C’est un travail très complet qu’a présenté Nicole Darmon (INRA, UMR Moisa, Montpellier), lors d’une conférence sur l’alimentation durable (1), en se fondant sur trois approches – au niveau des aliments, des régimes alimentaires complets, puis à l’aide de modélisations.
Ce thème de recherche a pris de l’ampleur récemment. La FAO définit l’alimentation durable comme respectant l’écosystème, la santé, tout en étant économiquement viable et culturellement acceptable.
Il apparaît d’abord que la convergence, admise, entre les objectifs environnementaux et de santé est une idée reçue – avec l’alimentation végétale perçue comme meilleure dans tous les cas. En effet, certains produits animaux (œufs, laits et petits poissons) ont un impact carbone faible. Et les féculents raffinés, dont l’impact carbone est parmi les plus faible, ne sont pas bons pour la santé, de même que le sel, le sucre, les farines blanches et l’huile végétale. L’environnement ne sera pas sauvé par la frite !
Peut-on identifier des aliments « durables » ? Cette approche mène à une impasse. Elle consiste à attribuer un score aux aliments, selon leur impact carbone, leur prix au kilo et leur rapport SAIN/LIM (2), au vu de leurs écarts à la médiane. Cela permet d’identifier 26 % des aliments comme étant « plus durables » : fruits et légumes, féculents, produits laitiers, matières grasses. Mais, en changeant légèrement le raisonnement, prenant le prix non pas au kilo mais pour 100 kcal, les fruits et légumes sont hors course. Conclusion : l’effet quantité domine tellement, qu’il pollue les autres résultats.
D’où la seconde approche, sur les régimes alimentaires. Si l’on prend des diètes caricaturales, « tout méditerranéen » ou « tout junk food », on retombe dans le travers de l’effet quantité. La densité énergétique allant du simple au double, il faut 660 g de junk food pour atteindre ses 2 000 kcal quotidiennes, contre 1,6 kg de repas méditerranéens, lesquels deviennent du même coup plus contributeurs de gaz à effet de serre.
Raisonner en vie réelle nécessite de croiser des données nationales hétérogènes : épidémiologie nutritionnelle, pollution dégagée par l’agriculture, qualité nutritionnelle et prix des aliments. En France, chaque personne mange l’équivalent de 4 kg de CO2 par jour. Les hommes davantage que les femmes, et avec une forte variabilité interindividuelle. Bonne nouvelle, il existe une corrélation positive entre la qualité moyenne d’un régime et sa durabilité.
Il a aussi été possible d’identifier des « déviants positifs », à l’émission alimentaire réduite de 20 %. Ce sont des individus qui mangent moins (– 200 à 300 kcal), et différemment (densité énergétique plus faible, équilibre entre les groupes alimentaires modifiés : plus de légumes et féculents, moins d'alcool, de viandes, plats préparés, sucreries). Ces personnes dépensaient aussi moins que la moyenne pour leur alimentation (6,7, contre 6,20 €, lire encadré).
Pour aller au-delà de ces 20 % de réduction des gaz à effet de serre, des modélisations théoriques de régimes alimentaires sont nécessaires. Jusqu’à 40 %, l’adéquation nutritionnelle peut être atteinte sans modification notable de la diète moyenne, si ce n’est une nette augmentation des fruits et légumes (500 g/j) et une réduction de la viande. On peut réduire les émissions jusqu’à 60 %, mais les changements proposés par le modèle sont alors culturellement peu acceptables. Cette approche, développée depuis plus de 10 ans par Nicole Darmon et son équipe, suscite aujourd’hui un vif intérêt dans son application au niveau individuel (3).
(1) Conférence organisée par le CERIN, Séville, 1
er février 2018
(2) SAIN/LIM : rapport reflétant l’équilibre alimentaire
(3) Maillot et al. Congrès international de nutrition, Buenos Aires, oct 2017
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