La grande majorité des enfants approchant l’âge de deux ans développent un sentiment de peur face aux aliments inconnus ; ils deviennent néophobes. Un comportement qui se traduit par le refus de goûter des produits nouveaux et une tendance à les trouver mauvais dès lors que l’enfant accepte de les goûter. La néophobie alimentaire s’observe facilement : l’enfant trie les aliments de son assiette, les examine avec attention, les flaire et ne les goûte –éventuellement– qu’à contrecœur, en très petite quantité pour parfois les recracher. « La réticence, et souvent même le refus de l’enfant, à goûter certains aliments, n’est pas un caprice : l’enfant est vraiment effrayé par les aliments nouveaux qui se trouvent dans son assiette. Parents et professionnels de santé doivent en avoir conscience », souligne le Dr Florence Solsona, nutritionniste et auteure de « Mon enfant mange mal » (éditions Larousse).
Loin de constituer un trouble du développement, la néophobie alimentaire correspond à une phase normale et banale du développement de l’enfant. « Elle commence entre 18 mois et 3 ans et coïncide souvent avec la phase d’opposition ou "âge du non". Les parents doivent être rassurés, il s’agit d’une phase transitoire (pouvant durer de quelques semaines à quelques mois, rarement quelques années) pendant laquelle ils doivent continuer à proposer des aliments variés en demandant à l’enfant de faire l’effort de les goûter. En lui disant, par exemple, qu’eux non plus n’aimaient pas les asperges lorsqu’ils étaient petits, mais qu’ils les apprécient aujourd’hui, et donc, que les goûts peuvent changer. Ils doivent aussi garder une certaine neutralité, ne pas se mettre en colère. Car l’enfant constatant que son refus alimentaire lui confère un certain pouvoir sur ses parents aura tendance à s’installer dans sa néophobie », note le Dr Solsona.
Les aliments les plus rejetés sont ceux au goût prononcé et, très souvent, les légumes. Il semble donc que l’enfant a déjà développé, vers deux ans, un vrai « goût enfantin ». « En outre, sans doute via un mécanisme de pérennisation de l’espèce, l’enfant s’oriente plus facilement vers des aliments ayant des valeurs énergétiques importantes (sucreries, féculents, chocolats...). Les légumes ont non seulement un goût prononcé (parfois amer) mais aussi, souvent, une faible valeur énergétique », précise le Dr Solsona.
Familiariser l’enfant avec les nouveaux aliments.
Pour aider l’enfant à sortir de sa néophobie alimentaire, plusieurs stratégies existent. Des travaux ont notamment montré que l’exposition répétée à un aliment initialement rejeté par l’enfant facilite son appréciation, c’est « l’effet positif de l’exposition ». D’après Nathalie Rigal, enseignante-chercheur, Maître de conférences à l’université Paris-X-Nanterre, plusieurs expérimentations menées auprès de l’adulte et de l’enfant ont montré que la familiarisation joue en faveur de l’acceptation, voire du plaisir (2). Il semble qu’il faille attendre au moins cinq consommations pour voir apparaître les effets positifs de la familiarisation. « Le pic d’appréciation de l’aliment rejeté augmente vers huit ou neuf expositions. Les parents ne doivent surtout pas baisser les bras à la troisième exposition, ni remplacer systématiquement l’aliment rejeté par un autre (par exemple donner des pâtes à la place des brocolis). Ils doivent continuer à présenter l’aliment rejeté en le préparant sous la même forme culinaire (à la vapeur, avec une sauce Béchamel...); en le présentant sous une nouvelle forme, il serait perçu comme nouveau. Cette consommation répétée doit aussi se dérouler dans un contexte chaleureux, dans le cadre d’un repas attablé, en famille : toute pression exercée sur l’enfant renforce la néophobie pour l’aliment rejeté. Toute la famille (frères et sœurs, parents…) doit également manger les mêmes aliments que l’enfant pour donner l’exemple », indique le Dr Solsona.
Autres stratégies utilisées dans les classes du goût à l’école primaire : l’éducation sensorielle et culinaire. Professeurs, parents et proches peuvent ainsi faire découvrir de nouveaux aliments aux enfants, les associer à la préparation des repas et les inciter à décrire les différentes saveurs. « L’enfant qui est invité à mettre des mots sur les sensations qu’il éprouve en regardant, touchant et consommant les aliments de son assiette – lors des repas familiaux ou scolaires – apprend à les connaître, à les apprivoiser et finit très souvent par les apprécier », assure le Dr Solsona.
(1) Enquête française réalisée sur la néophobie alimentaire en 1994 par la psychologue Liliane Hanse. Questionnaire adressé à 600 mères d’enfants âgés de 2 à 10 ans axé sur les changements de comportement alimentaire de leurs enfants au cours du temps.
(2) «La naissance du goût ». Nathalie Rigal, édité par la Mission Agrobiosciences (octobre 2002), http://www.agrobiosciences.org.
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