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Dossier

Trois phases pour le déploiement

Stratégie vaccinale, le temps de convaincre

Par Dr Irène Drogou - Publié le 11/12/2020
Stratégie vaccinale, le temps de convaincre

Mettre les généralistes « au cœur du dispositif »
Phanie

Le gouvernement a présenté la semaine dernière la stratégie vaccinale contre l'infection Covid-19, une étape décisive. Un suivi renforcé de pharmacovigilance a été annoncé, ainsi que la nomination du Pr Alain Fischer pour piloter la campagne. Les premiers vaccins sont attendus fin décembre - début janvier, dès l'autorisation de l'Agence des médicaments européenne. Le gouvernement veut convaincre les Français, alors que l'hésitation vaccinale est l'une des plus fortes en Europe. Le défi logistique est également de taille et les acteurs de terrain se préparent.  

« Nous sommes prêts », a assuré Jean Castex lors de la présentation de la stratégie vaccinale contre l'infection Covid. Mais les Français sont-ils prêts ? « Sécurité » et « transparence », appui sur la société civile, médecins généralistes « au cœur du dispositif », le Premier ministre a voulu convaincre les Français à se faire vacciner, les appelant d'ores et déjà à être « les plus nombreux possible ».

Le message est lancé et les quelques mois jusqu'à ce que la campagne ne soit ouverte à l'ensemble de la population au printemps ne seront pas de trop. La défiance à l'égard des vaccins est plus forte en France que chez ses voisins. Seule la moitié des personnes interrogées en novembre a l'intention de se faire vacciner, contre deux tiers en juillet, selon l'enquête Coviprev de Santé publique France. 

Relevant les « réticences, voire parfois les craintes exprimées par certains », le Premier ministre a annoncé la mise en place d’un « suivi renforcé de pharmacovigilance », assuré par l’Agence du médicament (ANSM) et la CNAM. 

« Avant même de nous immuniser contre le coronavirus, nous devons d'abord nous immuniser contre les peurs », a renchéri le ministre de la Santé, Olivier Véran. «Je m'engage tout au long de la campagne vaccinale à ce que nous fassions preuve de la transparence la plus totale sur l'efficacité du vaccin, (...), l'organisation pratique de la campagne, les éventuels effets indésirables, qu'ils soient graves ou bénins », a-t-il insisté.

Priorité aux EHPAD

La vaccination sera ainsi déployée selon trois principes, a indiqué Olivier Véran : « libre choix », « gratuité » et « sécurité ». Suivant les contours posés par la Haute Autorité de santé (HAS) qui avait présenté une stratégie en cinq temps dans ses recommandations du 30 novembre, le gouvernement a opté pour une vaccination en trois phases, avec une « logique simple », selon Jean Castex, ciblant « d’abord les plus vulnérables et les plus susceptibles de formes graves ».

Dès les mois de janvier, les résidents en hébergement collectif et les personnels considérés comme vulnérables seront concernés. « Environ un million de personnes » seront ainsi vaccinées, « ce qui correspond aux quantités de vaccins qui nous seront livrées au cours du premier mois », a souligné le chef du gouvernement. Une attention particulière sera portée au recueil du consentement, en association avec les familles. Suivront en février les personnes fragiles (âge ou comorbidités) ainsi que certains professionnels de santé, soit 14 millions de personnes. Comme annoncé par Emmanuel Macron, la vaccination sera ouverte « progressivement » à l’ensemble de la population « au printemps ».

Le Pr Alain Fischer à la manoeuvre

Et pour emporter l'adhésion, le gouvernement a nommé l'infectiologue Alain Fischer pour piloter la stratégie vaccinale. C'est lui qui la présentera au Parlement les 16 et 17 décembre dans le cadre d'un débat prévu par l'article 50-1 de la Constitution. Les « nouvelles » diffusées par les industriels « sont encourageantes », a jugé le Pr Fischer, se disant « surpris par la qualité des résultats », mais invitant à la prudence en l’absence de publications complètes des données et d’indications sur les personnes à risque. « On devrait disposer de tout un arsenal de vaccins », a-t-il poursuivi, la stratégie étant susceptible d’évoluer.

Le professeur d'immunologie et chercheur en biologie, qui avait mené la concertation citoyenne sur l'obligation vaccinale chez les enfants en 2018 et qui présidera le « conseil d'orientation de la stratégie vaccinale » entend rétablir la confiance. Pour ce faire, il préconise« des messages bien faits, ciblés, répétés en évitant les arguments d'autorité, les injonctions émanant des responsables sanitaires », tout en s'appuyant sur l'ensemble de la société, a-t-il expliqué au « Journal du dimanche ».

Comme le gouvernement qui entend mettre les généralistes « au cœur du dispositif », ce pédiatre compte sur les professionnels de santé pour informer la population, médecins mais aussi pharmaciens, infirmières libérales. D'ailleurs, ce sont eux les plus acquis à la cause, puisque plus des deux tiers (68 %) des professionnels de santé libéraux interrogés souhaitent se faire vacciner, selon l'enquête Coviprev. Les médecins généralistes et pharmaciens étant 8 sur 10 à en avoir l'intention, contre 55 % des infirmiers interrogés.« Mais, pour répondre, ces professionnels doivent eux-mêmes avoir accès à de bonnes informations », a-t-il ajouté.

De plus, les personnes vaccinées pourraient devenir des ambassadrices du vaccin, a plaidé le Pr Fischer. « Les représentants de la société civile et les associations de patients de maladies chroniques ont aussi un rôle important à jouer pour faire progresser la confiance », explique-t-il. À ce sujet, dans le cadre de l'élaboration de la campagne de vaccination Covid, la HAS devrait annoncer les résultats de la consultation citoyenne sur la vaccination Covid menée du 9 au 30 novembre.

Dr Irène Drogou