Toujours davantage mise à contribution pour le dépistage, la médecine générale voit de plus en plus de patients atteints de cancers. Mais, ensuite, souvent en marge des parcours de soins en cancérologie, les médecins de ville se débrouillent comme ils peuvent. L’enquête réalisée sur notre site par le Collège de la Médecine Générale à l’occasion des RCFR 2015 en apporte une preuve éclatante.
Douze ans après le lancement du premier Plan cancer par Jacques Chirac et près de deux ans après l’annonce du troisième par François Hollande, la donne n’aurait pas beaucoup changé pour les médecins généralistes en cancérologie. À l’exception pourtant d’un point majeur - mais qui ne doit pas grand-chose à ces programmes - : la prise en charge des patients cancéreux qui a pris, ces dernières années, une place croissante dans leur patientèle. C’est là un des enseignements majeurs de l’enquête menée sur notre site internet legeneraliste.fr par le Collège de la médecine générale (voir l'interview du Dr Jean Godard). Selon ce coup de sonde - dont les résultats seront présentés la semaine prochaine à l’occasion des RCFR 2015 - sept généralistes sur dix estiment, en effet, que la proportion de cette pathologie s’est accrue dans leur cabinet, seuls 1 % rapportant finalement en voir moins qu’avant.
Sur les quelque 120 professionnels qui ont répondu, un tiers suivrait donc aujourd’hui plus de 25 patients atteints de cancer, un autre tiers en annonçant 15 à 25 dans sa
patientèle. À l’évidence, on retrouve là le double effet d’une prévalence plus forte des cancers (+ 15 % entre 1995 et 2005 selon l’INCa) liée aux dépistages de masse (sur lesquels les généralistes estiment jouer un rôle majeur) et au vieillissement de la population et aussi d’un « virage ambulatoire » amorcé depuis quelque temps déjà en oncologie et qui place de facto les spécialistes de soins primaires en première ligne pour cette pathologie.
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Trop peu de contacts avec les oncologues
Mais avec quels moyens pour les généralistes ? La question n’est visiblement pas résolue si l’on se réfère à cette enquête CMG-RCFR. Après que le rapport Vernant a suggéré fin 2013 d’impliquer davantage les généralistes (via des consultations de prévention systématiques ou une participation aux réunions de fin de traitement), il semble qu’il y ait encore énormément à faire de ce côté-là. Les Plans cancers successifs ont-ils accru le rôle des généralistes ces dernières années ? La réponse est non pour plus des trois quarts d’entre eux, signe que le généraliste demeure encore largement en marge du parcours de soins en cancérologie. « En fait, c’est le parcours de soins de notre patient, nous, on nous laisse dans le panier ou sur le quai… On ne nous y associe pas, et encore moins quand il y a une RCP (Réunion de concertation pluridisciplinaire) », râle un confrère picard.
Ce manque de contact avec les oncologues est un peu le fil rouge de notre enquête et se retrouve majoritairement dans presque toutes les réponses. Demande-t-on aux médecins de famille quels sont leurs besoins prioritaires pour le suivi de leurs patients cancéreux ? À 83 %, ils répondent la « facilité d’échange avec le spécialiste » et à 80 % « la transmission de toutes les données de la part de l’équipe hospitalière ». La question de leur formation ne vient qu’ensuite, citée par les deux tiers des répondants. En résumé, sont donc mises en avant deux facettes d’une même nécessité : co-mmu-ni-quer !
Or, de ce point de vue, les généralistes demeurent très insatisfaits. Pour 83 % d’entre eux, le problème n°1 dans la coordination ville-hôpital s’appelle « manque de communication entre spécialistes hospitaliers et médecins de ville ». 73 % pointent aussi le fait que les médecins généralistes ne sont « pas assez pris en compte dans le parcours de soins ». Et ils sont encore 68 % à montrer du doigt le manque de volonté des institutions à les inclure dans un parcours de soins qui est « une mascarade », selon un médecin de la Marne : « Nous ne sommes jamais prévenus des RCP. Les courriers - quand il y a en a ! - sont succincts et sans aucune directive des cancéros. Et pour le reste, “démerde-toi” pour les soins palliatifs et la fin de vie ! ». En écho, un généraliste du Pas-de-Calais nuance un peu : « La situation a bien évolué en 35 ans. Le parcours du patient est peut-être simplifié, mais difficile pour le généraliste d’intervenir efficacement quand il y a une “merde” intercurrente. Les généralistes sont, de fait, exclus du suivi en cancérologie, sauf pour l’administratif, les assurances… »
Qui doit coordonner le parcours de soins
Alors que faire pour changer cet état de fait ? Au chapitre des solutions à mettre en œuvre, on retrouve donc en bonne logique l’amélioration de la communication entre médecins de ville et PH, citée là encore par plus de huit praticiens sur dix. « En ce qui me concerne, dans mon secteur, nous sommes prévenus des résultats de réunions de RCP. Nous ne sommes pas inclus dans le suivi des patients en oncologie, mais si survient un effet indésirable, nous sommes de toute façon en première ligne… Il est bien dommage que nous ne recevions pas le protocole de suivi des patients avec les effets secondaires attendus et les conduites à tenir », déplore ainsi un médecin morbihanais.
Collaboration onco-génés accrue, mais pas de volonté de prise de contrôle par ces derniers. Car si 76 % des praticiens jugent prioritaire d’améliorer « la définition du rôle du généraliste dans le parcours de soins », la plupart semblent aussi archi-conscients qu’en matière d’oncologie technicité fait loi. Ainsi, quand on les questionne sur la conduite des opérations, seuls 13 % revendiquent la coordination du parcours de soins en cancérologie pour eux tout seuls. Et, pour le reste, les avis sont partagés à 50/50 entre ceux qui attribueraient cette responsabilité à un réseau en cancérologie et ceux qui désignent tout de même le médecin traitant, mais uniquement pour le volet soins de premier recours de proximité.