On estime que 6 % des nourrissons de moins d’un an (1) sont traités par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), ce taux ayant augmenté de plus de 110 % entre 2009 et 2019 (2). Pourtant, aucun IPP disponible n’a aujourd’hui d’autorisation de mise sur le marché dans cette tranche d’âge. La plupart du temps, ils sont prescrits dans le cadre d’un reflux gastro-œsophagien (RGO) du nourrisson, par extrapolation avec les indications chez l'adulte et l’enfant plus grand. Cependant, le RGO du nourrisson est physiologique et le plus souvent d’évolution spontanément favorable. Chez le nourrisson, les formes de RGO compliqué d’œsophagite (dont le diagnostic est endoscopique), d’hématémèse ou de syndrome de Sandifer (ou dystonie paroxystique) justifiant une prescription d’IPP sont rares.
Les indications sont rares chez le nourrisson
Ainsi le mésusage, ou la prescription inappropriée d’IPP au regard des connaissances scientifiques, est de plus en plus fréquent chez le nourrisson. En parallèle, une augmentation des effets indésirables est rapportée. Ils sont la plupart du temps bénins mais des évènements graves (pancréatites, hépatite fulminante, agranulocytose, épisodes de confusion mentale, etc.) ou tardifs (augmentation de la susceptibilité aux infections respiratoires et digestives à Clostridioides difficile, augmentation du risque fracturaire, majoration du risque d’allergie alimentaire chez des enfants) sont également notifiés (3).
Un diagnostic à peser
C’est dans ce contexte que la Haute Autorité de santé (HAS) a publié en mars 2024 des recommandations sur le traitement du RGO du nourrisson de moins d’un an (1), en accord avec les recommandations internationales (4).
La HAS distingue le RGO non compliqué (régurgitations simples, sans signes d’alerte), de la suspicion de RGO pathologique. Il faut au moins deux signes cliniques parmi les suivants pour soupçonner un RGO pathologique : refus alimentaire, retard de croissance, changement de comportement (cris/irritabilité) ou symptômes ORL/respiratoires récurrents. En effet, chez le nourrisson, les pleurs, l’irritabilité, le mâchonnement, les cambrements en arrière lors de l’alimentation ne sont pas toujours liés à un RGO, acide ou non (5). La HAS insiste également sur la recherche de diagnostics différentiels, en particulier la sténose hypertrophique du pylore vers l’âge d’un mois, ou encore l’allergie aux PLV. En revanche, la survenue d’une hématémèse fait soupçonner une œsophagite et un avis gastropédiatrique est nécessaire.
Pas de prescription en première ligne
En cas de suspicion de RGO pathologique, la HAS insiste sur l’importance des mesures diététiques (vérification de la reconstitution des biberons, de leurs volumes, épaississement du lait, fractionnement) et posturales (maintien en proclive dans les bras après le repas, couchage à plat dos) en première intention.
Enfin, elle propose un test d’éviction/réintroduction des protéines du lait de vache (PLV) pendant deux à quatre semaines en cas de suspicion d’allergie aux PLV et la réalisation d’examens complémentaires (pH-métrie ou impédancemétrie), avant toute prescription d’IPP.
Si la prescription d’IPP s’avère nécessaire, la posologie doit être de 1 mg/kg en une prise par jour pendant au maximum quatre à huit semaines.
Une mise à jour des recommandations de l’Espghan sur le RGO du nourrisson est attendue dans les prochains mois.
6 %
des nourrissons de moins d’un an sont traités par IPP, un taux qui a plus que doublé en dix ans
(1) HAS. Reflux gastro-œsophagien chez l’enfant de moins d’un an : définitions, prise en charge et pertinence des traitements pharmacologiques. Mis à jour le 13 juin 2024
(2) Yang S et al. J Pediatr 2022;245:158-64.e4
(3) Alla D et al. Glob Pediatr Health 2024;11:2333794X241248967
(4) Rosen R et al. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2018;66:516-54
(5) Orenstein SR. Curr Gastroenterol Rep 2013;15:353
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