De nouvelles habitudes à prendre
Pour ceux qui n’utilisaient pas de bases de données de médicaments ou seulement le CD Vidal gratuit, il y aura bien sûr un coût financier (228 euros/an ou 192 euros si l’on souscrit avant le 31/12/2012 pour le Vidal et 240 euros/an ou 192 euros/an en réseau dès deux médecins pour la BCB) compensé par l’attribution des points (voir encadré).
Mais il y a surtout de nouvelles habitudes à prendre. Il ne s’agit plus de faire une ordonnance informatisée mais de la sécuriser. « Dans mon ancien logiciel Eglantine, j’avais ma propre base de médicaments et les ordonnances se faisaient à toute allure, se souvient le Dr Duthoit, généraliste dans le Nord, lors du passage à Crossway et à la BCB, cela a été un peu douloureux. Il y a un grand choix de médicaments, cela prend du temps et il ne faut pas se tromper de ligne. Ce n’est que peu à peu que l’on enregistre ses posologies personnelles ». « Dans mon précédent logiciel, je me contentais de chercher les interactions et les contre-indications avec le CD Vidal, explique le Dr Yves Le Corre, généraliste à Montpellier qui a choisi le logiciel en ligne Weda en janvier dernier, depuis que j’utilise Vidal Expert intégré, je me suis aperçu que l’on pouvait passer à côté de certaines interactions. (NDLR : l’intégration du CD Vidal ne prenait pas en effet en compte les antécédents ou l’état physiologique du patient). »
Pour les utilisateurs anciennement abonnés à des bases de médicaments, les nouveaux LAP certifiés ne constituent pas un gros changement. Dans MédiClick, la prescription a beaucoup évolué, explique-t-on chez CLM (Cegedim Logiciels Médicaux), elle se fait en plein écran avec une gestion par onglet ; on peut associer la raison de la prescription à travers un motif, de façon simple et on a ajouté la notion de traitement de fond. Les alertes en bas à droite restent visibles tout le temps de la prescription. Mais le Dr Benoît Cabanel, généraliste à Laon, qui utilisait déjà au quotidien le module de prescription BCB intégré à MédiClick, l’assure : « La nouvelle interface ne m’a pas dérouté. Le cahier des charges de la HAS, un peu plus précis, a rajouté quelques alertes intéressantes. La clairance était déjà prise en compte mais pas le poids. Il y a donc une alerte pour saisir le poids du patient si on ne l’a pas fait. Les incompatibilités physicochimiques, c’est-à-dire entre molécules, viennent utilement compléter les interactions médicamenteuses. D’une façon générale, je n’ai pas l’impression que cela prenne plus de temps. L’interface est bien. L’ordonnance sécurisée va plutôt plus vite qu’à la main et c’est lisible. Quand on a des patients en ALD, avec une dizaine de prescriptions, y a pas photo ! »
Situation analogue avec HelloDoc où l’ensemble de la prescription a été refondue et a changé de présentation. Mais le Dr Rémy Louvet, généraliste, qui en tant que testeur utilise HelloDoc 5.60 New depuis six mois, n’a pas trouvé de grand changement, si ce n’est le pavé numérique qui permet de prescrire les posologies facilement. « Je codais déjà les pathologies, je suis assez rigoureux. Ce que l’on remarque, c’est que l’analyse de l’ordonnance se limitait aux interactions et que l’on n’avait pas la possibilité de prendre en compte les profils particuliers des patients et les informations contenues dans le dossier. »
Le Dr Pascal Roger est équipé d’AxiSanté 5 depuis quatre ans et abonné à Vidal Expert. Il avait l’habitude de la prescription sécurisée en fonction des pathologies du patient. Il apprécie aujourd’hui d’avoir le volet médical systématiquement sous les yeux et la nouvelle ordonnance imprimée qui mentionne poids et âge et éventuellement en bas de page les allergies médicamenteuses ou à certains excipients, ce qui est utile au pharmacien chargé de substituer.
Le pharmaco-correcteur de MédiStory était déjà assez élaboré. La certification a fait franchir de nouvelles étapes comme le motif de prescription en standard, ce qui est intéressant pour l’historique. On peut également rattraper le codage lors de la rédaction de l’ordonnance si on l’avait oublié. Le profil du patient n’est pas omniprésent mais se dévoile quand on lit les informations concernant les alertes.
Sous Weda, l’utilisateur a le choix entre les alertes en « live » et en couleurs ou une fenêtre pop-up avant l’impression qui résume tout. Le Dr Dominique Martinez, généraliste, aime bien pour sa part les petites icônes : en passant la souris dessus, l’information sur l’alerte apparaît. Même préférence chez le Dr Le Corre, qui prescrit souvent à partir de son iPad, « le module est très intuitif ».
La traçabilité est de règle, ce qui fait qu’une fois validée, l’ordonnance ne peut être supprimée même si l’on s’aperçoit d’une erreur. « Or il est facile de se tromper d’une ligne lorsqu’on choisit une posologie dans un menu déroulant, c’est agaçant, si on veut actualiser l’ordonnance, l’erreur est toujours visible », constate le Dr Martine Hannedouche équipée avec Crossway.
Des dossiers à jour pour une prescription dans le contexte
« Mes dossiers n’ont pas été structurés pendant 20 ans, et je les reprends quand le patient revient en codant avec la CIM 10, cela prend un peu de temps mais cela nous oblige à bien travailler », souligne le Dr Le Corre.
« Cela nous oblige à mieux tenir nos dossiers et à bien mettre les éléments importants de la prise en charge », reconnaît le Dr Roger.
« Ce qui change, c’est que le médecin doit porter un regard sur sa pratique. Il doit être dans les clous, souligne le Dr Alain Boutry, généraliste, modérateur de la liste de diffusion MédiStories, il faut coder les événements majeurs. »
« Cela nous oblige à ne négliger aucun élément important dans la prise en charge. Si une insuffisance rénale s’installe, la nouvelle prescription devra en tenir compte… »
Enfin, il ne faut pas oublier de faire le ménage. Une alerte à laquelle on ne s’attendait pas, c’est aussi parce qu’un épisode ancien traîne toujours dans les antécédents en cours et non dans les problèmes résolus. Comme la varicelle d’un enfant. Ou un ancien traitement qui entraîne une alerte « redondance ».
Informer les patients sur la prescription
Dans deux cas au moins, la gestion des alertes permet au médecin de mieux expliquer son traitement au patient.
Le Dr Laurent Brechat, généraliste dans une maison de santé sous AlmaPro, est adepte de l’allégement des ordonnances pour les patients aux pathologies multiples. « Cela me sert quand je veux supprimer un traitement que je juge inutile, il y a souvent une précaution d’emploi ou une contre-indication de BCB que je peux montrer au patient sur l’écran. Il comprend alors très bien qu’il vaut mieux s’abstenir de ce médicament. » Ce que confirme le Dr Roger : « On peut s’appuyer sur les alertes du Vidal pour supprimer un médicament, de la même façon que j’utilise les Recos pour expliquer les traitements. »
Un autre intérêt signalé par le Dr Rémy Louvet, c’est de préciser au patient une alerte sur laquelle on a passé outre parce que la prescription est adaptée. « Il n’aura pas d’inquiétude si le pharmacien lui signale la contre-indications. En tant que médecin coordonnateur dans un EPHAD, je m’en sers aussi pour informer les médecins traitants quand je découvre des incohérences. »
Trop d’alertes tuent l’alerte : il faut régler le niveau
Si tous les médecins sont unanimes sur le facteur d’amélioration de la prescription apporté par la certification, ils mettent en garde sur le trop grand nombre d’alertes. Le Dr Stéphane Fraize, généraliste qui avait fait le choix d’AlmaPro pour prescrire en DCI ou en princeps, estime que le système d’alertes de la BCB s’est révélé peu fonctionnel : il trouve qu’il y a trop d’alertes, pas assez hiérarchisées. Du coup, il avoue ne plus les consulter. C’est surtout le cas des patients en ALD qui prennent plusieurs médicaments. « Tenez par exemple sur cette ordonnance de sept médicaments, je vois apparaître 17 alarmes dont 6 contre-indications, 4 précautions d’emplois, une alarme de surdosage… C’est trop. Je préfère consulter les fiches avant quand j’ai un doute. Je vérifie systématiquement les interactions. Mon cerveau fait le même travail à la demande. » Il est vrai que ce praticien se dit assez sensibilisé aux problèmes de prescription : il est abonné à une revue spécialisée et fait partie d’un groupe de pairs. Equipé avec le même logiciel, le Dr Bréchat lit au contraire toutes les alertes : « Ça m’intéresse et cela ne prend pas trop de temps. » Pour sa matinée de consultation, il n’a eu il est vrai qu’une ordonnance avec alerte.
« Si l’on donne de la metformine à une patiente diabétique, l’alerte est forcément rouge car, on ne peut pas implémenter les cinq stades de diabètes dans le logiciel… Il ne faudrait pas que ça devienne une paresse intellectuelle », reconnaît le Dr Roger, qui essaye de prévoir avant de prescrire, mais clique systématiquement sur les alertes pour voir ce qui ne va pas. C’est une sécurité.
« Ce qui est un peu lourd, souligne pour sa part le Dr Cabanel, ce sont les précautions d’emploi, mais on peut les régler. Quand je prescris 4 g par jour de paracétamol alors que la recommandation est à 3 g, je sais pourquoi… Trop d’alertes tuent l’alerte ! Mais il faut voir que c’est souvent utile avec les patientes enceintes, on ne pense pas toujours à tout. »
« Il y a plus d’alertes qu’avant. C’est comme les impôts, trop d’alerte tue l’alerte, renchérit le Dr Duthoit, je désactive l’ouverture automatique des alertes. Il ne reste que l’icône rouge que je vais voir si j’ai un doute. C’est plutôt rare que tout soit vert ! »
Ajoutons que le LAP est incapable de distinguer quand le médecin prescrit aussi un médicament pour le conjoint ou les enfants du patient…
La HAS est parfaitement consciente de ce problème. « S’il se produit des alertes dans plus de 15% des cas, elles ne sont plus lues », souligne Pierre Liot, chef de projet. C’est pourquoi le référentiel propose plus qu’il n’impose. C’est au médecin de faire le réglage de son niveau d’alerte en fonction de sa patientèle et à son éditeur de lui expliquer comment faire. Le pire serait pour la HAS que le praticien ne lise plus rien ou déparamètre les alertes.
Un avis globalement positif (verbatim en forme de conclusion)
« Quand tout est vert, on est rassuré. Ça peut quand même rendre service » (Dr Cabanel)
« C’est une auto-évaluation. Pour une fois que ça sert à quelque chose » (Dr Le Corre)
« Il va y avoir de plus en plus de rigueur dans nos logiciels et pour moi, c’est plutôt une bonne évolution » (Dr Boutry)
« C’est un peu trop complet, peut-être, mais nous aurons de plus en plus la trouille de l’erreur médicale. Cela apporte une sécurité d’emploi que j’aurai bien été content d’avoir dès le début de mon exercice médical. C’est comme pour la ceinture de sécurité, on a râlé au début mais on sait que ça peut sauver des vies… » (Dr Martinez)
* Avec la Banque Claude Bernard de Cegedim Resip : AlmaPro, Crossway, Doc’ware, MédiClick, Medi+4000. Avec Vidal Expert : AxiSanté 4 et 5, HelloDoc, Medicab, Medicawin, Shaman, Weda). Avec BCB é0 Médecin ; avec Vidal Medipratick et Medimust ; avec Thesorimed, Medaplix.
Un seul, MédiStory pour Mac, est certifié pour les deux bases BCB et Vidal.
A noter : Vidal Expert (135 000 références) couvre déjà les produits de parapharmacie, de diététique, les dispositifs médicaux, etc. BCB va évoluer début 2013 avec l’ensemble des fonctionnalités de BCB Dexter comprenant la parapharmacie et les appareillages. Ainsi, les alertes pourront s’étendre aux compléments alimentaires (prenant en compte le diabète par exemple).
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