• Dans sa forme la plus classique et la plus fréquente, IgE médiée, l’allergie alimentaire se manifeste par une réaction relativement stéréotypée, survenant rapidement après l’ingestion de l’allergène en cause, en moins de deux heures et, le plus souvent, en moins de quinze minutes, élément clé du diagnostic.
L’intensité de la réaction clinique est classée en quatre stades, ou grades, de sévérité croissante.
- Dans les formes de grade 1, les signes cliniques sont essentiellement cutanés : urticaire et angio-œdème (qui correspond à une urticaire profonde), impressionnants, mais sans gravité. Une rhinite et une conjonctivite, tout comme des nausées et des douleurs abdominales modérées, peuvent compléter le tableau.
En pratique, c’est l’accident classique survenant au sevrage, avec apparition d’une urticaire après le 2e ou 3e biberon ou, en cas d’allergie à l’œuf, après les premiers boudoirs ou les premières madeleines.
Ces réactions de grade 1 relèvent d’un traitement antihistaminique.
- Dans les formes de grade 2, un autre organe est atteint, de façon modérée. On parle alors d’anaphylaxie et l’injection intramusculaire d’adrénaline (rendue facile grâce aux stylos auto-injecteurs) est indiquée. Les signes concernent le plus souvent la sphère respiratoire ( œdème laryngé, crise d’asthme), ou digestive (douleurs abdominales sévères, vomissements), ou cardio-vasculaire modérée avec tachycardie. Chez l’enfant, des changements de comportement (pleurs, agitation ou, au contraire, apathie) sont fréquents dans les réactions allergiques, surtout à partir du grade 2.
- Les atteintes respiratoires, digestives et cardio-vasculaires sévères ( tachycardie, chute tensionnelle, collapsus), voire le choc anaphylactique, ce qui constitue les grades 3 et 4 (asphyxie aiguë, arrêt cardiaque), sont rares chez l’enfant, le plus souvent en raison d’un retard au diagnostic, à l’absence d’injection ou au retard d’injection d’adrénaline.
• Moins souvent, l’allergie peut se manifester par un reflux gastro-œsophagien du nourrisson résistant aux traitements classiques, des rectorragies du petit nourrisson, une entéropathie chronique avec stagnation pondérale, une œsophagite à polynucléaires éosinophiles, ou prendre la forme d’une entérocolite aiguë induite par les protéines alimentaires. Ces formes cliniques ne sont en général pas médiées par les IgE, et leur diagnostic, qui doit être un diagnostic d’élimination, est plus difficile.
2. Diagnostic
• Le diagnostic des formes IgE médiées, immédiates, est en général assez facile. Il se fonde sur une « histoire clinique convaincante » qui permet d’établir une relation de cause à effet, et la mise en évidence d’IgE spécifiques de l’allergène, par la réalisation de tests cutanés ( prick-tests), complétés si besoin par des tests biologiques. En cas de doute, un test de provocation oral est effectué en hôpital de jour.
Il est essentiel de ne pas faire de tests, en particulier biologiques, sans histoire clinique évocatrice, du fait de la possibilité de faux positifs, et ainsi de régimes alimentaires abusifs.
Il importe aussi de rappeler que l’eczéma n’est pas une allergie, même s’il fait partie des maladies atopiques. Une allergie alimentaire associée doit être recherchée uniquement dans les formes sévères (moins de 30 % des cas), accompagnée de signes digestifs (diarrhée, rectorragies) et de troubles de la croissance.
3. Prise en charge
• Les allergies au lait de vache et à l’œuf sont plutôt de bon pronostic et, en général, la tolérance est souvent acquise pour le lait autour de 2 ans, de 4 ans pour l’œuf. Comme ces allergènes sont thermosensibles, le régime d’éviction peut souvent être partiel, autorisant les formes bien cuites dans l’alimentation, ce qui accélère l’acquisition de la tolérance.
• Pour la plupart des autres allergènes, le prise en charge repose sur l’éviction, avec peu d’espoir de guérison. Cependant, des protocoles d’induction de tolérance sont de plus en plus proposés aux patients, avec administration quotidienne de petites doses de l’allergène, et augmentation progressive au fil des mois. Ces protocoles, non encore de pratique courante, permettent d’augmenter le seuil de réactivité à l’allergène et, ainsi, de mettre l’enfant à l’abri de réactions sévères pour des très petites quantités.
• Le régime d’éviction, totale ou partielle, doit être parfaitement expliqué aux parents, qui doivent recevoir une liste d’aliments interdits et autorisés, savoir lire l’étiquetage alimentaire et se servir de la trousse d’urgence, qui doit accompagner l’enfant en toute circonstance (crèche, garderie, grands-parents…). Le suivi doit être régulier, tous les 3 à 6 mois. Des séances d’éducation thérapeutique sont souhaitables en cas d’allergies sévères et/ou multiples.
4. Prévention
La prévention de l’allergie alimentaire est essentielle et les données récentes plaident en faveur de l’introduction des allergènes entre 4 et 7 mois, période au cours de laquelle il est possible de donner, avec du bon sens, la majorité des aliments, y compris ceux réputés allergisants.
À retenir
- Se méfier des fausses allergies : fraises et chocolat sont riches en histamine et il est banal d’observer une réaction à type de rougeur après ingestion de ces aliments, à ne pas confondre avec une réaction allergique.
- Éviter la confusion entre allergie au blé et maladie cœliaque et entre allergie aux protéines du lait de vache et intolérance au lactose.
- Pas de régime d’éviction sans diagnostic certain.
- Favoriser la diversification entre 4 et 7 mois.
- Aider l’enfant à s’intégrer dans les restaurations collectives en participant à l’élaboration d’un PAI (projet d’accueil individualisé).
- Bien informer les parents, facilement victimes de méthodes relevant plus ou moins du charlatanisme.
Dr Isabelle Hoppenot
D’après un entretien avec le Dr François Payot, pédiatre allergologue, Lyon.
Liens d’intérêt du Dr François Payot : participation à des séminaires organisés par Bledina, Nestlé, Picot, Novalac, Mead Johnson.
Références
1. Bidat E. Allergie alimentaire de l’enfant. Arch Pediatr 2006 ; 13 : 1349-53.
2. Rancé F. L’accueil en collectivité d’un enfant atteint d’allergies alimentaires : le projet d’accueil individualisé (PAI). Arch Pediatr 2010 ; 17 : 1731-3.
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