Traiter selon le stade de BPCO

Les recommandations de la SPLF sont toujours d’actualité

Publié le 29/01/2015
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La classification de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) la plus simple – la seule adoptée en France par la Société de pneumologie de langue française (SPLF) depuis plusieurs années – décrit quatre stades de sévérité du degré d’obstruction bronchique, mesuré par le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS).

Une autre classification, recommandée par le groupe international GOLD il y a quatre ans, a l’avantage d’intégrer des variables cliniques importantes pour mesurer l’impact de la maladie sur le patient : dyspnée, état de santé global, historique d’exacerbations. Elle n’est pas adoptée en France, ni dans plusieurs autres pays, en raison de sa complexité et parce que les indications thérapeutiques auxquelles elle conduit ne sont pas considérées comme validées en termes de médecine basée sur les preuves.

Les traitements de fond dont on dispose actuellement sont les bronchodilatateurs à longue durée d’action (BDLA, bêta-2-mimétiques ou anticholinergiques), l’association de deux bronchodilatateurs et enfin les corticoïdes inhalés (CI) qui ne sont autorisés par les autorisations de mise sur le marché (AMM) européennes que dans le cadre de leur association fixe avec les précédents (Seretide, Symbicort, Innovair).

Trois grades de traitement sont alors possibles. Le premier est représenté par un BDLA, le deuxième par une association de deux BDLA ou d’un BDLA avec un CI, le troisième par l’association des trois molécules. « La difficulté à laquelle nous sommes confrontés, face à ces différentes options, déclare le Pr Nicolas Roche (Cochin, Paris), c’est le peu de données de la littérature qui permettraient de clarifier avec précision leurs indications. Certes, la majorité s’accorde pour commencer par un seul produit et ensuite passer à une association. Reste à savoir quel BD doit être prescrit en première ligne et ensuite quelle association chez quels patients : deux BDLA ou une association avec un CI ? Les différentes études ne permettent pas d’identifier réellement des sous-groupes répondeurs à une association plutôt qu’à l’autre ».

Monothérapie d’emblée plutôt que bithérapie devant un stade sévère

Enfin, troisième incertitude : si le patient consulte à un stade avancé – ce qui arrive relativement souvent car le diagnostic peut être très tardif – quel degré de traitement faut-il prescrire ? Il n’existe aucune étude actuellement qui permette de répondre à cette question. C’est d’ailleurs une des critiques importantes de la SPLF vis-à-vis de la classification internationale, qui préconise dans ce cas de traiter d’emblée par une bi- voire une trithérapie. L’attitude de la SPLF étant de commencer par une monothérapie et de progresser dans le traitement en fonction de son efficacité ou non. « Il n’y a aucune donnée dans la littérature qui permette de penser qu’une stratégie est meilleure que l’autre, souligne le Pr Roche.L’attitude de la SPLF a l’avantage de répondre à une certaine logique médicale ».

Des études sont en cours qui vont probablement permettre d’apporter des éléments de réponse, notamment sur la place des associations de deux bronchodilatateurs par rapport aux associations bronchodilatateur-corticoïde. Pour l’instant, seules existent des données provenant d’études menées chez des patients hors indications européennes des associations avec des corticoïdes. Elles ont montré que l’association de deux BDLA était plus efficace, sur la fonction respiratoire et sur la dyspnée, que celle avec CI.

« Ceci confirme que, dans ces indications où Seretide, Symbicort ou Innovair n’ont pas l’AMM, il est logique et préférable de prescrire un BDLA ou l’association de deux BDLA », précise le Pr Roche.

Or cette attitude ne reflète pas la réalité. En effet, la moitié des patients pour lesquels les CI en association ne sont pas indiqués en reçoivent quand même…

Une étude est en cours chez les patients qui présentent une altération sévère de leur fonction respiratoire (VEMS ‹ 50 %) et un historique d’exacerbations, et qui entrent donc dans l’indication BDLA-CI. Elle permettra probablement d’identifier les profils de patients chez qui telle association serait meilleure que l’autre et d’établir des recommandations claires avec des sous-groupes de patients bien identifiés.

En attendant les résultats, la politique de la SPLF est de respecter les AMM et de garder l’ancienne classification, sur laquelle elles s’appuient. Les associations n’ont aujourd’hui qu’une indication après monothérapie. Cette logique est fondée sur les preuves.

Il faut toutefois signaler qu’un certain nombre de patients sont traités hors recommandations et hors AMM. « On a l’impression, explique le Pr Roche, qu’il existe des patients diagnostiqués à un stade très avancé de la maladie et qui sont sous-traités et d’autres, diagnostiqués relativement tôt, qui sont surtraités. Ceci traduit probablement la difficulté pour certains médecins de faire le diagnostic différentiel entre BPCO et asthme. Dans le doute, les patients reçoivent une association BDLA-CI. Avant de donner le bon traitement, il faut faire le bon diagnostic », conclut-il. Tout un travail d’analyse détaillée de la littérature est en cours afin de préciser les recommandations de la SPLF et de proposer des stratégies simples.

Entretien avec le Pr Nicolas Roche, service de pneumologie, groupe hospitalier Cochin, Paris

Dr Brigitte Martin

Source : Le Quotidien du Médecin: 9382