Face à la démographie médicale déclinante, les bonnes idées ne manquent pas. Les réalisations concrètes, elles, sont plus rares. Mais elles existent. Voici trois success stories qui ne demandent qu’à faire des petits.
Dans le Gard, le projet de cinq médecins
En 2012, l’avenir était loin d’être brillant pour les médecins et les patients du Vigan, dans le Gard. « Ce n’est pas qu’il n’y avait plus de médecins, mais la plupart étaient isolés, vieillissants, et les projections à moyen terme étaient très inquiétantes », se souvient le Dr Antoine Brun d’Arre, généraliste dans cette sous-préfecture cévenole. « Nous nous sommes donc regroupés à cinq médecins pour fonder une MSP. » Après quatre ans de travail, celle-ci a vu le jour en 2016, ce qui a permis l’installation d’un couple de médecins. « Le fait d’exercer en MSP a été un critère déterminant dans leur installation, ainsi que les aides liées au classement de notre commune en zone fragile », se souvient le praticien.
Mais il y a un « mais » : grâce à cette installation notamment, le Vigan a perdu son statut de zone fragile. « Or nous avons dans la MSP trois médecins qui vont partir à la retraite d’ici trois ou quatre ans », explique Antoine Brun d’Arre. « On va se retrouver au point de départ, et sans les aides. J’ai alerté les autorités, et depuis le 1er octobre, nous sommes de nouveau en zone fragile dans le cadre du plan "montagne" de la région Occitanie. » Le généraliste indique que la MSP a repris ses efforts pour attirer de nouveaux médecins, avec notamment la création d’un film illustrant le contexte de travail au Vigan.
En Saône-et-Loire, le pari d'un élu
En 2017, la Saône-et-Loire a mis en orbite un objet sanitaire encore non-identifié dans le ciel sanitaire français : le centre de santé départemental. L’idée était assez simple : recruter des médecins qui travaillent en 39 heures annualisées, les payer selon la grille de la fonction publique hospitalière, et les positionner là où les patients n’ont plus de solution. Regardée à l’origine avec beaucoup de scepticisme, cette initiative est aujourd’hui brandie comme un étendard par André Accary, le président (Les Républicains) du conseil départemental. « Nous avons aujourd’hui 50 médecins généralistes, qui travaillent dans 5 centres et 19 antennes », se flatte-t-il. « Et nous avons rouvert 10 postes supplémentaires pour compléter l’offre. »
Pour les médecins, le centre de santé départemental a un grand avantage : leur permettre de travailler en équipe. « Ils se réunissent régulièrement pour faire le point sur les situations médicales, c’est une vraie motivation pour eux », assure l’initiateur du projet. Reste que tout cela ne vient pas gratuitement. « Le département a mis une mise de fonds de 2 millions d’euros », indique André Accary. Et bien que les recettes du centre aient, d’après le conseil départemental, atteint 1,7 million d’euros en 2019, les finances sont loin d’être à l’équilibre. Le département a dû lui accorder une subvention d’1 million d’euros l’année dernière. Mais André Accary reste persuadé que cette subvention d’équilibre s’éteindra avec le temps. « Petit à petit, mon système sera économiquement équilibré », assure-t-il.
À Belle-Ile, le mariage de la ville et de l'hôpital
Il y a cinq ans, Belle-Île-en-Mer ne comptait plus que trois généralistes. Ils sont aujourd’hui une petite dizaine… sans compter des confrères spécialistes en consultation avancée. La raison de ce miracle breton ? Un statut mixte partagé entre la ville et l’hôpital, qui permet aux praticiens de mieux gérer leurs plannings, d’organiser la permanence des soins de façon efficace, d’avoir accès à des moyens diagnostiques plus importants, et de travailler en équipe.
À l’origine de cette révolution, il y a un généraliste arrivé sur l’île en 2012 : le Dr Stéphane Pinard. « L'hôpital de Vannes cherchait un médecin pour écrire un projet de santé. À l’époque, j'étais en région parisienne et avec 50 consultations par jour, je ne voyais pas le jour… J’ai voulu mettre sur le terrain ce que je pensais être la médecine idéale ».
Les clés de la réussite belliloise ? « En premier lieu, c'est le fait d'avoir adossé la médecine libérale à l'hôpital de proximité, cela crée du lien entre les deux et permet d'avoir un plateau technique, ce dont peu de généralistes disposent, » explique le Dr Pinard, qui raconte, satisfait, sa journée de la veille : « J'ai fait des gardes, un peu de consultations, de la radio, de l'échographie, des sutures, j'ai fait une hospitalisation en médecine et pris en charge une crise de diverticulite fébrile avec radio ASP… » Le site aura bientôt sa biologie délocalisée avec automate adossé à un laboratoire d'analyse. Stéphane Pinard est persuadé que ce cadre de travail a motivé les jeunes médecins. Et il rappelle que le soutien des collectivités locales aussi a été déterminant pour pouvoir implanter une MSP au coeur d'un établissement public..
Le paradis médical semble donc avoir élu domicile en Bretagne. D'autant que l'équipe travaille désormais dans des locaux flambant neufs, dans le nouvel hôpital de Palais ouvert il y a moins d'un an. Bellilois d'adoption, le généraliste estime la recette transposable ailleurs, là où il est possible de faire collaborer offre libérale et hôpital de proximité.
Mais en ce début 2020, les médecins sont inquiets. Victime de son succès, Belle-Ile est en effet sortie des zones d'intervention prioritaire (ZIP), condition sine qua non pour obtenir les aides à l'installation et bénéficier de la défiscalisation des astreintes. Un départ en retraite cette année, un autre l'an prochain… Seront-ils remplacés, s'interroge déjà le Dr Pinard ? « Cinq ans, c'est trop court. Il faut que les aides soient plus pérennes », martèle le généraliste qui a repris son bâton de pèlerin pour convaincre autorités sanitaires et élus.
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