Prendre sa retraite ? Alors que l’âge moyen de la profession s’accroît ainsi que les contraintes du métier, ils sont un nombre croissant à se poser cette question chez les médecins généralistes… Oui, mais comment ? Entre retraite à la carte et cumul avec une poursuite d’activité, tentative de réponse…
Accessibilité, TPG, gel du C… Face à l’adversité, quel médecin en fin de carrière n’a pas eu un jour l’envie de dévisser sa plaque. Et, par chance, les trois régimes qui constituent le système de retraite des médecins (régime de base, régime complémentaire et ASV) forment un système de retraite par répartition somme toute plutôt protecteur. En 2014, il garantissait à ses cotisants un revenu moyen estimé entre 2 600 euros et 3 000 euros par mois (1 158 euros par mois en réversion pour les conjoints survivants).
Un calcul réalisé par le Syndicat National des Médecins concernés par la Retraite (SN-MCR) montre qu’un praticien acquiert en moyenne 1 000 euros de pension par an par année cotisée. Sur la base d’un revenu moyen de 70 000 euros et une cotisation sur 30 ans, le médecin peut donc compter sur 30 000 euros par an de retraite (avant prélèvement CSG 6,6 %, CRDS 0,5 % et CASA 0,3 %).
L’âge idéal
Pour autant, toucher sa pension dans sa totalité est soumis à un certain nombre de critères. L’âge auquel on décide de déplaquer en est un, même s’il est difficile de définir âge idéal ou période de l’année civile car cela dépend de la situation de chacun et, éventuellement, des retraites acquises dans les autres régimes (salarié, hospitalier…). La règle universelle serait donc de conseiller le départ le plus tardif possible. Mais il existe un seuil légal fixé à 62 ans (à partir de la génération née en 1955).« La CARMF a envisagé de passer à 67 ans l’âge légal de départ en retraite des médecins. Mais le métier peut être très rude au niveau psychologique et, d’ailleurs, le taux de suicide est important », explique le Dr Thierry Lardenois, président de la Caisse de retraite. Ainsi, libre à ceux qui le souhaitent d’arrêter leur activité à 62 ans si certaines conditions sont remplies. La première d’entre elles étant, en régime de base, d’avoir le nombre de trimestres suffisants (166 pour la génération 1955 à 1957 et jusqu’à 172 pour la génération 1973 et les suivantes).
Attendre, la solution parfois la plus raisonnable
À défaut, attendre est parfois la solution la plus raisonnable. S’il manque au futur retraité des trimestres, il verra sa pension amputée de 1,25 % par trimestre manquant (la surcote étant de 0,75 % par trimestre supplémentaire travaillé). En régime complémentaire et ASV, l’âge de départ en retraite peut aussi être de 62 ans (génération 1955), mais avec 5 % de moins par année d’anticipation avant 65 ans, soit par exemple moins 15 % en cas de départ à 62 ans (ainsi, à 64 ans et demi, ce sera comme à 64 ans moins 5 %).
Racheter des points 
Pour ceux qui hésitent faute de carrière suffisante, il existe – dans les régimes de base et complémentaires – des possibilités de rachat de trimestres déductibles fiscalement sans limitation. Ainsi, dans le régime de base, le rachat pourra porter sur 12 trimestres maximum liés à deux périodes : les années d’études supérieures et les années d’affiliation au titre desquelles le médecin a acquis moins de quatre trimestres par an. Rachat de trimestres, mais aussi de points, qui permettent d’obtenir son allocation sans minoration ou avec une minoration réduite. En rachetant des trimestres d’assurance seuls, il atténuera sa décote de 1,25 %. S’il rachète des points, cela atténuera la décote et majorera l’allocation.
Dans ces conditions, cette opération vaut-elle la peine pour pouvoir devancer l’appel ? Plusieurs critères sont à étudier. Le premier étant le coût non négligeable de ce rachat de trimestres calculé en fonction de l’âge atteint à la date de la présentation de la demande de rachat, de l’option choisie (trimestres seuls ou trimestres plus points) et de la moyenne des revenus salariés et non-salariés des trois années précédant la date du rachat.
Ainsi, le rachat d’un trimestre est estimé en moyenne entre 2 293 euros (à 57 ans) et 2 896 euros (à 62 ans). Quant à celui des trimestres d’assurance et des points, son coût est estimé entre 3 398 euros (à 57 ans) et 4 292 euros (à 62 ans). Ce n’est pas tout. La décision doit tenir compte également du montant de la retraite de base CARMF, de son espérance de vie et enfin, de la situation fiscale puisque le rachat de trimestres est entièrement déductible. Quelques calculs sont donc nécessaires !
Arrêter ou cumuler ?
« Nous voulons changer la façon de concevoir la retraite », explique le Dr Lardenois, partisan du libre choix de continuer d’exercer à temps plein, à mi-temps ou encore de faire autre chose. « À 62 ans, on peut avoir d’autres aspirations, l’envie de changer de vie. Il faut tenir compte de l’évolution sociétale », fait remarquer le nouveau patron de la CARMF. Depuis quelques années, de plus en plus de médecins ont donc choisi de cumuler retraite et activité libérale.Le cumul emploi-retraite est, en effet, dans certains cas possible sans limites. La condition principale étant pour le médecin que sa durée de cotisation pleine en régime de base soit atteinte ou qu’il ait atteint l’âge sans décote en base de 67 ans. Il lui faudra également liquider l’ensemble des retraites obligatoires avec une exception si l’âge de la retraite à taux plein en complémentaire RCV ou en ASV (65 ans) n’est pas atteint. Mais, attention, si le médecin choisit le cumul avant 65 ans, il subira une décote de la pension complémentaire et ASV de 5 % par an.
De plus en plus tentés par le cumul
Reste que, globalement, les chiffres plaident pour le cumul et expliquent son succès. Concrètement, un médecin exerçant en secteur 1, âgé de 65 ans, marié et sans enfant à charge, cotisant depuis 30 ans à la CARMF et cumulant 80 000 euros de BNC représentant le seul revenu du ménage, bénéficiera d’un revenu total après charges et impôts de 90 646 euros s’il poursuit son activité à plein-temps et la cumule avec sa retraite. Si ce même médecin décide de prendre sa retraite tout en maintenant une activité réduite (entre 50 et 60 %), il disposera d’un revenu de 67 289 euros après charges et impôts. S’il prend sa retraite et cesse totalement son activité, le médecin disposera d’un revenu net de 30 901 euros.Le cumul emploi-retraite, lorsqu’il est possible, permet donc le maintien du revenu, voire même un revenu supérieur. Si, en 2006, on comptabilisait en France 526 médecins en cumul emploi-retraite, ils sont aujourd’hui 9 992 avec une croissance exponentielle et régulière au cours des dix dernières années. Record battu en région parisienne : 3 029 médecins concernés en 2015 contre 734 en Rhône-Alpes ou 307 en région Centre. L’importance des charges liées à l’exercice parisien ou la difficulté à se faire remplacer dans la capitale explique peut-être cet écart.
Quel avenir pour les retraites ? 
Reste que, quelle que soit la formule choisie, de l’avis général, les médecins peuvent être confiants dans leur système de retraite. Il demeure « sans doute un peu moins favorable que celui des cadres, mais très sûr », fait remarquer le Dr Yves Decalf président du SN-MCR. D’autant que le taux de cotisations est moins important que chez les cadres (18 % en secteur 1 et 23 % en secteur 2, contre 25 % de cotisations pour les cadres du privé). Pour le futur, la CARMF se montre globalement plutôt confiante dans l’avenir des retraites des médecins. Dernière réforme en date, la réforme « à la carte » rebaptisée en « temps choisi » a fait l'objet d'un vote unanime de ses administrateurs il y a dix jours.
S'il est retenu par la tutelle, le nouveau système devrait permettre aux médecins de choisir librement leur date de départ en retraite à partir de 62 ans et de bénéficier, au-delà de cet âge, de majorations en cas de départ différé. Le dispositif, valable dans le régime complémentaire a obtenu l'aval de tous les syndicats.
Reste que, quel que soit le devenir de cette réforme, la confiance est également de mise : le système de retraite des médecins libéraux ne devrait pas faire faillite. « L’avenir des retraites n’est pas une équation impossible. Le système peut absorber les départs en retraite et l’élargissement du numerus clausus offre des perspectives encourageantes », explique, par exemple, le Dr Yves Decalf. Même si le nombre de départs devrait augmenter de 40 % d’ici à 5 ans (75 000 retraités directs en 2020 contre 55 000 aujourd’hui), le système devrait s’adapter avec quelques probables ajustements à venir…