Pr Claire Andréjak : « Le pneumologue a un rôle central dans les maladies infectieuses »

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Publié le 28/01/2021
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Si les infectiologues sont souvent mis en avant dans le cadre du Covid, les pneumologues ont en fait un rôle central dans la prévention, la prise en charge et le suivi des maladies infectieuses respiratoires. La Pr Claire Andréjak (CHU d’Amiens), coordinatrice du groupe de recherche et enseignement en pneumo-infectiologie (Grepi), présente au congrès la création d’une filière de soins dédiée au post-Covid… Tout en insistant sur le poids des autres pathologies.

Pr Claire Andrejak, pneumologue en pathologie infectieuse et tropicale, clinique et biologique, CHU d’Amiens

Pr Claire Andrejak, pneumologue en pathologie infectieuse et tropicale, clinique et biologique, CHU d’Amiens
Crédit photo : DR

Le pneumocoque reste le germe respiratoire qui tue le plus en France

Le pneumocoque reste le germe respiratoire qui tue le plus en France
Crédit photo : phanie

Autrefois phtisiologue, le pneumologue est devenu aussi pneumopédiatre, allergologue, cancérologue, somnologue… Mais le retour des maladies épidémiques, avec l’arrivée du Covid-19, a remis l’infectiologie au cœur du métier. « Les pneumologues ont toujours été par essence en première ligne dans la prévention, la prise en charge et le suivi des patients souffrants de maladies respiratoires infectieuses. Aujourd’hui, la pandémie à Covid-19, qui vient s’ajouter aux autres infections respiratoires, ne fait que le rappeler », souligne la Pr Claire Andréjak (CHU d’Amiens).

Suivi des séquelles post Covid-19

La SPLF a lancé une méta-cohorte, Pneumo-Covid, dédiée aux séquelles respiratoires. Elle va permettre de rechercher les facteurs de risque − en particulier le rôle éventuel des comorbidités respiratoires − et d’évaluer l’impact de la réhabilitation et des traitements sur l’évolution. Le suivi est fondé sur un bilan fonctionnel minimal systématique 2 à 4 mois postinfection en médecine générale (MG), assorti si besoin d’une consultation en pneumologie (1). Les séquelles respiratoires et/ou les Covid-long doivent être suivis en milieu spécialisé. Mais on manque toujours de filière de soin dédiée coordonnant MG, pneumologues et soins de suite et réadaptation.

Vaccination dans les pathologies pulmonaires

« En concertation avec la Société de pathologie infectieuse en langue française (Spilf), nous avons édité cette année un guide pratique de vaccination en pneumologie (2). Il passe en revue, pour les principaux vaccins existants − grippe, pneumocoque, coqueluche, Haemophilus influenzae et zona – leur utilité chez les patients souffrant de pathologies respiratoires chroniques, BPCO, asthme, de cancer ou candidats à la transplantation pulmonaire », explique la Pr Andréjak.

« Les patients sont largement sous-vaccinés. On est par exemple à guère plus de 20-30 % de BPCO vaccinés pour le pneumocoque, rappelle-t-elle. Le guide prend aussi position pour une vaccination grippale et pneumococcique raisonnée, dès le diagnostic de cancer bronchique. » Ces patients ont un surrisque infectieux. Or, même sous thérapie ciblée, les vaccins sont efficaces et sans interaction connue. En revanche, il y a moins de données disponibles avec l’immunothérapie. La vaccination des patients éligibles doit donc être pesée au cas par cas, en fonction du rapport bénéfice/risque estimé, en attendant les résultats des études prospectives en cours.

Coqueluche, BK, pneumocoque : les efforts doivent être poursuivis

« Depuis plusieurs années, on assiste à une poussée épidémique de coqueluche chez l’adulte. C’est particulièrement problématique pour les personnes en charge des séniors et des tout-petits. C’est pourquoi un rattrapage est recommandé aux alentours de 25 ans, vers l’âge où l’on va devenir parent, et doit être discuté chez les grands-parents, rappelle la Pr Andréjak. Cette année, il n’y a pas eu d’alerte. Mais la pandémie à Covid-19, sur le devant de la scène, a pu occulter la coqueluche. »

« Côté tuberculose, c’est la même chose : pas d’alerte mais une situation toujours sous tension », ajoute la pneumologue. Pour mémoire, elle reste la première cause de mortalité infectieuse au monde. « Les gens pensent que le bacille ne se développe qu’en l’absence d’hygiène, en zone d’endémie. Ce qui est faux. Pour exemple à Amiens, zone de faible endémie, on a régulièrement des cas », souligne la Pr Andréjak. Au dernier décompte, en 2018, la situation de la France était marquée par une baisse constante des cas (3). Mais ce, de façon très hétérogène. En 2018, on est en gros à 5 000 cas de tuberculose-maladie, soit 7,6/100 000 habitants au niveau national. Mais ce taux atteint 11,5/100 000 à Mayotte, 16,1/100 000 en Île-de-France et 25,7/100 000 en Guyane. Il est en outre 17 fois supérieur chez les sujets nés à l’étranger (40,1 vs. 2,4/100 000), très majoré chez les détenus (76,0/100 000) et encore plus chez les sans domicile fixe (249/100 000).

Bonne nouvelle cependant, alors que BCG fête ses 150 ans, plusieurs candidats vaccins sont en cours d’évaluation. « La capacité de Mycobacterium tuberculosis à survivre dans plusieurs compartiments de l’organisme compliquant singulièrement sa mise au point », note la Pr Andréjak.

Quant au pneumocoque, c’est un germe toujours très fréquent, à l’origine d’infections graves. « Bien que l’on ne puisse avancer de chiffres, en absence de déclaration des cas, il reste le germe respiratoire qui tue le plus en France. D’autant que, à la différence de la légionellose, il tue à tout âge et sur tout terrain », rappelle la Pr Andréjak.

Un rôle central de suivi

Les infections respiratoires sont essentiellement prises en charge en médecine générale. On passe au pneumologue en dernier recours, lorsqu’il y a des complications. En revanche, le spécialiste est très sollicité pour les suivis de pathologies chroniques, notamment la mucoviscidose. « Sa fréquence est stable chez l’enfant mais, l’espérance de vie ayant largement augmenté, nous avons de plus en plus de patients (sous antibiothérapie à large spectre) à prendre en charge et suivre, et manquons du coup de moyens », souligne la Pr Andréjak.

Le pneumologue a aussi un rôle incontournable dans le suivi des pneumopathies. Il faut réévaluer après traitement et, lors d’infections répétées dans le même territoire pulmonaire, penser à évoquer un cancer sous-jacent. Enfin, le suivi par imagerie de la tuberculose sous et après traitement est indispensable, notamment pour vérifier l’absence de lésions résiduelles et de communication entre une bronche et l’extérieur, qui ferait le lit d’une aspergillose.

 

Entretien avec la Pr Claire Andréjak (CHU d’Amiens)

(1) C Andréajak et al. Guide pour le suivi respiratoire des patients ayant présenté une pneumopathie à SARS-CoV-2. Proposition de prise en charge élaborée par la SPLF. Revue des maladies respiratoires 2020;37:505-510

(2) Guide Pratique de Vaccination en Pneumologie. Revue des Maladies Respiratoires. 2020(12)

(3) JP Guthmann et al. La tuberculose maladie en France en 2018. Faible incidence nationale, forte incidence dans certains territoires et groupes de population. BEH 2020; 10-11:196-203

 

Pascale Solère
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Source : Le Quotidien du médecin