« Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions ». Serment d’Hippocrate.
Pas un vote du budget au Parlement sans que la pérennité de l’aide médicale d’État ne soit remise en cause par des élus, très majoritairement issus des bancs de l’extrême droite ou de la droite de Laurent Wauquiez. Au point d’en devenir un marronnier parlementaire, fondé sur de multiples contre-vérités et exagérations, en cachant qu’une telle mesure ferait peser un risque sanitaire majeur pour la santé de toute la population. Voici ce que je retiens des débats récurrents sur ce sujet tenus dans l’enceinte de l’Assemblée Nationale.
Les opposants à l’AME affirment volontiers qu’elle est le fer de lance du tourisme médical, qu’elle fait l’objet de tous les abus, ou plus cash encore, que les étrangers n’ont, de toute façon, pas à bénéficier de la solidarité nationale. C’est faux. Dans les faits, l’AME s’adresse à des personnes vivant en situation irrégulière sur notre sol depuis au moins trois mois, ayant fui pour la plupart des zones de conflit, des personnes jeunes pour l’essentiel dont les revenus ne leur permettent pas de franchir le seuil de pauvreté, induisant des maladies plus fréquentes et plus graves. L’AME ne permet de bénéficier que d'un panier de soins primaires et d’urgence bien délimité, et non de la PMA, des cures thermales ou de la chirurgie esthétique, contrairement à ce qu’on peut entendre ou lire régulièrement. Les frais de médicaments sont pris en charge à condition d'accepter les génériques.
On est loin du tourisme médical
Les opposants à l’AME assurent que les soins urgents et graves resteraient pris en charge, sous conditions. Sous conditions… Un enfant présentant une fièvre à 39° et qui ne mange pas, c’est grave et urgent, ou non ? Quelle température le thermomètre doit-il afficher pour que ses parents aient le droit de l’emmener consulter un médecin ? Un homme qui tousse depuis deux mois et perd du poids, c’est grave ou faut-il attendre qu’il soit en détresse respiratoire du fait d’une tuberculose non traitée ? Vous pensez que j’exagère ? La tuberculose est une maladie fortement infectieuse, qui atteint 5 000 personnes par an en France, principalement des malades vivant dans des conditions insalubres et originaires de pays de forte endémie. On est loin du tourisme médical !
L’AME n’a pas seulement un objectif humanitaire mais aussi sanitaire : ce dispositif de santé publique ne protège pas seulement l’individu bénéficiaire mais aussi l’ensemble de la population. Supprimer l’AME, c’est retarder le diagnostic de maladies contagieuses graves, c’est faciliter leur extension à toute la population. C’est laisser flamber des maladies à un stade plus sévère, des cancers notamment, et qui coûteront au final beaucoup plus cher à la solidarité nationale, en plus du coût humain.
Une injure faite aux médecins
Les opposants à l’AME expliquent que leur proposition permettrait de réaliser des économies et donc de mieux soigner les Français. Quitte à anéantir la solidarité de la Nation envers les plus fragiles et rejeter d’un bloc le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui garantit à tous la protection de la santé. Là encore, les chiffres sont têtus. L’AME dans sa totalité ne représente que 0,4 % du budget santé de la France ! Ce budget santé que, nous augmentons de 2,3 % en 2018, soit 4 à 5 milliards d’euros en plus cette seule année ! En parallèle, nous menons une politique de lutte contre les abus lorsqu’ils existent, sans angélisme, mais sans vision rétrécie ni culpabilisante pour l’ensemble des bénéficiaires. Comme nous luttons, avec les associations mobilisées sur notre territoire pour améliorer le taux de recours aux prestations sociales pour des milliers de personnes qui restent en marge de la solidarité organisée par l’État.
Et enfin, quelle injure faite aux médecins, aux soignants, que cette proposition ! Qui peut croire que nos blouses blanches refuseraient demain d’apporter des soins à un malade au prétexte qu’il n’aurait pas sur lui les bons papiers ? La non-assistance à personne en danger n’est pas dans l’ADN de la France ! La seule chose qui changerait, c’est que les libéraux comme les établissements de santé ne seraient plus rémunérés pour les soins qu’ils continueraient évidemment de délivrer aux malades. Personne ne doit penser qu’il pourrait en être autrement.
Médecin, député, citoyen, je considère la santé comme un investissement humain et social majeur pour la France. Je rejette toute vision régressive, rétrécie, discriminante, culpabilisante et surtout sans aucune ambition pour l’avenir de notre système de santé.
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