Représentation corporelle

Réadaptation par l’imagerie motorisée graduelle

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Publié le 14/12/2017
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activation cérébrale et douleur

activation cérébrale et douleur
Crédit photo : MRC CYCLOTRON UNIT/SPL/PHANIE

Plusieurs études portant sur la représentation du corps et de l’environnement chez le sujet sain et le patient douloureux ont fait émerger l’existence d’un lien entre ces éléments (1). L’image corporelle est la représentation topologique dérivée principalement des différences visuelles qui définissent les frontières du corps et les relations de proximité. Le schéma corporel, quant à lui, est une représentation dynamique des positions relatives des parties du corps dérivées des afférences sensorielles et motrices qui interagissent avec le système moteur pour la genèse de l’action.

L’imagerie mentale des tâches motrices est le fait d’imaginer un mouvement ou un geste technique sans l’exécuter, c’est-à-dire sans manifestation physique observable. Les premières études sur l’imagerie mentale et le sport ou la pratique musicale instrumentale se sont principalement concentrées sur le fait que l’imagerie motrice pouvait favoriser l’apprentissage moteur et l’habileté, en vue d’optimiser la performance. Ce phénomène n’est pas sans rappeler la « résonance motrice » de G. Rizzolatti et al., qui avaient montré que certains neurones ont la particularité de s’activer lorsqu’un individu exécute une action ou observe un autre individu exécuter la même action (2). L’imagerie cérébrale par résonance magnétique fonctionnelle a maintenant permis de mettre en évidence les zones d’activations cérébrales qui s’allument lors d’une expérience douloureuse.

Une technique née à l’Université d’Oxford

Melzack a proposé la théorie de la « neuromatrice » pour rendre compte de la complexité de la perception douloureuse (3). Selon ce cadre théorique, la perception douloureuse est multidimensionnelle, ses dimensions étant sensorielles, affectives et cognitives. La douleur agit ainsi comme une alarme, permet l’intégration de ces composantes, et permet l’engagement du corps dans des actions permettant de diminuer le poids de la menace.

Le programme d’imagerie motorisée graduelle (ou Graded Motor Imagery) développé par Lorimer Moseley (Université d’Oxford) comporte trois étapes : les deux premières font appel à l’imagerie mentale de tâches motrices et la troisième à la thérapie du miroir. À la première étape, des photographies de segments corporels sont présentées au patient qui doit en déterminer la latéralité le plus rapidement possible. À la deuxième étape, le patient doit imaginer effectuer un mouvement représenté sur une photographie, en insistant sur la qualité du geste. Lors de la thérapie du miroir, enfin, le patient effectue une série de mouvements simples avec son membre sain, mais se concentre sur l’image réfléchie dans un miroir vertical masquant le membre atteint, en imaginant que les mouvements sont effectués par le membre atteint. L’un des objectifs est de diminuer la kinésiologie, ou peur excessive de la douleur provoquée par ces mouvements, grâce au « retour visuel » qui l’emporte sur les informations proprioceptives et douloureuses.

Les études cliniques et les indications portent avant tout sur le syndrome douloureux régional complexe (5), la douleur du membre fantôme et les douleurs de l’avulsion du plexus brachial. Cette liste indications n’est probablement pas exhaustive, comme l’indique un travail récent portant sur les lombalgies chroniques (6).

(1) Osinski, T, Devos, F. Représentation corporelle et douleur. Douleur et Analgésie 2017;10.1007/s11724-017-0530-3
(2) Rizzolatti G, et al. Functional organization of inferior area 6 in the macaque monkey. II. Area F5 and the control of distal movements. Exp Brain Res 1988;71(3):491-507
(3) Melzack R. Pain and the neuromatrix in the brain. J Dent Educ 2001;65(12):1378-82
(4) Moseley GL. Graded motor imagery is effective for long-standing complex regional pain syndrome: a randomised controlled trial.Pain 2004;108(1-2):192-8
(5) Moseley GL. Is successful rehabilitation of complex regional pain syndrome due to sustained attention to the affected limb? A randomized clinical trial. Pain 2005;114:54-61
(6) Daffada PJ, et al. The impact of cortical remapping interventions on pain and disability in chronic low back pain: a systematic review. Physiotherapy2015;101(1):25-33

Dr Gérard Bozet

Source : Le Quotidien du médecin: 9627