étude du foie (AFEF). Les traitements pangénotypiques Maviret (AbbVie) et Epclusa (Gilead) accompagnés d'Harvoni, Vosevi (tous les deux chez Gilead) et de Zepatier (MSD) forment désormais un arsenal complet, capable de guérir tous les types de patients en 8 à 12 semaines.

Inégalités en Europe

Au niveau de l'accès à ces molécules et du dépistage, en revanche, la bataille est loin d'être gagnée : « On estime que l'on va guérir 3 millions de patients par an dans les années à venir… mais surtout dans les pays riches », explique le Dr Mélin. Même en Europe, un travail de l'observatoire américain Polaris, présenté lors du congrès, montre qu'en l'absence d'effort supplémentaire, la population de patients infectés augmentera de 1 % en 2030. Pour atteindre les objectifs de l'OMS, l'Europe devra diagnostiquer au moins 800 000 malades dès 2022, et traiter 900 000 personnes dès 2025. L'étude HEP-CORE, également présentée, montre que seulement 12 des 25 pays de l'Union européenne disposent d'un plan d'éradication et que les nouveaux traitements ne peuvent être prescrits par des non spécialistes que dans 5 pays.

L'élargissement des possibilités de prescription des antiviraux fait partie des 25 mesures du plan « Priorité prévention » présentées le 26 mars. Le baromètre français de l'éradication de l'hépatite C évalue à 75 000 le nombre de personnes non dépistées sur les 112 000 qui restent à traiter. « Parmi eux, 30 000 personnes, sans facteurs de risques, seront difficiles à dénicher », concède le Pr Armand Abergel, du CHU de Clermont-Ferrand et premier auteur de l'étude STREAGER présentée lors du congrès.

SOS hépatique et l'AFEF entendent promouvoir le dépistage en population générale, promu localement par les citoyens et les anciens malades pour aller chercher ces derniers malades. Après un pic au milieu de l'année 2017, au cours de laquelle 18 236 patients ont été guéris, le nombre de patients traités a commencé à décliner. « Si on suit cette courbe, on n'éliminera pas le virus d'ici 2025 », craint le Pr Bureau.

Toujours selon les données de l'étude HEP-CORE, un tiers des pays européens restreignent encore l'accès aux nouveaux traitements aux patients ayant un stade fibrose avancé. Une « hérésie médicoéconomique », comme le démontre l'évaluation présentée par l'économiste américain Scott Johnson selon laquelle le coût de prise en charge d'un patient traité en Écosse (où l'accès n'est pas universel) dès les stades F0 ou F1 est estimé à 32 996 livres (38 100 euros), et celui d'un traitement initié au-delà du stade F4 à 60 963 livres (70 400 euros).

Nouveaux résultats

Des données ont été communiquées concernant les nouveaux traitements de l'hépatite C. Selon les premières données en vie réelle sur l'association glecaprevir/pibrentasvir (Maviret, Abbvie), un seul échec de traitement et 3 interruptions sont à déplorer sur 725 patients traités, dont 639 en 8 semaines et 84 en 12 à 16 semaines.

Les données de deux études ont également confirmé l'efficacité d'une cure de 8 semaines de Zepatier (elbasvir/grazoprévir) chez des patients naïfs de tout traitement et infectés par un génotype 4 et chez les patients atteints par un génotype 1b. « Zepatier est plurigénotype, explique le Pr Armand Abergel, premier auteur de l'étude STREAGER, mais il est surtout destiné aux patients génotypes 1b avec une fibrose peu sévère et aux génotypes 4 ».

Enfin, l'initiative pour les traitements des maladies négligées (DNDi) a également présenté les résultats de l'étude STORM-C-1 sur l'efficacité de l'association ravidasvir/sofosbuvir qu'ils vont commercialiser 300 dollars (243 euros) destinée aux pays à faibles revenus. Les auteurs ont traité 301 patients atteints d'hépatite chronique pendant 12 semaines (24 en cas de cirrhose) avec un taux de guérison de 97 % sans effets secondaires particuliers.

Damien Coulomb