La cirrhose alcoolique reste en France la grande pourvoyeuse d'hypertension portale, avec pour épée de Damoclès, l'hémorragie digestive par rupture de varices œsophagiennes, deuxième cause de décès du patient cirrhotique et une mortalité de 15 %.
La classification des varices a été simplifiée. Les trois anciennes classes (I, II, III) laissent aujourd'hui la place à deux classes, les « varices à risque hémorragiques » (ex-classes III, II, et I avec signe rouge) et les « varices non à risque » (ex-classe I sans signe rouge). Seules les varices à risque de saignement (diamètre > 5 mm) relèvent d'un traitement prophylactique par bêta-bloquant non cardiosélectif ou ligature élastique. L'incidence des varices œsophagiennes est de 7 % par an en cas de cirrhose. Pour les dépister, la fibroscopie œsogastroduodénale est l'examen de référence, mais 50 % des patients en relevant y échappent, car elle est invasive, mal acceptée, et coûteuse.
Les critères de Baveno VI (1) précisent en combinant deux tests non invasifs qu'un patient cirrhotique est à risque faible de varices hémorragiques si le taux de plaquettes est > 150 G/l et l'élastométrie hépatique (Fibroscan) < 20 kPa. On peut dans ce cas lui éviter la fibroscopie. « Ces critères ont été validés pour la cirrhose d'origine virale et sont utilisés par analogie pour la cirrhose alcoolique », souligne le Dr Arthur Berger (CHU d'Angers).
Mais l'application stricte des critères de Baveno VI n'évite que 20 % d'endoscopies inutiles. Plusieurs études ont cherché à affiner la population à risque de varices et éviter au maximum ces endoscopies inutiles (2). « Certaines modifient les seuils de plaquettes (110 G/l) et de Fibroscan (25 kPa), d'autres incluent des facteurs prédictifs (MELD), ou la taille de la rate dans un algorithme », poursuit-il.
Des données accessibles en ville
Fibroscan et chiffres de plaquettes évoluent de façon inverse et linéaire : plus la valeur de l'un augmente, plus l'autre diminue. « D'où l'idée de l'équipe de remplacer la règle actuelle très stricte (deux seuils arbitraires à respecter) par une règle adaptative (un seuil dépendant de l'autre) », indique le Pr Paul Calès.
Par ailleurs, bien que non invasif, le Fibroscan reste coûteux et non disponible hors des centres spécialisés. « Nous avons donc développé un algorithme décisionnel clinique et biologique comportant en première intension des données accessibles en ville : sexe, étiologie, score de MELD, panel de tests sanguins simples (plaquettes, albumine, transaminases, taux de prothrombine). Il permet de dépister les patients les plus à risque pour lesquels il faut faire en deuxième intension un Fibroscan. Si ce dernier est positif, l'algorithme définit alors si le patient doit ou non avoir une fibroscopie. L'algorithme a été créé grâce à une cohorte européenne de plus de 1 500 patients avec hépatopathie chronique d'étiologies variées. Il permet d'éviter 41 % à 55 % d'endoscopies inutiles, soit plus de deux fois mieux que les critères de Baveno VI, avec un taux de varices non détectées ≤ 5 % (3) », précise le Dr Berger.
(1) De Franchis R et al. J Hepatol 2015;63(3):743-52
(2) Pateu E et al. Clin Res Hepatol Gastroenterol 2018;42(1):6-16
(3) Calès P et al. Liver Int 2019;39(1):49-53
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