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Dossier

Traitement de la scoliose, le préjudice du temps perdu

Publié le 25/10/2019
Traitement de la scoliose, le préjudice du temps perdu

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VOISIN/PHANIE

Pas de sursis en pédiatrie Scoliose, fractures évocatrices de maltraitance, etc. : les 54e journées parisiennes de pédiatrie ont abordé plusieurs situations qui imposent de réagir vite, sous peine de conséquences irréversibles pour l’enfant.

« Pas d’ostéopathie, pas de podologue, pas de kiné, c’est du temps perdu ! » Lors des journées parisiennes de pédiatrie (4-5 Octobre 2019), le Dr Yan Lefevre (hôpital Pellegrin, Bordeaux) a appelé à ne pas tergiverser si une scoliose est suspectée chez l’enfant et à enclencher d’emblée une démarche diagnostique adaptée.

À cela plusieurs raisons : d’une part, si elle est peu évolutive chez l’enfant, la scoliose peut s’aggraver rapidement lors de la croissance à l’adolescence. D’autre part, si le traitement est le corset jusqu’à un angle de 40 degrés, au-delà, la solution est chirurgicale.

D’où l’intérêt de dépister tôt et de surveiller régulièrement une scoliose en médecine générale. L’examen est simple : regarder l’enfant de dos, repérer le déséquilibre des épaules ou l’existence d’un flanc plus marqué (creusement de la taille d’un seul côté) et rechercher des antécédents familiaux de scoliose. Il faut demander à l’enfant de se pencher en avant et voir s’il y a une gibbosité. Il convient également d’évaluer la maturation osseuse en appréciant cliniquement le stade pubertaire pour juger du potentiel évolutif.

Après l’examen clinique, les radios du rachis entier face et profil précisent le diagnostic et permettent de quantifier l’angle de Cobb à partir des vertèbres supérieures et inférieures en cas de scoliose confirmée. L’IRM n’a pas sa place, sauf s’il existe des douleurs suspectes ou une anomalie à l’examen neurologique.

Le diagnostic différentiel est l’attitude scoliotique ; il n’y a alors pas de rotation vertébrale ni de gibbosité.

Gare aux maladies neuromusculaires

Même si la scoliose est idiopathique dans 80 % des cas, il faut être vigilant pour ne pas laisser passer une scoliose secondaire, car si elle reste rare, elle peut être grave. Des maladies neuromusculaires, une hyperlaxité comme un Marfan ou une maladie d’Ehler Danlos peuvent se manifester ainsi. Attention aussi à une scoliose raide et douloureuse de l’enfant qui peut être de cause inflammatoire, infectieuse voire tumorale.

Dès la confirmation diagnostique, un avis spécialisé s’impose. « Le dépistage est avant tout la recherche d’une gibbosité, la bonne radio et un avis spécialisé », résume le Dr Lefevre.

Côté prise en charge, le traitement orthopédique s’est modernisé avec la prise de mesure assistée par ordinateur en vue de la confection d’un corset thermoformé léger et relativement confortable. Le traitement a pour but d’améliorer la posture, d’éviter l’aggravation lors de la poussée de croissance et de restaurer un bon aspect esthétique. L’observance est la clé de la réussite, sachant que le port du corset doit se concevoir jusqu’à la fin de la croissance rapide. Le corset nocturne est le mieux accepté. « La radio sous corset permet de remotiver le patient », explique le Dr Raphaël Pietton (hôpital Trousseau, Paris).

Il n’y a pas de contre-indication aux sports. Ceux en extension maintiennent un dos souple et un bon équilibre tant physique que moral. L’activité physique a aussi un bénéfice social, surtout à l’adolescence.

Lorsqu’elle est très évoluée, au-delà de 40°, la scoliose doit être opérée car « le patient est un candidat à l’insuffisance respiratoire à l’âge adulte », indique le Pr Raphaël Vialle (hôpital Trousseau, Paris). Une autre indication chirurgicale est la scoliose thoraco-lombaire, exposant à un fort déséquilibre vertébral, source de dégénérescence discale et de sciatiques. La chirurgie peut aussi être indiquée chez un enfant de 9-10 ans avec une scoliose d’emblée très marquée ou un ado qui échappe au traitement orthopédique bien conduit. Les résultats sont bons : les patients peuvent avoir un emploi, conduire une voiture et faire du sport. Sur le plan morphologique, la stabilité vertébrale est assurée, l’angulation diminue de 70 à 80 % et la capacité respiratoire progresse.

Effet placebo, les enfants aussi

Alors que le débat sur l’homéopathie a remis l’effet placebo sur le devant de la scène, une conférence plénière originale a fait le point sur ce phénomène mystérieux. Notion ancienne issue de la liturgie, reprise à la cour du roi et gagnant ses titres de noblesse en médecine, “placebo” exprime une efficacité factice.

L'effet placebo concerne des personnes de tout âge y compris des bébés ; il peut être observé chez des malades comme chez des sujets sains et existe aussi chez l’animal.

Endomédicament Il n’a pas de relation avec le QI ni une personnalité hystérique, comme on a pu le croire. « Ce serait même l’inverse », indique le Dr Patrick Lemoine (Lyon). C’est l’attente qui conditionne l’importance de cet effet. Plus on a d’espoir, plus le placébo a de chances de s’exercer. Il y a donc la participation d’un processus assez mystérieux au niveau du cerveau. La douleur est un bon exemple. L’effet placebo est de 85 % si un effet antalgique est escompté mais il n’est plus que de 5 % en cas de prise chez le volontaire sain. « Il existe une sécrétion d’un endomédicament », explique le Dr Lemoine. Pour preuve, si l’on donne de la naloxone qui bloque l’effet de la morphine, on bloque l’effet placebo antalgique.

Certaines affections sont particulièrement concernées : les douleurs, l’asthme et les insomnies. « Notre cerveau est le plus incroyable des laboratoires pharmaceutiques », souligne le spécialiste.

En cancérologie, on parle de “fighting spirit”. D’où l’importance d’instaurer chez le patient un sentiment de contrôle de la situation.

Dr Muriel Gevrey