La fortification nutritionnelle est un moyen de prévenir des carences et déficits à l’échelle d’une population. Elle consiste à ajouter le micronutriment déficient dans un aliment de base afin d’améliorer la qualité nutritionnelle globale.
Il s’agit donc d’une prévention passive et partagée avec le plus grand nombre qui n’a de sens, en santé publique, que s’il y a carence.
La fortification doit répondre en outre à des contraintes techniques, notamment la compatibilité du micronutriment ajouté avec l’aliment vecteur, être de faible coût et concerner un aliment consommé par tous.
L’ajout d’iode dans le sel de table fut la première fortification préconisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (1). En Afrique centrale, où la prévalence de la carence en iode était très forte en raison d’une synergie négative entre un sol pauvre en iode et l’alimentation usuelle (les thiocyanates présents dans le manioc sont des antithyroïdiens), la fortification s’est accompagnée d’une baisse drastique des goitres et hypothyroïdies qui, auparavant, survenaient dès l’enfance. De même, en Suisse, la fortification du sel en iode, mise en place il y a près d’un siècle, a permis de prévenir le « crétinisme des Alpes », lié à l’absence d’iode dans les eaux des vallées alpestres.
Autre fortification exemplaire : celle des farines en acide folique (vitamine B9) dans le but de prévenir les anomalies de fermeture du tube neural. Comme l’ont montré des études randomisées, pour être efficace, l’acide folique doit être donné dès la période préconceptionnelle, ce qui n’est pas aisé en pratique. Aux États-Unis, au Canada ou en Hongrie notamment, les farines ont été fortifiées en acide folique (2). En France, où ce type de malformation est, certes, un peu moins fréquent que dans les pays anglo-saxons ou scandinaves, mais loin d’être négligeable, la stratégie se fonde actuellement sur une supplémentation en phase préconceptionnelle et en début de grossesse (3).
Certains pays fortifient les eaux d’adduction en fluor, approche pertinente pour protéger contre les caries si les eaux ne sont pas naturellement fluorées.
Si les fortifications du sel en iode et des farines en acide folique répondent à de vrais problèmes de santé publique, l’intérêt d’autres types de fortification semble plus discutable.
C’est le cas de la fortification de certains aliments en vitamine D car la vitamine D d’origine alimentaire compte peu par rapport à celle issue de la photosynthèse. L’impact de la fortification des produits laitiers sur le risque de déficit dans la population n’a pas été évalué. Et chez les nourrissons, où elle ne permet pas de satisfaire les besoins, la supplémentation reste toujours obligatoire. De même, aucune étude pertinente n’a démontré les bénéfices d’une fortification des huiles et graisses alimentaires en vitamine A. Un certain nombre d’aliments sont fortifiés en cocktail de vitamines du groupe B, sans argument de santé publique fort si ce n’est de compenser les pertes liées aux processus de fabrication (thermosensibilité des vitamines B).
Une fortification alimentaire ne peut se concevoir que si elle fait partie d’un programme de santé publique, lequel doit être évalué en termes de bénéfices et de risques (surcharges éventuelles, « épidémie » d’hyperthyroïdie à la suite des fortifications en iode) et accompagné d’une information nutritionnelle.
Références
(1) http://www.who.int/elena/titles/salt_iodization/fr/
(2) OMS 2009. Recommandations sur l’enrichissement en farines de blé et de maïs.
(3) Recommandations pour la prévention des anomalies de la fermeture du tube neural. Direction générale de la santé. Janvier 2001.
Il s’agit donc d’une prévention passive et partagée avec le plus grand nombre qui n’a de sens, en santé publique, que s’il y a carence.
La fortification doit répondre en outre à des contraintes techniques, notamment la compatibilité du micronutriment ajouté avec l’aliment vecteur, être de faible coût et concerner un aliment consommé par tous.
L’ajout d’iode dans le sel de table fut la première fortification préconisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (1). En Afrique centrale, où la prévalence de la carence en iode était très forte en raison d’une synergie négative entre un sol pauvre en iode et l’alimentation usuelle (les thiocyanates présents dans le manioc sont des antithyroïdiens), la fortification s’est accompagnée d’une baisse drastique des goitres et hypothyroïdies qui, auparavant, survenaient dès l’enfance. De même, en Suisse, la fortification du sel en iode, mise en place il y a près d’un siècle, a permis de prévenir le « crétinisme des Alpes », lié à l’absence d’iode dans les eaux des vallées alpestres.
Autre fortification exemplaire : celle des farines en acide folique (vitamine B9) dans le but de prévenir les anomalies de fermeture du tube neural. Comme l’ont montré des études randomisées, pour être efficace, l’acide folique doit être donné dès la période préconceptionnelle, ce qui n’est pas aisé en pratique. Aux États-Unis, au Canada ou en Hongrie notamment, les farines ont été fortifiées en acide folique (2). En France, où ce type de malformation est, certes, un peu moins fréquent que dans les pays anglo-saxons ou scandinaves, mais loin d’être négligeable, la stratégie se fonde actuellement sur une supplémentation en phase préconceptionnelle et en début de grossesse (3).
Certains pays fortifient les eaux d’adduction en fluor, approche pertinente pour protéger contre les caries si les eaux ne sont pas naturellement fluorées.
Si les fortifications du sel en iode et des farines en acide folique répondent à de vrais problèmes de santé publique, l’intérêt d’autres types de fortification semble plus discutable.
C’est le cas de la fortification de certains aliments en vitamine D car la vitamine D d’origine alimentaire compte peu par rapport à celle issue de la photosynthèse. L’impact de la fortification des produits laitiers sur le risque de déficit dans la population n’a pas été évalué. Et chez les nourrissons, où elle ne permet pas de satisfaire les besoins, la supplémentation reste toujours obligatoire. De même, aucune étude pertinente n’a démontré les bénéfices d’une fortification des huiles et graisses alimentaires en vitamine A. Un certain nombre d’aliments sont fortifiés en cocktail de vitamines du groupe B, sans argument de santé publique fort si ce n’est de compenser les pertes liées aux processus de fabrication (thermosensibilité des vitamines B).
Une fortification alimentaire ne peut se concevoir que si elle fait partie d’un programme de santé publique, lequel doit être évalué en termes de bénéfices et de risques (surcharges éventuelles, « épidémie » d’hyperthyroïdie à la suite des fortifications en iode) et accompagné d’une information nutritionnelle.
Dr Isabelle Hoppenot
D’après un entretien avec le Pr Jean-Louis Schlienger, médecin nutritionniste, Strasbourg
D’après un entretien avec le Pr Jean-Louis Schlienger, médecin nutritionniste, Strasbourg
Références
(1) http://www.who.int/elena/titles/salt_iodization/fr/
(2) OMS 2009. Recommandations sur l’enrichissement en farines de blé et de maïs.
(3) Recommandations pour la prévention des anomalies de la fermeture du tube neural. Direction générale de la santé. Janvier 2001.
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