Sexualité et dépression

Des liens étroits

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Publié le 13/04/2017
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dépression et sexualité

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Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Les personnes déprimées ont un risque de suicide 20 fois plus important que la population générale. L'impact de cette maladie mentale sur la mortalité toutes causes confondues et, notamment, sur la mortalité cardiovasculaire est significatif. La dépression augmente le risque d'AVC et d'infarctus du myocarde. « Ce risque est corrélé à la sévérité de la dépression car il existe des mécanismes génétiques et biologiques communs aux troubles de l'humeur (dont la dépression) et aux maladies cardiovasculaires et métaboliques. La dépression aurait aussi une origine inflammatoire chez certains patients », souligne la Dr Laure Grellet, sexologue à Montpellier.

Les conséquences de la dépression sur la sexualité sont majeures. Chez la femme, la dépression peut avoir comme conséquence une baisse de désir, l’altération de l’excitation et du plaisir dans les rapports sexuels et des difficultés à accéder à un orgasme. L'homme déprimé, peut lui aussi souffrir d’une baisse de désir sexuel, de troubles de l’excitation (érection) ou d’une altération du plaisir et de l’éjaculation. Le risque de dysfonction érectile (DE) est multiplié par 2. Plus la dépression est sévère et récurrente, plus le risque de DE augmente. « Un syndrome anxiodépressif doit être recherché chez les patients souffrant de DE et les patients déprimés devraient bénéficier d'une évaluation de leur vie sexuelle et de la présence ou non de DE », note la Dr Grellet.

Perte d'élan et baisse du désir

L'interrelation réciproque entre les troubles psychiatriques, le fonctionnement cérébral et sexuel, n'est plus à prouver. Leur neurobiologie est commune, aussi bien au niveau central que périphérique. « L'augmentation de la CRP est corrélée à la probabilité de survenue de la dépression et à son pronostic (récurrences des épisodes, notamment). Dans la DE, la dysfonction endothéliale est aussi liée à des mécanismes d'inflammation et à la CRP », indique la Dr Grellet. Par ailleurs, lors des épisodes dépressifs, le dysfonctionnement cognitif favorise des troubles de la sexualité (perte d'élan vital, baisse du désir, repli sur soi…). Le sujet déprimé est submergé par les ressentis ou émotions négatives, il peut aussi « se couper » de son corps et de ses émotions ; « il existe une altération de l'intégration des stimuli sexuels avec une inhibition de la réponse sexuelle et ou encore, une réponse inadaptée », précise la Dr Grellet.

En outre, les traitements de la dépression peuvent être délétères sur la sexualité. Or, « nous ne pouvons pas attendre que le patient sorte de sa dépression pour traiter sa DE. En effet, les troubles sexuels ont un retentissement négatif sur l’humeur et perturbent l’observance thérapeutique. Chez la personne déprimée, les interruptions ou la réduction de dose d'antidépresseur peut être risquée, et freiner la guérison ou favoriser les rechutes. Nous pouvons proposer de trouver ensemble la juste dose d'antidépresseur préservant le plus possible la sexualité », affirme la Dr Grellet.

Le rôle du généraliste et du sexologue

Le médecin généraliste a une place privilégiée pour orchestrer les approches thérapeutiques : il peut repérer, traiter et accompagner ces patients qui échappent souvent à la prise en charge thérapeutique de leurs dysfonctions sexuelles. Le sexologue, quant à lui, doit repérer la dépression et les éventuelles comorbidités associées. Il informe et donne des conseils spécifiques sur la sexualité. « Il peut travailler avec des approches cognitives ou centrées sur les émotions ou encore avec la méditation pleine conscience pour désamorcer l'anxiété de performance et l'anticipation anxieuse, notamment. Son travail doit se faire en coopération avec d'autres professionnels, dans le cadre d'une coopération multidisciplinaire. Le travail avec un psychiatre et/ou un psychothérapeute est, notamment, intéressant (thérapies cognitives et comportementales, psychothérapies intégratives…) pour aider le patient à apprivoiser ses émotions et améliorer son estime de soi », conclut la Dr Grellet.

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9572