La culture du soin protège-t-elle des passages à l’acte de la radicalisation ? « Collectivement, les soignants sont protégés contre les actions violentes par la dynamique des équipes, note le Dr Rachel Bocher : les roulements, les remplacements, la vision pluri-professionnelle favorisent des rétro-contrôles beaucoup plus que dans d’autres secteurs. » « À l’hôpital, tout le monde est embarqué sur le même bateau pour prendre en charge des personnes vulnérables et soulager leurs souffrances, insiste le Pr Sadek Beloucif, membre du CCNE et président du conseil d’orientation de la fondation de l’Islam en France ; cela crée une ambiance de terrain qui met collectivement à l’abri des violences. Mais, individuellement, tel ou tel acteur médical ou soignant, transgressant l’impératif citoyen de neutralité et l’objectif éthique de calmer la souffrance, peut céder aux tentations des sirènes extrémistes, comme on l’a vu en Grande-Bretagne et dans d’autres pays. La France n’est pas à l’abri. »
« C’est justement parce qu’il représente un lieu symboliquement fort de la vie démocratique et de la solidarité que l’hôpital et tout acteur médical peuvent constituer une cible emblématique pour des menaces extérieures et même intérieures, analyse Emmanuel Hirsch. Nous l’avons vu à l’AP-HP avec un infirmier qui était l’ex-mentor des frères Kouachi. Dans un contexte de guerre, l’établissement de santé est vulnérable, justement parce qu’il représente le territoire des personnes vulnérables et de celles qui les protègent. » Sur les théâtres militaires, les ONG le vérifient depuis plusieurs années : les emblèmes médicaux ne sont plus des protections et sont souvent devenus des cibles.
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La médecine, pépinière de la radicalisation ou laboratoire de la convivialité ?
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Les soignants, protégés ou exposés ?