Résumé de l’épisode 1 : Obsédé par les chiffres et les calculs, il s’est vu chargé par son gourou d’une mission purificatrice.
Jeudi 14 février, 20 heures
– Un, deux, trois, nous irons au bois…
Malgré lui, il a ponctué son premier jet de dés du fredonnement de la comptine. Un lancer sec, violent, en total désaccord avec le ton insouciant de la ritournelle. Et les trois dés colorés de virevolter dans le boîtier de jeu, de s’entrechoquer pour rebondir de plus belle, avant de livrer leur verdict chiffré. Il est anxieux, mais se sent en même temps terriblement fier. Un soupçon de sueur perle à ses tempes. Le dé bleu affiche deux ; le blanc : quatre ; le rouge : cinq. Surtout ne pas se tromper. Ses doigts se crispent à présent sur le stylo qu’il s’est choisi. Un Waterman, évidemment, à cause de l’initiale. Il inscrit avec application le résultat de son tirage au sort dans le carnet dont il a personnalisé la couverture par un monogramme calligraphié. Un simple W, comme de bien entendu. W, c’est une idée de Benoît… Un bref instant, le regard de notre homme s’attarde sur la photo du Maître, punaisée au mur…
Mais ce n’est pas le moment de rêvasser. « Le bleu : deux ; le blanc : quatre ; le rouge : cinq. » Il répète à voix haute. Il veut être sûr de ne pas commettre d’erreur : deux, quatre, cinq. L’interprétation sera pour plus tard. Il sent que l’heure est propice à un nouveau lancer.
– Quatre, cinq, six, cueillir des cerises…
Nouvelle prise de notes. Sa main tremble légèrement.
– Sept, huit, neuf, dans mon panier neuf…
Il est en sueur, mais au comble de l’excitation. Il va enfin savoir qui sera la première victime que le sort lui échoit…
– Dix, onze, douze, elles seront toutes rouges…
Nouvelle sarabande des dés… Ça y est, il a la combinaison finale. Il n’a plus qu’à la convertir. Le moment est exaltant. Conformément aux instructions de Benoît, c’est le sort seul qui vient, en effet, de désigner la première victime expiatoire pour le Salut de l’Humanité. Et ce sera pour cette nuit.
***
Vendredi15février, 10 heures.
Orléans le 15/02/13 - 08:50
Assassinat au mobile mystérieux dans le quartier de L’Argonne
– Découverte ce matin à 6 h 45 du corps sans vie de Solange Bourdieux (vingt-trois ans) domiciliée rue de la Douelle. La jeune femme assassinée gisait dans une allée du Parc de la Fontaine de l’Étuvée, les mains liées dans le dos et la tête dans un sac en plastique. Les premières constatations du Dr Valderama, médecin légiste descendu sur les lieux avec le parquet, permettent de faire remonter le décès par étouffement à ce vendredi 15, vers 3 heures. Il n’y a pas eu de violence sexuelle. Le Dr Valderama a par ailleurs constaté la présence sur la paume gauche d’un curieux stigmate en forme de W. Le légiste est formel : l’écoulement de sang quasi inexistant atteste une incision post mortem. La victime étant toujours en possession d’une coquette somme d’argent liquide, le commissaire Lefin, chargé de l’enquête, écarte le mobile du vol et a lancé un appel à témoin.
Jean-Philippe Lefin lève les yeux de la dépêche de l’Agence France-Presse que Delneuville vient de lui transmettre avec le courrier et soupire. Lui qui espérait une période un peu calme durant cette épidémie de grippe qui décime son équipe, le voilà déjà avec un homicide sur les bras ! Il faudra bien « faire avec », pense-t-il en posant un regard résigné sur Luc Delneuville. Ce jeune inspecteur sans grande expérience est en effet presque le seul effectif dont il dispose encore.
– Luc, je ne te cache pas que je n’aime pas cette affaire. Cet assassinat, sans mobile apparent, sur une fille sans histoire… Cette espèce d’entaille en forme de W, tout ça n’a pas de sens…
– Vous croyez que…
– Je ne crois pas, je crains ! Je crains que nous soyons en présence d’un déséquilibré. Et si c’est le cas, il risque de remettre le couvert… Ce qui nous promettra bien du plaisir. Ces gars-là sont imprévisibles.
– Et le toubib, qu’est-ce qu’il en dit ?
– Ne mélange pas les casquettes, petit. Un médecin, même légiste, n’est pas un enquêteur. On lui demande de faire parler les corps, mais pas de tirer les conclusions de ce qu’ils disent.
– D’accord, ça n’empêche que Valderama pourrait avoir sa petite idée.
– Possible, mais jusqu’à présent il s’est contenté de me filer son rapport sans commentaire. Pour ne rien te cacher, ce légiste m’a l’air aussi chaleureux que sa cliente du jour.
– Laissez-lui le temps de s’habituer.
– T’as raison, il est comme toi, il débarque. Et puis après tout, on lui demande d’être compétent, pas amuseur public.
Tout en parlant, le commissaire s’est mis à dépouiller distraitement son courrier. Soudain, Delneuville le voit se figer… Et dans le silence, un juron claque. Puis lentement, sans un mot, Lefin tend à l’inspecteur la simple feuille de format A4 qu’il vient de déplier…
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