Soins psychiatriques sans consentement

Les sénateurs veulent accroître les pouvoirs du juge

Publié le 03/05/2011
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Crédit photo : S. CARAMBIA/LE QUOTIDIEN

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AVANT UN PASSAGE aujourd’hui en commission des Affaires sociales du Sénat, le projet de loi relatif « aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge » a été décortiqué la semaine dernière par la commission des Lois de la Haute Assemblée. Les sénateurs se sont penchés sur le volet judiciaire du texte (7 articles sur 14). Le plus polémique. Validé le 22 mars par les députés, ce projet de loi n’en demeure pas moins unanimement rejeté par les syndicats de psychiatres, qui pointent sa nature essentiellement sécuritaire.

Selon le sénateur Jean-Pierre Michel (PS), il s’agit d’abord de « limiter les dégâts de ce texte, qui s’annoncent très nombreux ». Au total, 36 amendements ont été entérinés par la commission des Lois. Plusieurs visent à étendre la compétence du juge des libertés et de la détention au-delà des procédures d’hospitalisation sans consentement en établissements. Le juge pourrait ainsi « transformer une mesure d’hospitalisation complète en soins ambulatoires » et contrôler systématiquement « des mesures d’hospitalisation partielle sous contrainte ».

Un autre amendement d’importance revient sur la période d’observation obligatoire en hospitalisation complète en début de procédure de soins sans consentement. D’une durée maximale de 72 heures dans le projet de loi validé par l’Assemblée (contre 24 heures dans la législation en vigueur), cette période d’observation confirmant ou infirmant la nécessité de maintenir les soins est taxée par les syndicats de psychiatres de « garde à vue psychiatrique », au cours de laquelle le juge ne peut intervenir. Soulignant le « fort risque d’inconstitutionnalité » du dispositif, les sénateurs de la commission ont adopté l’amendement qui supprime ces 48 heures supplémentaires d’observation.

Fichage des patients.

Intégré dans le projet de loi par les députés, un « droit à l’oubli » permet un « retour au droit commun » pour certains patients identifiés comme potentiellement dangereux (personnes reconnues pénalement irresponsables et qui ont fait l’objet d’une hospitalisation d’office, personnes faisant ou ayant fait l’objet d’une hospitalisation en unité pour malades difficiles). Ces personnes seraient dès lors inscrites dans un fichier spécifique seulement durant une période minimale non encore stipulée. Les sénateurs souhaitent clarifier ce droit « en précisant que le point de départ de la période à l’issue de laquelle il s’exercera est nécessairement la fin des hospitalisations des personnes concernées ».

En matière de procédure judiciaire, les sénateurs ont adopté quelques amendements censés « permettre au juge de statuer dans des conditions garantissant la sérénité des débats ». Il s’agit d’offrir la possibilité au magistrat de ne pas statuer publiquement sur une procédure de soins sans consentement. « Cette précision paraît d’importance dès lors que la publicité de l’audience pourrait avoir dans certains cas des conséquences dommageables pour les personnes concernées », soulignent les sénateurs dans un avis. Ces derniers souhaitent aussi permettre au juge de « statuer dans une salle d’audience de l’hôpital psychiatrique (…) spécialement aménagée » et « identifiée comme un lieu de justice ». Toujours dans le domaine de la procédure judiciaire, les sénateurs désirent encadrer davantage le recours à la visioconférence lors d’auditions par le juge de patients hospitalisés. « Le juge ne pourrait décider que l’audience se déroule par visioconférence que si un avis médical a attesté que l’état mental de la personne ne fait pas obstacle à ce procédé », précisent les sénateurs.

Pour Jean-René Lecerf (UMP), rapporteur de l’avis sur le projet de loi, ces amendements doivent amoindrir les « aspects sécuritaires » du texte. « Reste à savoir, ensuite, si les mesures nouvelles vont faire aller des patients de l’hospitalisation complète aux soins ambulatoires sous contrainte, ou plutôt faire accéder à ces soins des personnes qui n’y sont pas soumises aujourd’hui », conclut-il.

DAVID BILHAUT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8954