Exercice physique et rupture de plaques

Une relation controversée

Publié le 26/05/2014
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

De nombreuses études montrent une augmentation du risque coronaire lors d’une activité, quel que soit l’entraînement habituel. Chez le « sportif du dimanche », 85 % des accidents sont des infarctus du myocarde, avec un pic de survenue vers l’âge de 40-45 ans. « Pourtant, on observe peu de rupture de plaques lors des épreuves d’effort, ce qui ne manque pas d’interpeller », a souligné le Pr François Carré.

Le registre Orbi en Bretagne a colligé 5 100 infarctus du myocarde, dont 1 % est survenu pendant ou juste après un effort. Ce qui, extrapolé à la France entière, représente environ 1 500 syndromes coronaires aigus liés au sport chaque année. La fréquence des ruptures de plaque est débattue, avec des estimations divergentes selon les études.

L’exercice intense est une contrainte majeure pour le myocarde. Quand l’exercice est maximal, la pression artérielle systolique est multipliée par deux, la consommation d’oxygène par 10. Il y a également des modifications hormonales liées non seulement à l’intensité de l’effort (adrénaline et noradrénaline augmentent dès que le seuil ventilatoire est dépassé) mais aussi à sa durée. Ceci est tout à fait cohérent avec le fait que la majorité des accidents surviennent à la fin du marathon.

Trois composantes doivent être prises en compte

Tout d’abord le pratiquant : ses antécédents personnels et familiaux, son risque athéromateux faible ou intermédiaire, l’histoire sportive (niveau d’entraînement, adaptation de l’effort à ce niveau).

Ensuite le contenant : artères pathologiques (dilatation inadaptée, vasoconstriction, contraintes mécaniques externes…), le type de plaque, les contraintes hémodynamiques liées à l’effort. « Lors de l’effort, le flux devient turbulent », a rappelé le Pr Carré.

Enfin le contenu, avec la triade de Virchow favorisant la thrombose : substrat thrombogénique, facteurs hémodynamiques (forces de cisaillement et flux rapide) et modifications hémorrhéologiques et sanguines.

Les données in vivo sont aujourd’hui mal connues. Chez le sédentaire sain, on observe une hyperviscosité, une moindre déformabilité des globules rouges et une diminution de la fibrinolyse. Chez le coronarien, ces perturbations sont encore plus marquées.

S’il existe donc un certain nombre d’arguments plaidant en faveur d’une relation entre sport et rupture de plaque, la question du facteur déclenchant final reste toutefois entière : pourquoi la plaque rompt un jour. Ceci pose bien sûr le problème de la détection des sujets à risque, en n’oubliant pas que dans ce domaine, certains facteurs sont à prendre en compte : le tabagisme, la sédentarité et l’intensité inappropriée de l’exercice physique, absolue et relative.

Chargé de plaider le contre de cette controverse, le Pr Gérard Finet a souligné que synchronicité ne veut pas dire causalité. Et que de façon globale, le sport reste une cause rare dans la survenue d’un infarctus du myocarde. D’autres circonstances sont elles aussi associées à un risque accru d’événement coronaire aigu : tremblement de terre, stress mental, vision d’un match de football…

Il est en pratique difficile de définir une plaque à haut risque, et ce d’autant que chez un même patient ayant plusieurs plaques d’aspects comparables, l’une peut rompre et les autres non. Il s’agit donc d’un phénomène très complexe.

Il faut en conclusion se rappeler qu’une épreuve d’effort normale n’élimine pas le risque de rupture et qu’a contrario, la présence de lésions visibles en imagerie ne prédit pas le risque de rupture.

D’après les communications des Prs François Carré, CHU de Rennes et Gérard Finet CHU de Lyon

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du Médecin: 9330