À L’ASIP SANTÉ (Agence des systèmes d’information partagés en santé), chargée du développement du dossier médical personnel (DMP), le triomphalisme n’est certes pas de mise, mais on met en avant des chiffres. Au 2 décembre, 250 017 dossiers avaient été créés, contenant en tout près de 500 000 documents. A y regarder de plus près, ces documents sont inégalement répartis puisque seuls 110 000 dossiers médicaux en contiennent. Plus de la moitié des DMP sont vierges de toute information sur les pathologies du patient. Des coquilles vides.
Pire, ces DMP sont très inégalement répartis sur le territoire. Dans les quatre régions pilotes du DMP (Alsace, Aquitaine, Franche-Comté et Picardie), les chiffres ne sont certes pas mauvais avec respectivement 30 988, 32 681, 20 745 et 46 564 dossiers créés. Mais en Ile-de-France, où vivent près de 10 millions de Français, seuls...3 320 dossiers ont été ouverts, 148 l’ont été en Basse-Normandie, et 3 en Corse.
Déficit d’apropriation.
Le directeur de l’ASIP Jean-Yves Robin, n’ignore pas les critiques qui fusent de toutes parts. Il s’abrite derrière le récent rapport de la Cour des comptes, qui regrettait que l’État n’ait pas réuni les conditions du succès du DMP. « Si l’État ne l’inscrit pas dans une politique de santé, ajoute-t-il, ce n’est pas simple pour nous ». Jean-Yves Robin reconnaît que « le déploiement et les usages du DMP démarrent lentement », mais il rappelle que cela fait deux ans à peine que ce déploiement a commencé.
De fait, de nombreux écueils se dressent toujours sur la route du DMP, comme l’interopérabilité des systèmes (les logiciels de ville communiquent mal avec ceux des hôpitaux, comme le rappelait Élisabeth Hubert dans son rapport sur la médecine de proximité de fin 2010). La DMP-compatibilité des logiciels médicaux reste également aléatoire même si les lignes bougent un peu. L’ASIP Santé a annoncé récemment avoir homologué le 100e logiciel médical capable d’intégrer les services du DMP.
Bref, pour l’agence chargée de son développement, le DMP est sur ses (bons) rails, et il revient désormais aux médecins de s’en approprier les usages.
Construction théorique.
Ces praticiens semblent peu pressés de s’emparer du DMP. Beaucoup jugent sa création chronophage, et estiment que le volet médical de synthèse (instauré par la dernière convention) suffirait amplement.
Du côté du pouvoir politique aussi, l’heure est à la critique. Marisol Touraine a regretté publiquement des créations de dossiers « largement théoriques ». « Les professionnels de santé ne se sont pas appropriés cet outil », a-t-elle ajouté, car ils n’y ont pas vu « un soutien à leur pratique quotidienne ».
La ministre de la Santé souhaite aller vers « un DMP de 2e génération », qui pourrait être utile d’abord « dans le cadre du parcours de santé des personnes âgées ou en ALD ». Quant à la gouvernance du DMP, elle n’est pas épargnée dans les propos ministériels.
Le chantier a déjà englouti des sommes considérables. Près de 250 millions d’euros. Un chiffre à rapprocher des 25 à 30 millions d’euros investis dans les quelque 25 millions de dossiers pharmaceutiques (DP). A l’ASIP, on rappelle à juste titre que les deux dossiers ne sont guère comparables...
Le député socialiste Gérard Bapt est le parlementaire le plus sévère. Grand pourfendeur du DMP, l’ancien cardiologue réclame un changement des équipes de pilotage. Il rappelle qu’à la suite de la crise du Mediator, « la direction de l’Agence du médicament a changé, et lorsque le GIP-DMP (première instance chargée du développement du système) s’est transformé en ASIP-Santé, il y a eu aussi des changements à la direction ».
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