Lors d’un traumatisme, la présence d’un corps étranger intra-oculaire (CEIO) n’est pas toujours évidente ; elle doit toujours être suspectée, même si le traumatisme est ancien, et bénéficier d’un fond d’œil (FO) avec une bonne dilatation. Les CEIO en verre (éclats de verres de lunettes par exemple) peuvent passer facilement inaperçus. L’imagerie à privilégier est le CT-Scan, qui permet le plus souvent d’identifier le CEIO et de le localiser. Il se situe le plus souvent au niveau du segment postérieur, et en particulier dans la cavité vitréenne. « Je déconseille l’échographie, qui peut aggraver la situation, insiste le Dr Umberto Lorenzi (Rouen). Et l’IRM ne doit jamais être pratiquée en première intention, vu le risque de déplacement d’un CEIO métallique ».
Suture en urgence, extraction différée
Le patient doit être hospitalisé, et l’antibiothérapie systémique débutée le plus rapidement possible en IV, associant pipéracilline/tazobactam 4 g/0,5 g trois fois par jour, et lévofloxacine 500 mg deux fois par jour. On y associe antibiothérapie locale et cycloplégie.
L’antibiothérapie systémique associe pipéracilline/tazobactam et lévofloxacine
La porte d’entrée du CEIO doit être suturée en urgence (suture de la cornée et de la sclère), afin de transformer le traumatisme ouvert en traumatisme fermé. L’ablation du CEIO est indispensable si cela est possible, car il expose à la survenue d’une sidérose s’il est de nature ferrique ou de chalcose s’il contient du cuivre. Le délai de réalisation dépend du risque d’endophtalmie, lié à la nature du CEIO, mais aussi de sa mobilité, de l’état général du patient, de la possibilité de disposer d’un bloc et d’un chirurgien dédié. « Notre point de vue au CHU de Rouen, point de vue largement partagé, est de ne pas procéder à une extraction immédiate », poursuit l’ophtalmologue. L’ablation à distance, sous couvert d’une antibiothérapie locale et systémique, comme elle se pratique habituellement dans les traumatismes en temps de guerre, donne de bons résultats visuels. La chirurgie d’extraction est souvent programmée dans les sept jours suivant le traumatisme, sauf en cas d’endophtalmie ou lorsque le CEIO est mobile.
L’extraction est réalisée par voie cornéenne si la personne est aphake ou en cas de cataracte traumatique, et suivie ou non de l’implantation d’un cristallin. On préférera la voie sclérale si le cristallin est intact.
Il faut rester toujours réservé avec les patients quant au pronostic. De nombreuses complications peuvent survenir : endophtalmie, décollement de rétine, glaucome, etc. Elles sont parfois très tardives, et justifient une surveillance à long terme. Le pronostic est lié essentiellement aux facteurs intrinsèques du traumatisme mais aussi à une acuité visuelle (AV) initiale basse. On estime que 60 % des patients récupèrent une AV supérieure à 5/10.
La réglementation avance
Les traumatismes oculaires ont tristement émaillé la carrière de sportifs célèbres, et ce n’est que relativement récemment que des mesures de sécurité ont été prises. Ainsi, les visières deviennent obligatoires pour tous les joueurs de la ligue nationale de hockey, la NHL, en 2013 aux États-Unis, et ce sport devient alors un modèle de réglementation proactive en termes de protection oculaire. « Nous avons le devoir d’encourager le port de lunettes de protection dans les sports à risque, sachant que 90 % des blessures oculaires liées au sport sont évitables », martèle le Dr Joël Mehech (Santiago du Chili et CHU de Rouen).
La norme américaine ASTM (american society for testing and materials) est reconnue au niveau international pour des équipements capables de résister à des projectiles lancés à des vitesses allant jusqu’à 145 km/heure. Les normes CE de conformité européenne, représentées en France par l’Afnor, sont le label obligatoire pour les équipements de protection individuelle (EPI). La norme CE + EN166 répond aux exigences générales pour la protection oculaire, essentiellement en ce qui concerne la résistance aux chocs. Les verres en polycarbonate certifiés sont dix fois plus résistants aux impacts que les autres plastiques et peuvent assurer en plus une correction optique et une protection UV.
D’après la session symposium franco-chilien : traumatismes
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