Les cancers du poumon sont la première cause de mortalité par cancer en France, responsables chaque année de plus de 33 000 décès. Ils sont, dans 80 % des cas, attribuables au tabac. Détectés le plus souvent à un stade avancé ou métastatique, stade auquel un traitement curatif n’est plus possible, ils sont de mauvais pronostic. L’un des enjeux majeurs est donc de diagnostiquer la maladie à un stade localisé.
L’efficacité ne se discute plus
« Depuis plus de treize ans maintenant, nous avons des arguments scientifiques forts démontrant qu’une stratégie de dépistage, par scanner thoracique faiblement dosé, diminue la mortalité par cancer bronchopulmonaire et la mortalité globale dans une population à risque », rappelle le Dr Olivier Leleu (Abbeville). Deux grandes études, NLST et Nelson, ont mis en évidence une diminution significative de la mortalité par cancer du poumon, de l’ordre de 20 %. L’étude italienne Mild a également montré une réduction de la mortalité, de 39 % à dix ans, avec un dépistage annuel ou bisannuel pendant plus de cinq ans. « Plus récemment, une méta-analyse Cochrane (1) confirme, sur plus de 100 000 participants, une réduction significative de la mortalité par cancer du poumon, de 21 %, et de la mortalité globale de 5 % », ajoute le spécialiste.
Les freins scientifiques n’existent donc plus et l’on s’oriente vers un dépistage organisé en France. Il est déjà mis en place dans d’autres pays européens (Croatie, République tchèque, Pologne). « L’Angleterre a également lancé un programme début 2023. Plus de 2 millions d’invitations ont été envoyées, 5 000 cancers ont été dépistés, dont 76 % à un stade localisé. À noter que le dépistage organisé anglais présente certaines particularités : dépistage mobile avec un scanner embarqué, modèles de prédiction de risque de cancer du poumon avec en plus du tabagisme et de l’âge, des critères tels que le niveau d’éducation, les antécédents familiaux, les antécédents de maladies respiratoires », indique le Dr Leleu.
Un programme pilote testé prochainement
« Cette année, une avancée notable a été réalisée, avec le lancement par l’Inca, mi-juillet, de l’appel à projet pour la mise en place d’un programme pilote national de dépistage. Un dossier de projet de recherche impliquant la personne humaine (de type Riph 2) a été déposé, et la réponse est attendue prochainement. Cet essai clinique permettra de définir les critères d’un programme de dépistage au niveau national et d’évaluer les modalités les plus efficaces pour la population cible. Il devra répondre aux questions restant en suspens avant une éventuelle généralisation, dans un délai de cinq à dix ans, explique le Dr Leleu. On avance… mais c’est encore long, car il s’agit d’un programme de recherche, lourd à mettre en place. »
La population cible vise les personnes âgées de 50 à 75 ans, fumeurs actifs (ou sevrés depuis moins de quinze ans), de plus de 20 paquets-années ou plus de 10 cigarettes par jour pendant plus de trente ans, ou plus de 15 cigarettes par jour pendant plus de vingt-cinq ans. Le dépistage fait appel au scanner à faible dose, répété un an plus tard, puis tous les deux ans (si les deux sont négatifs). La participation au programme pilote devra systématiquement être accompagnée d’une proposition d’accompagnement au sevrage tabagique et pourra être associée à une spirométrie. Le scanner doit aussi permettre de regarder l’état des coronaires, l’emphysème et l’ostéoporose.
Une évaluation en vraie vie
Dans le même temps, de nombreuses études sont menées, notamment DEP-KP80, qui a évalué en condition réelle la faisabilité du dépistage du cancer du poumon par scanner thoracique faiblement dosé dans le département de la Somme. Les résultats finaux viennent d’être publiés dans le Lancet (2). 1 254 personnes à haut risque, âgées de 55 à 74 ans, fumeurs actifs ou sevrés avec un tabagisme d’au moins 30 paquets-années, ont été recrutées.
Trois scanners thoraciques ont été réalisés à un an d’intervalle. La participation à chacun d’entre eux s’est élevée à 75,4 % pour le premier, 42,8 % pour le second et 31 % pour le dernier.
Nous devons encore travailler sur le « aller vers » les populations les moins observantes
Dr Olivier Leleu
42 cancers ont été diagnostiqués, dont 71,4 % à un stade 1 ou 2 et 34 cancers (80,9 %) ont été traités chirurgicalement. Ces résultats soulignent l’efficacité de la technique et sa faisabilité. Ils soulignent également la nécessité d’optimiser la participation au dépistage. « Il apparaît que les fumeurs actifs et les personnes les plus jeunes (moins de 65 ans) participent moins au dépistage ; c’est aussi le cas des populations les plus précaires. D’où la notion du “aller vers”, avec un camion itinérant, disposant d’un scanner, par exemple », propose le Dr Leleu, qui coordonne cette étude.
(1) A. Bonney et al. Cochrane Database Syst Rev. 2022 Aug 3;8(8):CD013829
(2) EBioMedicine. 2024 Nov:109:105396
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