Une nuit, pendant que Kiloï dormait dans son lit, celui-ci descendit d'un étage. Lorsqu'il se réveilla le lendemain, il se retrouva dans un nouvel environnement.
Il s'habilla et sortit de la pièce. Un ambassadeur de la Compagnie l'attendait et lui expliqua en quelques phrases qu'il venait d'être recruté pour faire partie des ambassadeurs, ceux qui dirigeaient la Compagnie. Kiloï eut l'air un peu surpris, mais il suivit son interlocuteur à travers le dédale des couloirs. C'était visiblement l'étage administratif.
Kiloï rencontra un nombre surprenant de personnes, en chair et en os. Il en avait le tournis. C’était tellement différent de son équipe, là-haut, se dit-il en levant les yeux. Il passa une journée affreuse à essayer de comprendre ce qu’il se passait. Il remarqua que beaucoup de ces personnes n’avaient pas l’air en bonne santé. Il décelait de multiples symptômes de stress, et même de maladies. Kiloï soupira. Il y avait tellement de choses à faire, partout !
Kiloï était perspicace. Il se rendit vite compte que cette carrière n’était pas faite pour lui. On aurait presque dit que la Compagnie cherchait à le faire redevenir ce qu’il aurait dû être : un ingénieur, un constructeur d’une petite partie d’une grosse machine. Il demanda à rencontrer les médecins de l’étage, mais on se contenta de le conduire à l’infirmerie où n’opéraient que des robots médecins. Kiloï soupira une nouvelle fois. Il avait cru améliorer le monde mais son action avait été trop limitée. Cela devait changer.
Puis, on lui demanda de descendre au septième étage. Il pourrait y rester aussi longtemps qu'il le voudrait avant de descendre au sixième où l'attendait son poste de travail d’ambassadeur. Kiloï ne pouvait pas refuser.
Le septième étage ressemblait à un paradis où tout semblait possible. Tous les désirs devaient pouvoir être exaucés ici, lui avait-on dit. Une sorte d’îlot réservé aux dirigeants, auquel ils avaient le droit d’accéder de temps en temps, si la Compagnie le décidait. Il partit à la découverte de l’étage et ne rencontra personne, un changement appréciable après la cohue malsaine de l’étage précédent. C’était toujours ça de pris ! Mais l’étage semblait entièrement réservé au plaisir, pas à la connaissance. Impossible de se sentir utile ici, se dit-il. Autant en profiter pour se reposer. Il passa presque toute la journée à la salle de sport et à la piscine.
Ce soir-là, Kiloï se coucha tôt. Tout cela l’ennuyait. Il y avait tant de choses à faire, tant de découvertes à exploiter, tant de transformations à apporter. Il fit un rêve. Un rêve très réaliste, dans un monde où la Compagnie n’existait pas et où chacun se battait contre les autres, sans personne pour les prévenir ou les soigner. Un rêve étrange qui aurait aussi bien pu se dérouler dans le passé que dans le futur. Ou dans les deux, peut-être. Un cauchemar plutôt. Il se réveilla au milieu de la nuit. Son cerveau tournait en boucle, attiré et repoussé en même temps, comme un papillon de nuit voletant affolé autour d’une bougie. Il ne se rendormit qu’à l’aube, épuisé.
C’est ce deuxième jour que Kiloï décida que la situation ici était intenable. Il ne se laisserait pas faire. Il entra dans l'ascenseur et se prépara à appuyer sur le bouton du sixième étage, quand il réalisa qu’il n'y avait pas de bouton avec le numéro 6. Ni aucun autre d'ailleurs. Les portes se refermèrent et l'ascenseur descendit.
Prochain épisode dans notre édition du 4 juillet
Georges Malamoud, né en 1954, est un normalien scientifique, et aussi un menuisier et un blogueur. C’est en blogguant chaque jour qu’il a pris goût à l’écriture. Georges est également un amoureux et un acteur de la francophonie internationale dans toute sa diversité.
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