L’huile de palme, extraite de la pulpe des fruits du palmier à huile, est la première huile végétale consommée dans le monde depuis 2004. Pour les pays qui la produisent – Indonésie et Malaisie pour plus de 80 % –, c’est une culture économe en terres, avec un rendement à l’hectare bien supérieur à celui des autres oléagineux. Pour l’industrie agro-alimentaire (80 % sont employés dans l’agro-alimentaire, 19 % dans l’oléochimie et 1 à 2 % pour la production de biodiesel), elle est intéressante par sa texture, solide à température ambiante, sa résistance à l’oxydation, sa polyvalence, et surtout son coût bien inférieur à celui des autres matières grasses.
Une « bonne » graisse saturée ?
Les soupçons sur son intérêt nutritionnel, les discussions autour de la « taxe Nutella » ont amené producteurs et distributeurs à une contre-offensive virulente, les assimilant à « du protectionnisme commercial », selon Yusof Basion (PDG du Malaysian Palm Oil Concil, MPOC). L’huile de palme est composée pour moitié d’acides gras saturés (AGS) – acide palmitique essentiellement – l’autre moitié étant constituée d’acides gras insaturés (AGI) en position cis ; « mais », remarque le Dr Sundram, de l’Unité de Nutrition du Malaysian Palm Oil Board (MPOB), « elle ne se comporte pas comme une graisse saturée : les triglycérides sont à 87 % en position 1 et 3, et non en 2 comme dans les graisses animales, ce qui leur permet d’être plus facilement dégradés et éliminés ». De ce fait, elle aurait, sur le profil lipidique, le même impact que l’huile d’olive ou de tournesol, comme l’attestent diverses études menées par le même Dr Sundram. Autre argument avancé par ses partisans, l’huile de palme serait la seule alternative susceptible de remplacer les acides gras (AG) trans, issus de l’hydrogénation partielle des AGI lors de la transformation industrielle et la cuisson, et dont on connaît le rôle délétère. « Si on récuse l’huile de palme, il faudra en revenir aux AG trans », avertit l’expert malaisien. Le Dr Yuen (Université de Malaisie) célèbre même l’huile de palme comme « un bouquet de phytonutriments bénéfiques pour la santé », puisqu’elle contient aussi polyphénols, phytostérols, tocotriénols et tocophérols, caroténoïdes, toutes ces substances pouvant être cependant apportées par de nombreux autres aliments. La Malaisie fabrique d’ailleurs, à partir de son huile de palme, des gélules de tocotriénol qui auraient des vertus vis-à-vis de la neuroprotection et de l’immunité, ainsi que « l’huile du fruit de palme rouge », enrichie en tocotriénol, carotène et lycopène, appelée aussi « solution miracle du Dr Oz », qui aide à arrêter les signes du vieillissement intérieur et extérieur.
Limiter la consommation d’acide palmitique
Plus prosaïquement, de nombreux travaux ont surtout montré que, comme tous les AGS, la consommation excessive d’acide palmitique favorise l’insulinorésistance, l’inflammation et l’hypercholestérolémie, donc le développement de l’athérosclérose. Et si des études épidémiologiques relativement récentes ne retrouvent pas d’augmentation significative du risque cardiovasculaire (RCV) sous régime riche en AGS, ou n’apportent pas la preuve qu’une réduction de l’apport en AGS améliore le RCV (1), ces résultats sont délicats à interpréter en l’absence de données sur les autres lipides alimentaires, la portion glucidique, etc. et ils sont démentis par d’autres essais (2).
« Il est toujours difficile de démontrer formellement l’existence d’une relation de cause à effet avec des études épidémiologiques », explique le Dr Laurent Chevallier (CHRU de Montpellier). D’autant que certains résultats sont occultés et que les interprétations sont parfois discutables. Et l’innocuité de l’acide palmitique n’a jamais non plus été prouvée… « En réalité, ce n’est pas l’acide palmitique en lui-même qui pose problème – on en retrouve dans le lait maternel – mais l’opacité qui l’entoure. Comme les AG trans, sa consommation est récente chez l’homme : or il est présent dans un très grand nombre d’aliments (3), et au mieux les étiquettes indiquent "huile végétale naturelle", sans préciser sa nature et encore moins les quantités. Il ne s’agit pas d’interdire l’huile de palme, mais de limiter sa consommation, d’autant qu’elle entre dans la composition d’aliments industriels de faible qualité nutritive et contenant généralement aussi trop de sucres et/ou de sel », conclut le nutritionniste.
D’après un voyage de presse organisé par le Malaysian Palm Oil Concil, suivi d’une interview du Dr Laurent Chevallier, nutritionniste, CHRU de Montpellier.
(1) Siri-Tarino et al. AJCN 2010, Astrup et al. 2010, Skeaff 2009
(2) Mozaffarian et al. 2010 ; Mensink et al., 2003
(3) Un doctorat en géochimie a essayé de ne plus consommer d’huile de palme pendant un an. Il décrit son expérience sur le blog http://vivresanshuiledepalme.blogspot.fr/
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024