Dans l’enquête du CMG, les généralistes font état d’une hausse de patients atteints de cancer. Cela vous étonne-t-il ?
Dr Jean Godard Je ne suis pas du tout étonné par ce résultat. Depuis 1980 l’incidence (nouveaux cas annuels) des cancers en France a cru. Le cancer devient une maladie chronique, l’espérance de vie avec cancer augmentant. Trois millions de Français vivent avec un cancer. Dans ma patientèle une séance sur cinq contient le motif cancer, de la prévention, au diagnostic, à l’éducation thérapeutique, au suivi et ses complications et jusqu’au palliatif.
La majorité des répondants estime que les Plans cancer n’ont eu aucune incidence sur leur rôle. Les trouvez-vous sévères ?
Dr J.G. Ils sont lucides, au contraire. J’ai participé aux discussions de préparation des plans cancers. Les soins de premier recours de proximité en sont les grands absents, malgré nos demandes et l’intérêt des patients. Je pense que mes confrères, à travers cette enquête, expriment le sentiment qu’ils n’existent pas pour les spécialistes d’oncologie, et ce malgré l’affichage d’un « virage ambulatoire » et les annonces notamment du dernier Plan cancer. Nous demandons à l’INCa que les soins de premier recours de proximité coordonnés par les médecins traitants puissent sous condition d’organisation pluriprofessionnelle devenir des « sites associés » en cancéro, aux sites spécialisés, pour certains cancers et certains traitements. Cela offrirait aux patients des traitements à domicile. La sécurité des OK chimio et la veille des effets secondaires seraient plus garanties que confiées à des prestataires ou des plateformes téléphoniques, même émanant de services spécialisés. Les consultations oncologiques gagneraient en accessibilité. Le poste « transports médicaux » réaliserait des économies pour la collectivité. Certaines régions ont contractualisé et se sont mises en configuration de le faire sans soutien institutionnel.
Au vu des réponses, on retire l’impression que le problème numéro un, c’est la relation des généralistes aux services d’oncologie. Partagez-vous ce constat ?
Dr J.G. Beaucoup de réponses à l’enquête pointent ce manque de communication. Mais n’est-ce pas la conséquence logique d’un état d’esprit ? Si la mission du généraliste en cancérologie n’est pas reconnue, il n’est pas légitime aux yeux de ses pairs comme face à l’opinion et, dans ce cas, pourquoi communiquer avec lui ? Cette conception du généraliste bouche-trou, qui fait quand les autres ne font pas, n’est pas spécifique au cancer. Mais, de ce point de vue, comme de bien d’autres, le cancer est modélisant. De fait, c’est en France que l’on investit le moins d’argent dans la médecine de premier recours…
* Généraliste à Val-de-Saâne (Seine-Maritime), Collège de la médecine générale
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