Les médecins généralistes seront-ils nombreux à assurer le suivi à domicile de patients Covid sous oxygénothérapie ? Dans un récent entretien au Généraliste, le Pr Pierre-Louis Druais, vice-président de la commission Recommandations, Pertinence, Parcours et Indicateurs à la HAS, qui a joué un rôle majeur dans la rédaction des recommandations, ne cachait pas ses ambitions. « Si dans les endroits où la proximité ou la disponibilité hospitalière est un peu complexe, 25 000 généralistes peuvent prendre en charge 3 à 4 patients sur les deux mois, cela peut faire 100 000 patients sévères suivis en ambulatoire et non hospitalisés », expliquait-il.
Si ces recommandations ont reçu l'aval du Collège de la médecine générale (et de facto des syndicats représentatifs de la profession qui en sont membres), elles n'ont pas rassuré l'ensemble de la communauté médicale. A peine étaient-elles parues, mardi, que déjà, l'Union française pour une médecine libre-Syndicat (UFML-S) réclamait l'abrogation de ces recommandations.
Médecine de guerre ?
Arguant que « tout patient atteint de la Covid 19 en phase précoce nécessitant de l’oxygène est susceptible de voir son état respiratoire s’aggraver rapidement en quelques minutes », le syndicat du Dr Jérôme Marty est persuadé que la place de ces patients Covid sous oxygénothérapie doit rester à l'hôpital. « Confier la surveillance de ces patients aux aidants constitue à la fois une perte de chance pour les malades et une responsabilité inacceptable à faire peser sur les épaules des aidants. Nous nous opposons fermement à ce type de prise en charge, la situation actuelle ne relevant pas de la médecine de guerre ou de catastrophe. »
Le collectif Du côté de la Science, qui rassemble une vingtaine de médecins dont plusieurs généralistes qui ont été en vue pendant cette crise sanitaire (outre le Dr Marty, les Drs Christian Lehmann, Matthieu Calafiore, Mickaël Rochoy, Jonathan Favre, Yvon Le Flohic) estime également que le risque est grand d'autoriser le suivi à domicile de patients Covid oxygéno-requérants. « Nous préconisons l’application des données de la science, écrivent-ils sur leur blog. Et en l’état, que dit-elle ? Que lorsque l’on est infecté par le coronavirus et que l’on commence à présenter des signes respiratoires (toux, essoufflement), le risque est de voir son état clinique se dégrader TRÈS rapidement et d’avoir besoin d’oxygène parfois à de très hauts débits, ce qui est impossible à faire correctement ailleurs qu’en structure hospitalière, et surtout pas à domicile. »
« S’il est envisageable de prendre en charge des patients COVID en sortie d’hospitalisation avec de l’oxygène lorsqu’ils ont passé la phase instable, il est pour le moins dangereux de les traiter à la maison “comme à l’hôpital” au cours des dix premiers jours de l’atteinte respiratoire », ajoutent-ils.
Pour rappel, si l’hospitalisation reste recommandée pour les patients à risque de faire une forme sévère de la Covid-19, la HAS estime possible une prise en charge à domicile pour des patients ayant été hospitalisés et dont l’état de santé permet d’envisager un retour à domicile avec un apport en oxygène mais aussi « exceptionnellement des malades dont l’état de santé permet une prise en charge initiale à domicile », selon des critères bien précis. Le patient doit notamment être autonome, habiter un domicile salubre avec un tiers présent en permanence, à moins de 30 minutes d’un établissement de santé de référence disposant d'une structure d'urgence. L’objectif de l’oxygénothérapie est de maintenir une saturation sanguine en oxygène (SpO2) chez le patient à plus de 92 %.
En sont exclus les patients souffrant d’une pathologie chronique (diabète, insuffisance rénale) non stabilisée, d’une obésité morbide, les patientes enceintes… ou ceux cumulant au moins deux critères mineurs parmi les suivants : un âge supérieur à 70 ans, une pathologie cardiovasculaire, une cirrhose, un diabète équilibré…).
La question du matériel
Tous les médecins ne rejettent pas en bloc la possibilité de suivi à domicile des patients Covid sous oxygène. Pour le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, il sera peut-être utile d'y recourir « pour libérer des places à l'hôpital ». « Cela nécessitera une formation des médecins, une coordination entre le médecin traitant et l'infirmière mais aussi avec le service hospitalier de référence », clame-t-il. Une autre question va se poser, celle de la disponibilité du matériel d'oxygénothérapie, qui aujourd'hui manque, souligne le Dr Corinne Le Sauder. Selon la présidente de la FMF, qui souhaitait cette évolution, la question de la compétence des généralistes est un faux débat : « Chaque médecin est responsable de ses actes, ceux qui se sentiront de suivre un patient Covid sous oxygène à domicile le feront. Pour les autres, il n'y a pas d'obligation ! Il est important de connaître ses limites et celles de ses patients. »
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