La communauté des cardiologues a rapidement compris que le Covid-19, affection virale respiratoire à forte composante inflammatoire, aurait un retentissement cardiaque chez les patients symptomatiques.
Au premier rang des inquiétudes, l’embolie pulmonaire (EP). L'alerte a été lancée précocement devant l'incidence élevée de cette complication, des taux de D-dimères inquiétants (marqueur biologique de thrombose) et des phénomènes inhabituels de coagulation in situ dans les artères pulmonaires. Ainsi cardiologues et réanimateurs français ont décidé d’instituer rapidement un traitement anticoagulant en présence de signes sévères d’inflammation chez les patients infectés par le coronavirus SARS-CoV-2.
Le traitement anticoagulant s’est révélé efficace en réduisant la mortalité et la nécessité de ventiler/intuber les patients. Forte de ces observations, une étude rétrospective et multicentrique (1) a été menée pour décrire les facteurs de risque et les caractéristiques cliniques et biologiques des patients infectés par le coronavirus (n = 1 240) et ayant développé une EP (8,3 %). Les résultats de ce travail important, commencé par le groupe des cardiologues en formation de la SFC, ont été publiés dans « European Heart Journal » cet été.
Être vigilant face aux atteintes atypiques potentiellement graves
Autre constat : l’expression clinique aiguë de myocardites et d'épanchements péricardiques ainsi que des manifestations cardiaques paroxystiques à type d’arythmies. À cela s’ajoutent des insuffisances cardiaques parfois atypiques et une flambée de situations cliniques habituelles (syndromes coronaires aigus) ou inhabituelles avec élévation des taux de troponine témoignant d’une nécrose cellulaire et aggravant le pronostic.
Cette flambée a été suivie, pendant la période de confinement, d’une diminution inattendue et inquiétante du nombre de patients hospitalisés pour syndrome coronaire aigu (22-35 %). Les auteurs d’une étude menée auprès de 21 sites en France (2) et dirigée par le Pr Nicolas Danchin de l'hôpital européen Georges Pompidou (APHP) ont émis l’hypothèse de la diminution de la pollution et du stress professionnel pour expliquer en partie cette baisse effective de l’incidence de la maladie coronarienne. Même constat rapporté par les neurologues vasculaires qui ont décrit une surexpression des AVC au début de la pandémie suivie par une réduction des motifs d’hospitalisation pour AVC(3).
Des avancées dans la prise en charge
Concernant les facteurs de risque, les publications ont confirmé le lourd tribut payé par les patients souffrant de surpoids et de diabète. Quant à l’HTA « il semble difficile de statuer à ce stade », précise le Pr Ariel Cohen, président de la Société française de cardiologie. Des études sont en cours. En effet, « certains arguments plaident en faveur de la surexpression clinique du Covid avec surmorbimortalité et d’autres concluent à l’absence d’interférence entre Covid-19 et hypotenseurs », poursuit le chef de service à l'hôpital Saint-Antoine. Les sociétés savantes ont, dans ce contexte, recommandé de poursuivre les traitements antihypertenseurs habituels.
Le paysage thérapeutique peut paraître limité. Or, les publications menées depuis le début de la pandémie témoignent d’avancées non négligeables dans la prise en charge des maladies cardiovasculaires liées au Covid-19. Elles concernent principalement les corticoïdes, l’oxygénation externe à très haut débit (Optiflow) qui a permis de passer le cap des premiers jours et d’éviter l’intubation de patients en profonde désaturation et le traitement anticoagulant dont les indications ont été s’élargies avec une prescription dorénavant à titre préventif chez des patients à risque intermédiaire (élaboration d’un algorithme avec le Groupe d’intérêt en hémostase périopératoire).
(1) C Fauvel et al, European Heart Journal 2020;41(32):3058–68
(2) J Mesnier et al., The Lancet, 17 septembre 2020, doi.org/10.1016/S2468-2667(20)30188-2
(3) https://www.sfcardio.fr
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