De la méthadone, bien sûr !

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Publié le 14/12/2017
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La méthadone n’a pas d’autorisation de mise sur le marché en France pour le traitement de la douleur. Cependant, les recommandations de l’ANSM de juin 2010 portant sur les douleurs cancéreuses rebelles, précisent que cette molécule peut être envisagée après une évaluation effectuée par une équipe spécialisée dans les soins palliatifs ou la douleur, la prescription ne devant avoir lieu qu’en dernier recours, après une bonne conduite du traitement par les autres opioïdes et les traitements adjuvants.

Trois sociétés savantes, l’Association francophone pour les soins oncologiques  de support (AFSOS), la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) et la Société française d'étude et de traitement de la douleur (SFETD), dans le cadre de la réactualisation des Standards Options and Recommandations pour la prise en charge de la douleur due au cancer, ont proposé à un groupe de travail d’experts issus de ces sociétés d’établir ces recommandations qui concernent l’utilisation de la méthadone dans les douleurs du cancer (1).

Ainsi, l’utilisation de la méthadone dans le monde ne se limite plus au sevrage des patients héroïnomanes. Elle fait en effet partie de l’arsenal thérapeutique pour les douleurs dues au cancer dans de nombreux pays et y détient une place de choix.

Les données de l’étude EQUIMETH2 ont montré que cette molécule constitue un traitement efficace de la douleur chez les patients atteints de cancer, quelle que soit la méthode d’instauration du traitement, par analgésie contrôlée par le patient ou par prises régulières (2).

Une bonne sécurité d’emploi

Pour préciser la sécurité d’emploi de la méthadone et la tolérance des patients à ce traitement, les auteurs de l’étude EQUIMETH2 ont analysé la survenue des effets indésirables, notamment un éventuel surdosage, et ont procédé à l’analyse des décès observés dans le cadre de l‘étude, en précisant leurs liens éventuels avec la prise de méthadone (3).

Parmi les 146 patients non répondeurs à plusieurs changements d’opioïdes consécutifs, un effet indésirable au moins en rapport avec la prise de méthadone a été constaté chez 80 % des sujets. Les plus fréquents ont été neurologiques, gastro-­intestinaux, psychiatriques et cutanés. Moins d’un patient sur 5 a décrit cet effet indésirable comme sévère et moins de 10 % de ces effets indésirables ont conduit à un arrêt de la méthadone.

Plus de 8 effets indésirables sur 10 ont été totalement résolutifs. Le lien avec la prise de méthadone a été considéré comme certain dans 18 % des cas, probable dans 17 % des cas et possible pour 17 % également. Plusieurs publications ont insisté sur le risque d’allongement de l’intervalle QT de l’ECG et de torsades de pointe sous méthadone, à mesurer avant traitement puis à surveiller régulièrement. Dans cette étude, l’intervalle QT n’a varié que de manière infime.

(1) Poulain P, Michenot N, Delorme T, et al. Mise au point sur l’utilisation pratique de la méthadone dans le cadre des douleurs en oncologie. Douleurs : Evaluation - Diagnostic - Traitement 2014;15(4):146-59
(2) Poulain P, et al. Efficacy and Safety of Two Methadone Titration Methods for the Treatment of Cancer-Related Pain: The EQUIMETH2 Trial (Methadone for Cancer-Related Pain).J Pain Symptom Manage 2016;52(5):626-36 e1
(3) Poulain P, Treillet E. Dans la douleur rebelle du cancer : la méthadone bien sûre ? Bien sûr ! Douleurs : Evaluation - Diagnostic - Traitement 2017;18(4):188-99

Dr Gérard Bozet

Source : Le Quotidien du médecin: 9627