Cancers de l’oropharynx

Quand l’HPV prend à la gorge

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Publié le 28/10/2019
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L’incidence des cancers ORL HPV-induits est en constante augmentation depuis une trentaine d’années. Comme pour les autres tumeurs HPV+, la vaccination constitue le moyen de prévention le mieux adapté ; en revanche, il n’existe pas actuellement de possibilité de dépistage précoce.
Les lésions précancéreuses ne sont pas encore connues

Les lésions précancéreuses ne sont pas encore connues
Crédit photo : Phanie

Les cancers oropharyngés (COP) sont passés de 2,8 à 3,6/100 000 de 1988 à 2004 aux États-Unis, une croissance poussée par les tumeurs liées à l’HPV, qui ont été multipliées par trois dans cet intervalle, tandis que les cancers laryngés, associés au tabagisme, diminuent nettement. Le risque est plus marqué chez les hommes blancs et les plus de 60 ans. « La littérature parle volontiers d’épidémie, mais les cancers de la base de la langue et de l’amygdale, localisations de prédilection des tumeurs HPV+, ne représentent cependant que 5 % de tous les cancers », tempère le Pr Haïtham Mirghani (HEGP). Si, en Amérique du Nord, 60 à 70 % des COP sont liés à l’HPV, la situation est quelque peu différente en France. Selon deux études prospectives multicentriques, l’HPV serait responsable de 27 % de tous les COP, et de plus d’un tiers des localisations spécifiques comme l’amygdale et la base de langue. Un registre de population de 2017 confirme que les tumeurs associées au tabagisme y diminuent et que celles liées à l’HPV augmentent.

La vaccination est la base de la prévention primaire

La vaccination anti-HPV a fait la preuve de son efficacité pour prévenir les tumeurs et dysplasies de la zone anogénitale. Le bénéfice spécifique sur la sphère ORL n’est pas établi, mais les données de la littérature sont très favorables. La vaccination réduit significativement le portage viral oral. Dans un pays à large couverture vaccinale chez les garçons et les filles comme l’Australie, la papillomatose laryngée a très significativement diminué. Les ORL se sentent très concernés par les tumeurs liées à l’HPV, aussi la Société française d'oto-rhino-laryngologie (SFORL) et la Société française de carcinologie cervicofaciale ont-elles signé « L’appel des 50 » pour une vaccination universelle contre le papillomavirus.

En attendant le dépistage…

Actuellement, nous ne disposons pas d’un outil pertinent pour le dépistage précoce au niveau oro-pharyngé. La présence d’HPV dans la salive est un marqueur d’exposition et non de maladie, et les frottis amygdaliens à la recherche de cellules dysplasiques ne sont pas positifs dans les tumeurs précliniques. Des études ont montré que des tests sérologiques positifs pour les Ac anti-HPV16/E6 sont retrouvés longtemps avant l’apparition de la tumeur mais, pour une tumeur de faible incidence, cela supposerait de tester de nombreuses personnes avec un très fort pourcentage de faux positifs. « D’ailleurs, même si on disposait d’un test valable, quelle serait la conduite à tenir en cas de positivité ? On ne connaît pas à ce jour les lésions précancéreuses – qui ne sont décelables ni par l’examen clinique ni par l’imagerie – et on peut difficilement envisager une amygdalectomie préventive qui de toute façon ne réglerait pas le problème de la base de langue. Il n’y a donc pas d’intérêt à dépister une infection oropharyngée à HPV, à titre systématique, en l’absence de tumeur », rappelle l’ORL. Des pistes pourraient se dessiner avec la vaccination thérapeutique.

On pourrait cependant agir dès maintenant – mais il n’y a hélas pas de recommandations dans ce sens – en recherchant systématiquement un second cancer lors du diagnostic ou du suivi d’un premier cancer HPV induit. À noter, la remontée de l’ADN viral dans le sang est en revanche un très bon marqueur d’une rechute tumorale.

Actuellement il n’existe pas de spécificité dans la prise en charge des tumeurs HPV-induites, qui répondent généralement mieux aux traitements que celles liées au tabac ; l’association à une intoxication tabagique a un impact négatif sur le pronostic.

Session « Le point sur les cancers oropharyngés hpv-induits en 2019 »

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin