Avec la contagion rougeoleuse qui repart et une couverture vaccinale insuffisante d’après les chiffres OMS, il est devenu urgent de sortir enfin du marécage antivaccinal par un peu de pédagogie. Le 3 février 2016, Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, crée le Comité d’orientation du débat citoyen sur la vaccination et nomme le Pr Alain Fischer à sa présidence.
Sont auditionnés médecins et experts devant des jurys (citoyens, professionnels de santé, experts) qui, pour restaurer la confiance, se prononcent majoritairement contre l’obligation vaccinale.
Happening démocratique
Dans la foulée, un vaste happening démocratique est censé clore le débat, avec, du 15 septembre au 14 octobre, un espace participatif ouvert sur Internet à tous les citoyens pour leur permettre d’exprimer leurs positions. 11 844 particuliers déposent leurs contributions sur la plateforme. 1 980 font des recommandations pour améliorer la confiance dans la vaccination et 2 051 pour améliorer la couverture vaccinale. Mais surtout, l’exploration des données à partir d’un modèle probabiliste génératif qui reconstitue des « sacs de thèmes », fait ressortir à la première place des contributions critiques envers l’obligation vaccinale.
Le 1er décembre, le Pr Fischer convoque la presse pour présenter les conclusions du Comité d’orientation du débat citoyen. Et là, stupeur des journalistes, il passe à la trappe les critiques majoritairement exprimées contre la stratégie de l’obligation et recommande d’étendre de 3 à 11 le nombre des vaccins pédiatriques pour une période dite « transitoire » de cinq à dix ans.
Impossible débat
« Dénigrement total de la démocratie en santé », titre « Médiapart », « rendez-vous manqué de la concertation », regrette « Libération ». « Ça s’est vraiment très mal passé, confirme Jérôme Peigné, expert en droit de la santé, qui a été auditionné, ce grand débat national aura montré qu’il était impossible d’engager une discussion médico-scientifique sur la stratégie vaccinale. »
La ministre elle-même, dépitée, s’empresse de ne prendre aucune décision. « Elle a préféré botter en touche, observe l’économiste de la santé Claude Le Pen, consciente probablement que nous entrons dans un monde qui change, l’hygiénisme triomphant du XIXe siècle n’est plus de mise sous les coups de butoir des réseaux sociaux. Il faut aujourd’hui adapter les règles de la santé publique à la société et non tenter de faire l’inverse. »
Échanges d'amabilité
La grande concertation nationale aura surtout pour effet de bloquer les positions et d’interdire toute réelle pédagogie. « La guerre de la vaccination obligatoire est déclarée », n’hésite pas à lancer l’eurodéputée et agrégée de biologie Michèle Rivasi. Comme en écho, le Pr Roger Salamon, qui présida pendant dix ans le Haut Comité de santé publique, fulmine : « Ceux qui prétendent que l’obligation vaccinale est liberticide sont des connards, pour employer un mot un peu péjoratif, ils sont souvent à la solde des marchands de poudre de perlimpinpin et ils nous emmerdent. » Fermez le ban !
Certains, pourtant, veulent croire encore en la démocratie sanitaire, tel le député-médecin (LR) Jean-Pierre Door, qui en appelle à la convocation d’« états généraux de la santé publique ». Une manière de reconnaître que « la consultation voulue par Touraine a tourné court ». Et que « l’heure est grave ».
(A suivre)
Article précédent
Les antivax crient au diktat (3/5)
Article suivant
Les médecins pris dans la guérilla de l’obligation vaccinale (4/5)
Épilogue : et si le gouvernement perdait la bataille de l’obligation vaccinale (5/5)
Les antivax crient au diktat (3/5)
Obligation vaccinale : la guerre est déclarée (2/5)
Les médecins pris dans la guérilla de l’obligation vaccinale (4/5)
La montée des antivax au pays de Pasteur (1/5)
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes