Forum des rumeurs
Les Grecs de l’Antiquité avaient tranché : pour eux, les performances sportives étaient bien liées à l’activité sexuelle, celles-ci mettant en péril celles-là, et c’est pourquoi toute relation sexuelle était interdite aux athlètes avant les Jeux. Le sexe avant l’épreuve, un mauvais plan ? C’est une rumeur qui a la vie dure : le boxeur Mohammed Ali observait une abstinence de six semaines avant les matches. Le tennisman Fabrice Santoro s’interdisait tout rapport sexuel avant une rencontre.
Le champion olympique du 100 m Linford Christie prônait le calme complet pendant les trois derniers jours. Mais la liste des champions amateurs de sport en chambre lors de la dernière nuit est longue aussi : Laure Manaudou, qui s’est fait tatouer « love is the essence of life », pour que nul n’en ignore ; Yannick Noah, qui a confié que chaque fois qu’il a remporté un tournoi, « c’est parce que (sa) fibre sentimentale venait de se transformer en sucre d’orge » ; ou Bob Beamon qui a réalisé l’un des plus grands exploits de tous les temps aux Jeux de Mexico, en 1968, l’unique fois où il n’était pas resté chaste la veille de l’épreuve de saut en longueur.
Le pouvoir sportif n’a toujours pas tranché. A toutes fins utiles, aux JO de Sydney (2000), trois préservatifs avaient été distribués tous les jours aux compétiteurs, à Athènes (2004) pas moins de 130 000 préservatifs furent distribués dans le village, avec 30 000 sachets de lubrifiants, à la barbe de Zeus, dont le temple jouxte la cité olympique.
Zapping épidémiologique
Le débat a beau être relancé à la veille de toutes les grandes compétitions, il n’est toujours pas soldé scientifiquement. Les rares publications du Journal of sports medicine and Physical fitness présentent cependant des conclusions convergentes quant aux supposés effets de l’activité sexuelle sur la performance : « L’activité sexuelle n’a pas d’influence négative sur l’énergie maximale déployée par les athlètes, ni sur leur concentration mentale », souligne une étude du Suisse Sztaijtzel réalisée en 2000 sur une quinzaine de volontaires, cinq minutes après l’acte, ne trouvant pas de baisse de rendement en force ni en endurance sur bicyclette ergonomique.
En 1995, l’Américain Boone n’avait pas relevé davantage de différence après avoir analysé la puissance aérobie et l’oxymétrie développées par onze sujets masculins dix heures après l’effort sexuel. Plus ancienne, une étude longitudinale menée par le centre médical olympique britannique de 1980 à 1983 n’avait pas non corrélé performances sportive et sexuelle.
La question reste discutée quant aux niveaux post coïtum de la testostérone ; son taux dans le sang et par conséquent dans les muscles chute après l’acte, ce qui pourrait susciter une moindre performance musculaire. Sauf que le même taux enregistre une forte hausse durant l’acte, la baisse survenant après pouvant donc ne correspondre qu’à une remise à niveau. Sur le plan cardiaque, le rythme peut accélérer jusqu’à 180 au moment de l’orgasme. Le sexe serait-il un excellent cardio-training, ou risquerait-il de fatiguer l’organisme du champion ?
Zoom de l’expert
« Cette question n’est pas anecdotique et elle nous laisse aujourd’hui sans doctrine, faute de données scientifiques, constate le Dr Alain Frey, chef du département médical de l’INSEP (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance). Parce qu’il faudra bien conclure un jour pour prescrire ou non l’abstinence aux champions, nous avons lancé auprès de nos sportifs une enquête transversale mono-centrique qui va enfin fournir une base de données pour statuer. »
En partenariat avec Menarini France, 350 sportifs ont répondu anonymement, à l’occasion de leur bilan de santé bi-annuel, à une batterie de cinquante questions sur intranet concernant leurs pratiques sexuelles. Terminé le mois dernier (fin juin), le recueil est actuellement en cours d’analyse avec le Dr Gilbert Bou Jaoude, coordinateur scientifique et la publication est annoncée pour le mois de novembre. « On va pouvoir enfin aborder la question autrement qu’avec une approche individu-dépendante, espère le Dr Frey, et ne plus se contenter, au chapitre sexualité, d’évoquer seulement les IST ou le décalage des règles. »
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