Le TOC est un trouble psychiatrique chronique fréquent, dont la prévalence est de 2 à 3 %. Particulièrement invalidant, il altère significativement la qualité de vie et le fonctionnement social des patients qui en souffrent. C’est une pathologie du sujet jeune qui se déclare en moyenne vers l’âge de 15 ans, mais le recours au soin est tardif.
La prise en charge du TOC repose en première intention sur les psychothérapies cognitivo-comportementales (TCC) et/ou les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) : citalopram, escitalopram, fluoxétine, fluvoxamine, paroxétine et sertraline. La posologie doit être augmentée progressivement sur 4 à 6 semaines. Les doses utilisées sont souvent plus élevées que dans le traitement de la dépression. L’efficacité sera évaluée à 12 semaines (dont au moins 6 semaines à posologie optimale).
Comme l’a souligné le Dr Bruno Giordana (CHU de Nice), « environ 40 % des patients ne répondent pas aux traitements sérotoninergiques de première ligne. Et parmi les répondeurs, beaucoup présentent des symptômes résiduels persistants qui altèrent significativement leur qualité de vie ». En cas de non-réponse à un ISRS, « il est conseillé d’essayer un autre ISRS ou la clomipramine (seul tricyclique efficace dans le TOC). Il est aussi possible de potentialiser l’action des ISRS par l’ajout d’un antipsychotique. Dans ce cas, l’efficacité des antipsychotiques dans le TOC résistant est corrélée à l’affinité des molécules pour les récepteurs dopaminergiques D2 et D3. Les molécules à forte affinité (faible constante de dissociation) sont les plus efficaces. Un tiers des patients vont présenter une réponse clinique à l’ajout d’un traitement antidopaminergique. »
La piste glutamatergique
De nombreuses études sont menées, à la recherche d’autres classes pharmacologiques qui seraient efficaces en cas de TOC résistant.
Plusieurs arguments (biologiques, neuro-imagerie, génétiques) sont en faveur de l’implication d’une hyperactivité glutamatergique dans la physiopathologie du TOC, d’où des essais avec les modulateurs des récepteurs du glutamate.
Parmi eux, la kétamine, antagoniste des récepteurs NMDA, a fait l’objet de plusieurs publications : elle semble avoir un effet rapide mais transitoire. D’autres études ont suggéré que l’association de la kétamine et de l’eskétamine avec la psychothérapie EPR (thérapie d’exposition avec prévention de la réponse) pourrait potentialiser leurs effets respectifs dans le TOC (Bottemanne H et al., L’Encéphale, vol 49, juin 2023).
La mémantine a également été proposée dans le traitement des TOC résistants : sur six essais contrôlés randomisés, quatre ont été positifs. L’amantadine, autre antagoniste non compétitif du récepteur NMDA, de faible affinité, a également montré un effet positif dans une étude randomisée contre placebo.
La lamotrigine, antiépileptique, antagoniste des récepteurs AMPA, s’est avérée efficace chez des patients présentant une comorbidité TOC-trouble bipolaire ainsi que chez des patients présentant un trouble schizophrénique avec symptômes obsessionnels compulsifs (Poyurovsky et al., 2010). Le topiramate est une molécule assez similaire, mais son niveau de preuve est plus inconstant (un seul essai randomisé contrôlé positif contre deux négatifs).
D’autres molécules qui modulent l’activité glutamatergique ont encore été testées : la prégabaline, le riluzole, la N-acétylcystéine, la D-cyclosérine…
« Au total, une méta-analyse portant sur 17 essais cliniques randomisés (759 patients), ayant testé l’efficacité globale de l’approche glutamatergique en add-on, montre que la mémantine et la lamotrigine sont les deux molécules ayant le meilleur niveau de preuve », a précisé le Dr Bruno Giordana.
Anti-inflammatoires et antalgiques à l’étude
Plusieurs arguments appuient par ailleurs l’implication probable de mécanismes inflammatoires (et auto-immuns) dans la physiopathologie du TOC. En effet, il existe une surprévalence de pathologies auto-immunes chez les patients TOC par rapport à la population générale (Mataix-Cols et al., 2017). On constate également des taux plus élevés de marqueurs inflammatoires (IL-6, TNF α) par rapport à la population générale (Rao et al., 2015 ; Konuk et al., 2007). Le célécoxib a ainsi fait l’objet d’études : trois essais randomisés contrôlés ont été positifs, mais les patients étaient non résistants.
Enfin, quelques études portant sur la morphine, le tramadol et la buprénorphine (1 essai randomisé contrôlé positif) ont été menées chez des patients résistants.
Ainsi, « de nombreuses molécules sont prometteuses mais les résultats nécessitent d’être répliqués. L’enjeu majeur est de hiérarchiser ces interventions de seconde ligne dans un algorithme thérapeutique cohérent. Le TOC est une maladie hétérogène sur le plan clinique, mais aussi physiopathologique et il faudrait pouvoir identifier des marqueurs permettant de définir des populations homogènes en termes de physiopathologie et de réponse à des traitements spécifiques », a conclu le Dr Bruno Giordana.
Les promesses de la stimulation transcrânienne directe à courant continu
À côté des traitements pharmacologiques, les progrès de la neuro-imagerie ont permis de préciser les bases neuroanatomiques du TOC, ce qui a conduit à développer des techniques de neuromodulation comme la stimulation cérébrale profonde par implantation stéréotaxique d’électrodes (procédure invasive, encore peu accessible) ou la stimulation magnétique transcrânienne répétée ou rTMS (procédure non invasive à effet de taille modeste). « Dans ce contexte, la stimulation transcrânienne directe à courant continu (tDCS) apparaît comme une alternative intéressante, combinant une facilité d’utilisation, un faible coût, peu d’effets indésirables… Des données préliminaires semblent prometteuses », a fait remarquer le Dr Jérome Attal (CHU de Montpellier).
La psychothérapie en autonomie
D’après toutes les recommandations internationales, la TCC avec EPR (psychothérapie d’exposition avec prévention de la réponse, consistant pour le patient à s’exposer à la situation critique pour diminuer la réponse anxieuse qui y est associée) peut être proposée en première intention. Cependant, comme l’a souligné Adrien Goncalves (neuropsychologue, Inserm), « les TCC sont largement sous-utilisés et 40 % de ceux qui utilisent une TCC ne bénéficient pas d’EPR. 15 % refusent de la pratiquer et 15-20 % l’abandonnent. » C’est ainsi que d’autres psychothérapies, comme la thérapie d’exposition par inhibition ou l’approche basée sur les interférences (ABI) par exemple, font l’objet de recherche.
Enfin, face aux difficultés d’accès aux soins, une adaptation de la thérapie métacognitive de Wells (thérapie axée sur les processus de pensée plutôt que sur leur contenu) traduite en français permet au patient de réaliser gratuitement des exercices thérapeutiques en totale autonomie (MyMCT, 3e édition). Une étude en ligne, MetaTOC, est en cours pour valider cette méthode.
D’après la session « TOC : quoi de neuf docteur ? »
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