Prévention cardiovasculaire : une stratégie anticholestérol en pleine évolution

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Publié le 05/05/2023
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La lutte contre le cholestérol LDL (LDL-C) reste au cœur de la prévention cardiovasculaire (CV), que ce soit avec les statines ou des molécules plus récentes comme l’acide bempedoïque ou le MK-0616. Mais il devient de plus en plus évident que l’association des hypolipémiants à des traitements visant l’inflammation apporterait un bénéfice supplémentaire.

Tenir compte de la variabilité individuelle de la réponse aux statines

Tenir compte de la variabilité individuelle de la réponse aux statines
Crédit photo : GARO/PHANIE

Les essais internationaux PROMINENT, REDUCE-IT ou STRENGTH, menés chez des patients atteints d’athérosclérose ou à haut risque traités par statines, ont permis de tirer des conclusions : le risque inflammatoire résiduel semble être plus fortement associé à de futurs événements CV que le risque résiduel lié au LDL-C, ce qui pourrait amener à associer des traitements hypolipémiants et anti-inflammatoires dans l’athérosclérose. 

Cibler l’inflammation

L'analyse des essais PROMINENT (n = 9 988), REDUCE-IT (n = 8 179) et STRENGTH (n = 13 078) a inclus 31 245 patients traités par statines (1). L’objectif était de déterminer la part respective de l’inflammation, évaluée par la protéine C réactive haute sensibilité (hsCRP), et du LDL-C dans le risque d’évènements CV majeurs (MACE). Le risque inflammatoire résiduel était significativement associé à la survenue des MACE (dans le quartile de hsCRP le plus élevé par rapport à celui le plus bas, HR = 1,31 ; p < 0,0001), la mortalité CV (HR = 2,68 ; p < 0,0001) et la mortalité de toutes causes (HR = 2,42 ; p < 0,0001). En revanche, la relation entre le risque lié au cholestérol résiduel était neutre pour les MACE (HR = 1,07 ; p = 0,11), et de faible ampleur pour les décès CV (HR = 1,27 ; p = 0,0086) ou les décès toutes causes confondues (HR = 1,16 ; p = 0,025).

L’inflammation (évaluée par la hsCRP) était un meilleur facteur prédicteur du risque d'événements CV futurs et de décès que le cholestérol (évalué par le LDL-C), chez les patients recevant des statines. Le risque inflammatoire résiduel semble être plus fortement associé à de futurs événements CV que le risque résiduel lié au cholestérol. « Ce qui ne remet pas en question la nécessité de réduire les lipides chez les patients gardant une hypercholestérolémie sous statines, mais suggère que le ciblage du LDL-C seul peut ne pas suffire à limiter le risque d'athérosclérose, tempère le Dr Paul M. Ridker. Viser aussi l’inflammation pourrait apporter un bénéfice supplémentaire. L’association de traitements hypolipidémiants et anti-inflammatoires pourrait bien devenir la norme thérapeutique à l'avenir ». 

Une approche plus personnalisée

Chez les coronariens, certaines recommandations préconisent d’instaurer d’emblée des statines à forte dose, afin d’obtenir une réduction d'au moins 50 % du LDL-C. Mais d’autres proposent de débuter par des posologies modérées, avec une titration en fonction des objectifs de LDL-C. L’essai multicentrique sud-coréen LOADSTAR (2) est le premier à comparer directement ces deux stratégies. Les 4 400 patients randomisés recevaient soit une statine de haute intensité (rosuvastatine 20 mg ou atorvastatine 40 mg), soit un traitement ajusté de façon à obtenir un LDL-C compris entre 50 et 70 mg/dl.

Le taux de LDL moyen était similaire dans les deux groupes, autour de 68/69 mg/dl pendant la durée de l’essai. Le taux d’évènements du critère d'évaluation principal (décès, infarctus du myocarde [IDM], AVC, revascularisation coronarienne) était de 8,1 % dans le bras traitement à la cible, versus 8,7 % sous statines à forte dose (p < 0,001 pour la non-infériorité). « Ces résultats apportent des arguments supplémentaires à l'appui de la pertinence d'une stratégie de traitement à la cible, permettant une approche personnalisée tenant compte de la variabilité individuelle de la réponse aux statines », conclut le Pr Myeong-Ki Hong (Séoul). 

Une réduction de la dysfonction cardiaque

« Les patients atteints de lymphome, traités par anthracyclines, sont à haut risque de dysfonction cardiaque et d’insuffisance cardiaque (IC), souligne le Dr Tomas G. Neilan (Boston). Ils bénéficieraient d'un traitement par statines. Cette étude amènera à en prescrire davantage chez ces patients » (3).

Dans l’étude multicentrique randomisée, STOP-CA (n = 300), les patients traités par statines étaient à un an moins nombreux à avoir une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) inférieure à 55 %, ou une chute de la FEVG d’au moins 10 % (9 % versus 22 % sous placebo, p = 0,002). On ne constatait pas de différence significative sur les évènements indésirables. Il reste à déterminer quels types de patients doivent être traités, ainsi que la date d’instauration et la durée optimale du traitement par statines.

1. Ridker PM et al. Lancet 15 April 2023; Vol 401, Issue 10384, 1293-1301
2. Hong S-J et al, JAMA. 2023 Apr 4;329(13):1078-1087
3. Tomas G. Neilan. ACC 2023, Late-Breaking Clinical Trials
4. Nissen SE et al, N Engl J Med 2023 ; 388:1353-1364
5. Christie M. Ballantyne CM et al. ACC 2023, Late-Breaking Clinical Trials V

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin