La réaction de Maillard est la conséquence de l’hyperglycémie chronique, qui entraîne des perturbations de la glycosylation des protéines à l’origine du dépôt des produits de glycation au niveau du collagène de différents tissus comme les reins, les vaisseaux, les yeux et les articulations. Ces dépôts sont responsables d’un syndrome d’enraidissement articulaire, lié à la perte d’élasticité des tissus et d’une altération des capacités du cartilage à absorber les chocs. Les épaules sont particulièrement touchées, avec la survenue de capsulites rétractiles, marquées par une limitation de la mobilité active et passive. Mais ce syndrome d’enraidissement peut aussi toucher les hanches, notamment chez les enfants ayant un diabète de type 1, et les gaines tendineuses des doigts, se traduisant par un doigt à ressaut, une maladie de Dupuytren ou une cheiroarthropathie diabétique.
Hyperglycémie chronique même modérée
La capsulite rétractile, marquée par une réduction de l’abduction (< 70°), de l’antépulsion (< 90-100°) et de la rotation externe (< 20°), est trois fois plus fréquente chez le diabétique que dans la population générale (6 à 11 % vs 2 %), plus souvent prolongée et bilatérale. Elle est corrélée à l’ancienneté du diabète et à la présence de complications microangiopathiques. Une étude très récente, menée sur 151 patients, a montré que l’hyperglycémie chronique est un facteur de risque de capsulite, même en l’absence d’un diabète, un surrisque apparaissant pour des valeurs de glycémie à jeun comprises entre 0,9 et 1 g/L.
La prise en charge a peu évolué et reste fondée sur la rééducation douce, à débuter idéalement en piscine en cas de douleurs, en respectant le principe de ne jamais forcer. Si la rééducation permet un gain clinique, il n’y a pas de restitution ad integrum au niveau anatomique et fonctionnel. Les antalgiques n’améliorent pas la fonction articulaire. Quant au recours aux infiltrations de corticoïdes, il est limité chez les patients diabétiques.
À côté de la capsulite rétractile, les sujets diabétiques présentent fréquemment d’autres syndromes d’enraidissement articulaire. C’est le cas de la cheiroarthropathie, dont la prévalence est de 8 à 34 %, vs 2 % dans la population générale, donnant un aspect des doigts pseudosclérodermique, mais sans anomalies de la vascularisation distale. C’est aussi le cas de la maladie de Dupuytren, dont la fréquence est multipliée par quatre en cas de diabète, et qui est volontiers favorisée par un facteur traumatique, ou encore des doigts à ressaut (20 % de prévalence, vs. 5 %) et du syndrome du canal carpien, dont la prévalence est 4 à 6 fois plus élevée en cas de diabète. Toutes ces complications se rencontrent surtout dans les diabètes de type 2 anciens et mal équilibrés.
Pied de Charcot, une origine multifactorielle
Le pied diabétique est un autre sujet de préoccupation majeure et on déplore encore des diagnostics non faits de pied de Charcot, qui est d’origine multifactorielle. Les troubles proprioceptifs et le surpoids, qui augmentent les contraintes ostéoarticulaires, et l’absence de limitation par la douleur secondaire à la neuropathie sont à l’origine de microtraumatismes répétés, et d’une destruction articulaire. Parallèlement, il y a une hyperréactivité ostéoclastique et une destruction osseuse, secondaires à la dysautonomie et à une fréquente fragilité osseuse (déficience en vitamine D). Le début est insidieux, avec peu ou pas de douleur et peu ou pas de traumatisme, parfois juste un craquement ; il n’y a ni fièvre, ni syndrome inflammatoire biologique.
Les radiographies montrent un effondrement de la voûte plantaire, avec un effritement « crayeux ». La prise en charge se fait en milieu spécialisé. Il est très important de corriger les facteurs de fragilité osseuse, notamment la carence en vitamine D qui est très fréquente, et de réduire les contraintes (décharge, orthèses…). Quelle place pour le traitement du remodelage osseux ? Une récente revue systématique de la littérature n’a pas montré de bénéfice des bisphosphonates sur la réduction de l’immobilisation. Une étude avec le dénosumab, qui agit via le système Rank-ligand, a donné des résultats intéressants, ce qui ouvre de nouvelles perspectives.
Enfin, les liens entre arthrose et diabète font l’objet de recherches, pour mieux évaluer le rôle de l’hyperglycémie et des produits de glycation avancés, mais aussi de certaines graisses à l’action pro-inflammatoire.
Session rencontre avec l’expert. Complications rhumatologiques du diabète. Communication du Pr Bruno Fautrel, Paris
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