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Dossier

Les cabinets médicaux en manque de personnel ?

Et si l’avenir de la profession passait par les secrétaires...

Publié le 07/11/2014
Et si l’avenir de la profession passait par les secrétaires...


Entre la complexification, l’allongement de la consultation et la surcharge de travail administratif, les médecins généralistes sont unanimes : la délégation de certaines tâches à un secrétariat est essentielle. Mais encore faut-il pouvoir investir dans ce service relativement onéreux. Conscients de la nécessité d’accroître le temps médical, les syndicats réclament de concert des moyens supplémentaires destinés au financement d’une secrétaire ou d’un télé-secrétariat.

« J’ai exercé 17 ans sans secrétaire et maintenant que j’en ai une, je ne reviendrais plus en arrière ! », constate le Dr Philippe Marissal, vice-président de MG France. Ce médecin généraliste installé à Artemare, dans l’Ain, remarque qu’il lui est devenu extrêmement difficile de gérer seul l’ensemble de la charge médicale et administrative d’un cabinet. « Notre travail évolue », convient quant à elle le Dr Béatrice Fazilleaud (Chatelaillon-Plage, Charente-Maritime), secrétaire générale de l’UNOF. « Le vieillissement de la population associé à la multiplication des pathologies chroniques a transformé la consultation généraliste en l’allongeant considérablement ».

Selon une récente enquête de l’URPS Franche-Comté réalisée auprès des médecins libéraux de la région, 83,6 % des généralistes interrogés jugent que leur temps de travail est en augmentation depuis 2009. Exerçant en moyenne 50,8 heures au cours d’une semaine ordinaire, ils pensent en majorité (81,4 %) que leur temps de gestion administrative ne fait que croître et entraîne inévitablement une réduction du temps médical disponible. D’après le Dr Marissal, « les médecins passent entre une et deux heures par jour à remplir des papiers ». Et tous signalent une pression administrative délirante, (courriers administratifs très nombreux : arrêts de travail, prise en charge des ALD, synthèses médicales, dossiers EHPAD, aide aux personnes âgées dans leurs démarches…) et une augmentation exponentielle du nombre de patients alors que la courbe de la démographie médicale s’inverse.

Exercer de façon moderne

Ainsi, d’après le Dr Théo Combes, président du SNJMG, « un secrétariat est indispensable pour exercer de façon moderne. Être épaulé par une secrétaire efficace permet d’accroître le rendement du cabinet médical, de mieux exercer notre mission de médecin généraliste et de soins de premiers recours ».

Président du SML, le Dr Roger Rua va même plus loin. Outre le lien avec la patientèle, la gestion du planning et vues les contraintes administratives, le secrétariat pourrait, selon lui, alléger les risques de burn out chez les médecins. Et bien que de nombreux documents ne puissent être remplis que par le praticien, la secrétaire est un soutien essentiel.

« Avant d’embaucher ma secrétaire, j’étais dérangé par le téléphone quatre à cinq fois par consultation, se souvient le Dr Marissal, et il n’est pas toujours simple de se remettre dans le bain de la consultation après l’appel d’un patient ». En plus d’intercepter les appels et d’organiser les rendez-vous, son secrétariat gère l’ensemble des papiers administratifs, prépare les certificats à la signature, supervise le petit consommable du cabinet, accueille les patients et sert parfois de tampon entre les malades et leur médecin.

Bruno Malfatti exerce quant à lui à Peyrehorade, dans les Landes. Pour rien au monde ce généraliste ne se passerait de sa secrétaire : « Elle m'est indispensable, filtre les appels, est capable de déterminer un ordre de priorité, écoute patiemment les plaintes de mes patients… Lorsque vous avez une dizaine de visites déjà prévues et un secteur géographique étendu, c'est un gain de temps énorme. Ma secrétaire règle tous les problèmes administratifs avec les caisses, que je ne peux matériellement gérer avec une patientèle aussi importante ».

Même satisfaction des médecins qui optent pour le télé-secrétariat. Installé à Gaillac, dans le Tarn, le Dr Combes explique qu’« une secrétaire ne peut pas couvrir la plage horaire du médecin de 8 heures à 20 heures. Le télé-secrétariat est une bonne option, surtout si le travail se fait en réseau avec le médecin et un serveur commun. C’est aussi un moyen pour ne pas être dérangé par le téléphone pendant la consultation ».

Secrétaire ou secrétariat téléphonique ?

Une fois le constat établi de la nécessité d’être secondé par un secrétariat, reste à choisir la meilleure option. D’après les résultats de l’enquête menée par l’URPS Rhône-Alpes*, 52 % des médecins interrogés (toutes disciplines confondues) emploient une secrétaire et 32 % font appel à un télé-secrétariat. Nul doute que la polyvalence d’une secrétaire en cabinet, qui travaille en moyenne 27 heures par semaine, permet au médecin de se décharger d’une quantité de responsabilités chronophages. Les médecins généralistes lui délèguent en priorité la gestion des rendez-vous (96 %), l’archivage des documents (92 %), l’accueil et la réception des patients (90 %), souvent aussi la gestion des commandes et des stocks (68 %), l’aide aux patients (67 %), la transcription et la saisie des comptes rendus médicaux (62 %) et, plus rarement, la gestion des impayés (41 %), la comptabilité du cabinet (37 %) ou l’encaissement des règlements (18 %). Parmi les autres activités déléguées, on note la télétransmission des actes, le ménage et l’entretien du cabinet ainsi que les actes techniques comme la stérilisation des matériels.

Du côté des télé-secrétariats, la diversité des tâches assumées est réduite du fait de la non-présence physique de l’assistante, mais l’amplitude horaire couverte par le service est en moyenne de 44,8 heures par semaine et les congés sont inexistants. La gestion téléphonique des rendez-vous est la principale activité (98 %), suivie par la transmission des messages et alertes (79 %) et le transfert d’appels téléphoniques (78 %). Certaines petites structures de télé-secrétariat (Permapro, par exemple) complètent leur offre de service par la frappe des comptes rendus qu’elles reçoivent en document audio. Au total, l’enquête dénombre une moyenne de 2,6 activités déléguées en télé secrétariat contre 7 activités pour un secrétariat sur place. Si certains réfractaires reprochent aux opératrices de télé-secrétariat une réponse « standardisée » et parfois même déshumanisée ou un manque de formation médicale, dans l’ensemble, quelle que soit l’option choisie, chacun semble satisfait de son secrétariat ; le télé-secrétariat pouvant compléter les heures d’absence d’une secrétaire.

 

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Quel budget ?

Sujet épineux, celui du financement d’un secrétariat reste bien souvent le mobile du choix entre une secrétaire en cabinet, un secrétariat téléphonique ou pas de secrétaire du tout. D’après l’enquête de l’URPS Rhône-Alpes, le télé-secrétariat coûte entre 100 et 2 000 euros par mois et peut être facturé à l’appel (1 euro en moyenne, mais les tarifs varient de 0,15 cts à 5 euros l’appel) ou au forfait selon un nombre global d’appels. 64 % des médecins généralistes faisant appel au télé-secrétariat déclarent dépenser entre 250 et 750 euros par mois (3,60 euros de l’heure charges comprises). Salarier une secrétaire peut sembler plus onéreux compte tenu des charges, mais cela dépend du nombre d’heures facturées (SMIC horaire : 9,53 euros plus les charges).

« Bénéficier d’un secrétariat a un coût lourd à assumer, ou plutôt, de plus en plus lourd à assumer ! », constate le Dr Malfatti. Car, comme nombre de ses confrères, ce généraliste remarque une hausse incessante des charges. Selon les chiffres de l’URPS Franche-Comté, 77,3 % des médecins jugent que, depuis 2009, leurs charges professionnelles ont augmenté.

Dans ce contexte, le financement d’un secrétariat n’est pas toujours possible. « Le contexte économique est très tendu avec des honoraires bloqués depuis 2011 », rappelle le Dr Combes. « Nous entendons beaucoup de promesses et de beaux discours, mais ne voyons pas de vraie révolution du système de santé qui redistribuerait des moyens à la médecine de proximité ».

Car, il est bien question de moyens et non pas de revenus, prévient le Dr Rua : « Les médecins ne réclament pas forcément de gagner plus. Ils attendent une revalorisation de l’acte leur permettant de réinvestir dans leur cabinet pour une meilleure qualité des soins. Le C à 23 euros ne permet aucun investissement. Il faut conserver le paiement à l’acte, mais lui donner une autre valeur ». Sur ce point l’ensemble des syndicats s’accorde à peu près. MG France réclame, par exemple, depuis des années, un forfait administratif et le SNJMG espère voir un jour émerger un « forfait secrétariat ou salariat ». Même attente du côté de l’UNOF qui milite pour une revalorisation de l’exercice – notamment des consultations complexes – et réclame un temps de secrétariat pris en charge dans la ROSP.

Tous convergent : donner aux médecins généralistes les moyens de financer un secrétariat est, par ricochet, un service supplémentaire rendu à la population pour une meilleure accessibilité aux soins de proximité.

*Enquête réalisée en janvier 2014 auprès de 11116 médecins par la société Kynos pour l’URPS Médecins Rhône-Alpes.