Voyage en orthopédie et en psychiatrie

La Chine avare du bistouri

Publié le 30/11/2010
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Crédit photo : D. CH.

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DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE

LA CLINIQUE orthopédique de Beiya, en périphérie de Pékin, affiche 97 % de bons résultats pour l’ostéonécrose aseptique de la hanche et la spondylarthrite ankylosante, ses deux spécialités. Pourtant, le coup de bistouri y est rare : la clinique n’opère que 5 % des patients hospitalisés. Comment expliquer ce paradoxe ?

La démonstration débute par un film. Plateaux techniques modernes, souris de laboratoire, cours magistral à des étudiants, docte professeur s’exprimant face caméra sur fond de musique kitch : les images et les discours se succèdent, dont on devine qu’ils vantent les mérites de l’établissement. Puis vient la visite à proprement parler. « Nous allons entrer dans le vif du sujet », se réjouit Jacques Caton, dérouté par la vidéo où manquaient les sous titres. Ce jour-là, il ne sera pas possible de voir les blocs. La délégation française déambulera, sous bonne escorte, dans les services et les salles de soins. Ici, des chambres à six lits. Là, le service VIP : chambre individuelle et télévision, moyennant une jolie rallonge budgétaire. Beaucoup de patients très jeunes. Des béquilles en bois. Des affiches avec les points d’acupuncture au mur.

Jacques Caton va de surprise en surprise. L’étonnement débute dans cette salle où des patients sont assis, les pieds trempant dans une bassine, le pyjama relevé au-dessus du genou. La scène paraît énigmatique faute d’explication. Au bout du couloir, le mystère s’épaissit : des patients sont allongés à l’intérieur de caissons semblables à des sarcophages. Seule dépasse leur tête. « C’est un bain de vapeur pour éliminer les toxines. Cela dure 40 minutes », décrypte un médecin chinois. Viennent ensuite la salle des cataplasmes, la salle des ultrasons. Et partout cette forte humidité. « L’ambiance bouillon de culture n’inspire pas confiance. Je ne viendrais pas me faire opérer ici », glisse un gynécologue de la délégation française.

Jacques Caton veut faire honneur à ses hôtes. Il tait ses doutes, qu’il confie tout bas : « On n’a vu aucune prothèse, juste une photo avec un bout de ferraille. On a des choses à leur apprendre! » Le staff chinois tient à expliquer sa pratique : « La plupart des patients sont traités par la méthode traditionnelle : acupuncture, massage, médicaments traditionnels. On opère très peu ». Une fierté pour l’équipe de Beiya. Une incongruité pour Jacques Caton : « En France, on opère les spondylarthrites ankylosantes pour les remettre droit. Leur taux de 97 % de réussite, je n’y crois pas. Ils ont encore du chemin à faire pour parvenir à une médecine moderne. »

Le chirurgien lyonnais demande d’où viennent les implants. « De Chine et d’Allemagne, lui répond-on. Une prothèse coûte 15 000 yuans [1 700 euros]. »« Un peu plus cher qu’en France », commente le Dr Caton, qui repartira sans savoir si l’acier inoxydable est, ou non, de même qualité que dans l’hexagone. Sa question sur la lutte contre les infections nosocomiales n’a pas davantage donné lieu à une réponse détaillée. « Nous suivons le protocole national, l’un des meilleurs au monde », répond un médecin, sans citer de statistiques.

Malgré ses doutes et ses étonnements, Jacques Caton a signé un partenariat avec la clinique Beiya. « Tout reste à faire pour y développer l’orthopédie, explique-t-il. Ce n’est pas possible de continuer à soigner une nécrose avec un bain de pied. La culture française a le Louvre à Abu Dabi, en revanche rien n’est fait pour exporter la médecine française. C’est pourtant important : il y a une carte à jouer y compris pour les industriels. Nous irons former des chirurgiens sur place, et nous accueillerons des Chinois à la clinique Émilie de Vialar à Lyon. »

DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8866