Profil type du patient internaute
Ce sont surtout les femmes qui consultent Internet, des sujets jeunes, ayant un niveau d’éducation et des revenus élevés (2). De même, Internet est plus souvent consulté par les personnes atteintes d’une maladie chronique ou d’une pathologie lourde (1). Les patients vont sur le Net pour :
– trouver de l’information sur un problème de santé qui les concerne eux-mêmes ou l’un de leurs proches ;
– évaluer la gravité de leurs symptômes et l’éventuelle nécesssité de consulter ;
– s’informer sur un traitement ;
– recueillir des conseils en nutrition et/ou sur la forme physique ;
– ou encore rechercher du support émotionnel.
La plupart des internautes estiment que les informations trouvées leur permettent de mieux prendre en charge leur santé ou celle de leurs proches (3).
Ce qu’ils attendent de leur médecin
« Si Internet apparaît comme un tiers s’introduisant dans la relation, cela n’entame en rien la confiance des patients vis-à-vis de leur médecin » (3), précise Jean-Gabriel Jeannot, médecin généraliste et responsable de la stratégie digitale à la polyclinique médicale de l’université de Lausanne. En effet, parmi les sources d’informations auxquelles ils font le plus confiance, le médecin est cité dans 90 % des cas et Internet dans 17 % des cas (4). Une majorité de patients souhaiterait obtenir l’avis du médecin sur l’information trouvée et estime que ces échanges contribuent à améliorer la qualité de la relation, qu’ils jugent alors plus riche, plus constructive et plus franche (3, 5). Ces patients internautes souhaiteraient aussi pouvoir accéder à des informations valides, que leur médecin les guide sur le Net et qu’un site médical leur soit recommandé (2). « Les médecins doivent aujourd’hui être conscients que les patients vont faire des recherches sur Internet et tenter à mon sens d’ouvrir un espace d’échange durant la consultation, conseille le Dr Jeannot, les faire parler de leurs recherches, car ils n’osent souvent pas le faire, puis leur proposer des sites de qualité. Mais, dans ce domaine, ils ne sont pas toujours très à l’aise car peu formés à cela. » Les patients aimeraient aussi, semble-t-il, voir se développer des services web permettant la prise de rendez-vous et d’information sur les horaires d’ouverture (2).
Celui qui en sait plus que le médecin sur sa propre maladie
Dans certaines maladies chroniques, notamment, le patient peut devenir un véritable expert, en fréquentant les sites spécialisés et les espaces d’échange. « Les médecins ne doivent pas voir l’utilisation d’Internet comme une menace, mais comme une opportunité (3), un gain de temps dans la consultation, explique encore le Dr Jeannot. La recherche d’informations par le patient lui-même est essentielle, en particulier dans les maladies chroniques, d’autant plus que la majeure partie de l’information médicale délivrée durant la consultation est immédiatement oubliée par le patient, et que près de la moitié de l’information retenue est incorrecte. » Les études montrent d’ailleurs que les patients qui vont chercher des informations sur le Net sont davantage capables de prendre leur santé en main, donc de l’améliorer, et plus satisfaits de leur prise en charge (6). En réalité, pour la majorité d’entre eux, l’objectif n’est pas de confronter le médecin à ces informations, mais plutôt d’obtenir son opinion, le soignant restant largement investi de leur confiance (6). D’ailleurs, seule une minorité de médecins se sentent remis en cause dans leur autorité (2). « Si le patient en sait plus que le médecin, ce dernier peut tout à fait prendre connaissance en toute humilité des informations apportées et les utiliser pour optimiser la prise en charge de son patient. Ici, le médecin va pouvoir l’aider à utiliser l’information recueillie, à lui donner du sens. »
L’addict au Net, celui qui dévore toutes les informations santé
On l’a vu, les personnes qui vont le plus sur le Net sont surtout les femmes jeunes, actives, urbaines, d’un bon niveau scolaire, ayant des enfants, ainsi que les personnes atteintes de maladies chroniques (1, 6). Les études montrent que ces addicts sont aussi les plus anxieux et que la recherche d’information en ligne se traduit généralement par une augmentation du nombre de visites (6). Mais cela se traduit aussi par une meilleure implication, une plus grande motivation à s’engager dans les changements des habitudes de vie et une meilleure adhésion au traitement (6). « Dans ce cas, le principal problème reste la qualité de l’information, variable selon les sites, prévient le Dr Jeannot, il faudra donc leur apprendre à se méfier du web. » Si les patients ont globalement confiance en l’information trouvée, en réalité une majorité d’entre eux reconnaissent ne pas savoir faire la différence entre les sites certifiés et les autres (4). Les risques sont les autodiagnostics erronés, l’automédication inadéquate et les angoisses supplémentaires (1). Le médecin aura donc pour mission de former les patients pour qu’ils aillent vers des sites de confiance. Ce sont d’ailleurs ces patients addicts qui sont les plus demandeurs de « garantie de fiabilité » des informations.
Le patient qui visite les forums et participe aux débats
Ces patients qui fréquentent les espaces d’échange représentent un tiers des internautes santé (1). Ce sont généralement les patients les plus responsables et impliqués dans la prise en charge de leur santé (1). Parmi les plates-formes fréquentées, les médias sociaux (forums, blogs, groupes Facebook, Twitter) jouent un rôle de plus en plus important, permettant le partage d’informations. À cet égard, Internet représente un outil indéniable d’accompagnement et de soutien émotionnel des patients (5). Ils y trouvent aussi des conseils plus pratiques, accessibles, qui les aident à mieux gérer leur maladie et qu’ils ne trouvent pas par de l’information médicale classique (6). L’anonymat de certaines plates-formes favorise en outre les discussions sur des sujets intimes comme la sexualité ou la santé mentale (6). « Attention à la qualité de ces plates-formes, parfois douteuses, peu encadrées, voire inquiétantes : là encore, le médecin doit leur apprendre à se méfier de certains sites, les guider, les prévenir que les personnes qui s’expriment le plus sur les forums sont souvent celles atteintes des symptômes les plus graves, et qu’ils vont donc avoir une vision déformée de la réalité. En outre, les médecins devraient à mon sens davantage investir la Toile via la création d’un blog ou de leur propre site et avoir une présence forte sur les médias sociaux. »
Celui qu’Internet démoralise
« Les hypocondriaques ont toujours existé, mais il est vrai qu’Internet peut jouer un rôle de catalysateur de par la surabondance d’informations erronées ou imprécises accessibles en quelques clics », ce qui peut se révéler destructeur pour les personnes anxieuses, vu que leurs recherches vont accentuer leur mal-être et que rien ne va les rassurer (7). Le fait d’aller sur le web peut aussi, dans certains domaines, augmenter l’anxiété du patient et le désorienter, notamment en cancérologie (2). Sur les forums où sont souvent exposés les cas les plus dramatiques, les patients vont être facilement convaincus parce qu’ils ont vu une analogie entre les symptômes décrits sur le Net et les leurs, qu’ils souffrent de la même maladie (2). Le médecin doit savoir rassurer, diminuer l’angoisse et surtout inviter ses patients à parler des résultats qu’ils ont trouvés. « Il ne s’agit pas de leur dire “n’allez pas sur Internet !”, mais de leur rappeler que le web est un outil à manier avec précaution, de les prévenir de ne jamais essayer de mettre un diagnostic tout seul à partir de symptômes, et enfin de les guider vers des sites fiables. »
Dr Patricia Martel, avec la collaboration du Dr Jean-Gabriel Jeannot, médecin généraliste, responsable de la stratégie digitale à la polyclinique médicale de l’université de Lausanne (Suisse).
(1) Lauma communication. À la recherche du e-patient. Les Français et l’Internet santé. Avril 2013 http://www.patientsandweb.com/wp-content/uploads/2013/04/A-la-recherche-du-ePatient-externe.pdf
(2) Haute Autorité de santé. Le patient internaute. Mai 2007 http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/patient_internaute_revue_litterature.pdf
(3) Jeannot JG. Médecine 2.0 : Internet, le médecin et son patient. Primary Care 2013 ; 13 (22) : 401-3. [En ligne]. http://www.primary-care.ch/docs/primarycare/2013/22/fr/pc-f-00519.pdf
(4) Conseil national de l’Ordre des médecins. Les conséquences des usages d’Internet sur les relations patients-médecins. Sondage Ipsos. Avril 2010 http://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/sondage%20internet%20CNOM%202010_0.pdf
(5) Conseil national de l’Ordre des médecins. Vers une meilleure intégration d’Internet à la relation médecin/patients. 2010 http://www.conseil-national.medecin.fr/article/vers-une-meilleure-integration-d%E2%80%99internet-la-relation-medecins-patients-982
(6) Thoër C. Internet : un facteur de transformation de la relation médecin-patient ? RICSP 2013 ; 10 : 1-24. http://www.revuecsp.uqam.ca/numero/n10/pdf/RICSP_Thoer_2013.pdf
(7) Muse K et al. Cyberchondriasis : fact or fiction ? A preliminary examination of the relationship between health anxiety and searching for health information on the Internet. J Anxiety Disord 2012; 26 : 189-96. http://www.metronews.fr/info/l-etude-du-jour-les-hypocondriaques-2-0-toujours-plus-nombreux/mmji!LSbV9hpfickAE/
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