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L'âge du père en question

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Publié le 12/01/2017
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l'âge du père

l'âge du père
Crédit photo : SPL/PHANIE

« Pour les deux parents la seule condition légale est d'être vivant et en âge de procréer. Mais l'Assurance-maladie fixe un âge maternel butoir de 43 ans pour la prise en charge. En revanche, aucune limite n'est définie pour le père », résume la Pr Joëlle Belaisch Allart (CH Saint Cloud). Pourtant d'autres pays européens comme l'Allemagne tiennent déjà compte de l'âge paternel pour la prise en charge, récemment abaissé de 50 à 45 ans. Or aujourd'hui les centres de PMA font face à des demandes de pères de plus en plus âgés, voire très âgés…

Problématique biologique et sociétale

« L'âge de la mère a un impact majeur sur la fécondité, les complications obstétricales, les malformations, et le succès de la PMA. Mais on peut aussi parler d'horloge biologique pour l'homme. Avec l'âge la fécondité masculine et les taux de succès après insémination et fécondation in vitro diminuent. En outre l'âge paternel majore le risque de malformation et de maladies génétiques dès 40-45 ans et surtout après 50 ans (1), explique J Belaisch Allart. Des études récentes plaident même une association entre troubles psychiatriques de l'enfant et âge paternel. Résultat, dans les CECOS le don de sperme est limité à 45 ans (1)».

À côté de cette problématique biologique, il y a aussi une problématique sociétale. « Pour mémoire l'espérance de vie sans incapacité est de 62 ans pour les hommes (63 ans pour les femmes) [INSEE 2016]. Peut-on ne pas en tenir compte pour le devenir de l'enfant ? »

« Enfin la PMA a un coût. Faut-il l'autoriser sans la prendre en charge passé un certain âge paternel ? En pratique la majorité des centres de PMA réfutent les pères de plus de 60 ans sauf exception. Mais en l'absence de limite d'âge officielle, les indications varient selon les centres et les praticiens ».  

Les professionnels favorables à une limite d'âge

« Deux enquêtes récentes menées par le Collège montrent que les professionnels sont largement favorables à une limitation de l'âge paternel. Une restriction de la prise en charge par l'Assurance-maladie aux moins de 55-60 ans est globalement la solution privilégiée ».

La première enquête menée auprès de gynécologues et gynécologues obstétriciens montre que la moitié d'entre eux fixent une limite d'âge paternel dans leur pratique, autour de 58 ans. Un sur deux est favorable à une limite inscrite dans la loi de bioéthique, une bien plus large majorité (80 %) privilégie une limitation de la prise en charge, autour de 53 ans. Et plus les répondants sont des femmes, jeunes, exerçant dans le public, plus ils sont favorables à cette limitation…

La seconde enquête s'est concentrée sur les professionnels de la PMA. Eux sont encore plus favorables à une limitation de l'âge paternel. Plus d'un sur cinq dit prendre déjà en compte l'âge du père lors de la demande de PMA. Dans ce cas l'âge de 60 ans est majoritairement le seuil retenu. Globalement leur préférence va de nouveau à une limitation de la prise en charge. Mais l'âge butoir proposé est plus tardif, autour de 55-60 ans.

Perspectives

Dans les deux enquêtes menées par le Collège, ce problème d'âge paternel préoccupait bien plus les femmes que les hommes… « Vu la composition de l'Assemblée et du Sénat, il est peu probable qu'un âge paternel légal soit intégré à la loi. Mais une limitation de la prise en charge par la CNAM est souhaitée par les professionnels. Il serait donc souhaitable de soumettre l'indication de PMA passé 55-60 ans à une décision pluridisciplinaire », propose la Pr Belaisch Allart.

D'après une communication de la Pr Joëlle Belaisch Allart (CH Saint Cloud) en conférence de presse, GNGOF 2016 
(1) Ramasamy R et al. Male biological clock: a critical analysis of partenal advanced age. Fertil Steril 2015

Pascale Solère

Source : Le Quotidien du médecin: 9546