Comment se passe le retour au travail après le cancer ?
Cette question est au cœur d’une étude publiée dans le numéro de juin du Bulletin du cancer et présentée lors de ce congrès de la Société française du cancer. Conduite sur une cohorte de 153 salariés, cette étude présente une certaine originalité : elle s’est en effet intéressée au devenir des salariés six ans après leur reprise d’activité. « Ces dernières années, plusieurs travaux (Drees 2002, Vican 2014) se sont penchés sur la situation des salariés deux ans après leur reprise du travail. Mais dans la littérature, on trouve peu de choses sur leur situation à plus long terme », explique le Dr Bernard Asselain, épidémiologiste et chargé de mission scientifique à Unicancer, qui a conduit ce travail quand il dirigeait le service de biostatistiques de Curie.
Dans le cadre d’un appel d’offres lancé par l’InCA et l’ARC, le Dr Asselain et son équipe avaient réalisé une première étude en 2008 sur 319 patients en activité, deux ans après le diagnostic. Avec un nouvel appel d’offres, l’équipe de Curie a souhaité savoir ce qu’étaient devenus ces salariés six ans après, dans une enquête à la fois quantitative et qualitative menée en 2014. Grâce aux médecins du travail, elle a pu identifier 153 salariés sur les 319 de la première enquête.
Premier constat : sur ces 153 salariés, 83 (54 %) étaient encore en activité dans l’entreprise 6 ans après leur retour. Parmi eux, 68 ont accepté de remplir un auto questionnaire pour mesurer leur état de santé et leur qualité d’intégration dans leur travail. 83 % se sentent en bonne santé. « Mais ce qui nous a quand même impressionnés, c’est le nombre important de séquelles toujours présentes chez ces salariés », souligne le Dr Asselain. Ainsi, 71 % des salariés indiquent que des difficultés liées à leur cancer persistent avec des séquelles diverses : fatigabilité (57 %) ; troubles du sommeil (56 % versus 34 % en 2008) ; troubles de la mémoire et la concentration (34 %) ; douleurs chroniques (16 %). Des troubles anxieux sont signalés par 31 % des salariés, contre 29 % en 2008.
Autre enseignement : un sentiment de pénalisation est éprouvé par 40 % des salariés non-cadres. « Ces personnes rapportent souvent des situations de placardisation, ce qui est relativement fréquent après un cancer. Bien souvent, la personne revient avec un mi-temps thérapeutique et n’est plus en mesure de fournir, au moins au début, la même charge de travail qu’avant son cancer. Ce qui n’est pas toujours bien compris par les collègues de travail, qui pensent que la personne va mieux puisqu’elle a fini ses traitements. Et, après une phase de compassion, les relations peuvent se tendre entre les uns et les autres, avec parfois une mise à l’écart progressive du salarié qui a été malade, souligne le Dr Asselain. À cause du risque de rechute ou de cette moindre productivité, la hiérarchie peut aussi avoir tendance à moins faire évoluer ces anciens malades », ajoute-il. « Ces mises à l’écart concernent davantage les employés que les cadres. Pour ces derniers, la situation est un peu différente. Beaucoup ont tendance à reprendre leur activité en se forçant à travailler beaucoup malgré la fatigue, s’exposant parfois au burn-out. Parfois cela se passe bien et ces personnes retrouvent toute leur place dans l’entreprise. Parfois, non. Et cela se termine bien souvent par une démission, la personne, qui a connu le cancer, éprouvant l’envie d’aller vivre autre chose dans sa vie », souligne le Dr Asselain.
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