Il n'y a pas de définition consensuelle du mot genre, car les définitions varient en fonction des époques, du champ d'application (médical ou sociologique) et des auteurs. Grossièrement, il faut distinguer le sexe qui renvoie à la dimension biologique (avec ses différents niveaux : chromosomique, gonadique, organes génitaux externes), l'identité sexuée (ou de genre, c’est-à-dire le sentiment d'appartenance au genre féminin ou masculin ou autre) et enfin les rôles attribués par la société. Tout ceci étant à distinguer de l'orientation sexuelle, qui est déterminée par l'attirance physique et sexuelle envers des individus de sexe biologique opposée (hétérosexualité) ou de même sexe biologique (homosexualité) ou par les deux (bisexualité).
Si on en a beaucoup parlé ces dernières années, la notion de genre a été développée en 1955 par John Money qui, à partir de ses observations cliniques, avait constaté qu'il y avait une possibilité de non-congruence entre le sexe biologique et le vécu de l'individu (se vit-il au féminin ou au masculin ?) De là est né le concept de « genre ». Puis, en 1968, Robert Stoller publia « Sex and gender ». Ce fut la diffusion du terme « gender ». Au même moment, en France, on commence à parler de transsexualisme et les gender's studies émergent aux États-Unis. Il s'agissait d'un champ d'études universitaires qui, entre autres, analysait la manière dont la société participe à la construction de l'identité sexuelle, donc à la construction du genre, à travers les rôles sociaux que la société attribue à chaque sexe.
Le transsexualisme commença à être pris en charge par des réseaux mis en place dans le secteur libéral, mais sans aucune prise en charge officialisée.
Ce bref rappel historique ne serait pas pertinent sans nommer la philosophe américaine Judith Butler qui, dans les années 1990, a amené la réflexion sur le genre beaucoup plus loin. Elle est à l'origine du mouvement Queer aux États-Unis, ce terme signifiant tordu, équivalent en français du terme « pédé » et s'opposant au « straight » (droit, hétérosexuel). Ce courant d'idées combat les inégalités et les dominations entre les catégories d'identité sexuée et remet en cause l'existence même de ces catégories. Schématiquement, les queers mettent en scène des identités sexuelles multiples et militent pour leur reconnaissance.
Des identités multiples
Les troubles de l'identité sexuée ont leurs variantes. Ainsi, la Dr Audrey Gorin (Marseille) présente une échelle de 0 à 10 à ses patients. « Le zéro correspond à la situation du sujet qui vit parfaitement dans son sexe biologique, le 10 quand il se vit dans le sexe opposé à son sexe biologique (c'est très schématiquement la définition du transsexualisme). Entre les deux, il y a des individus qui ne se reconnaissent pas dans leur sexe biologique sans pour autant se vivre complètement homme ou femme. Il s'agit alors de transgenralité, vocable très variable en fonction des auteurs et des champs d'application. Mais attention, on parle ici d'identité. C'est une problématique identitaire et pas sexuelle, au sens génital du terme, c'est-à-dire qu'un trans peut être hétéro, homo ou bisexuel, tout comme dans la population générale ».
Le terme de « troisième sexe » ou « troisième genre » qualifie un individu qui est considéré comme ni femme ni homme ou qui se considère à la fois comme homme ou femme ou encore neutre.
Il n'y a pas de prise en charge sans demande du sujet
La transgenralité n'est pas une maladie mentale. La demande des individus qui consultent peut-être d'ordre psychothérapeutique, motivée par une souffrance liée à la dysphorie de genre. C'est la souffrance qui est prise en charge et non directement la transgenralité.
La demande peut être également celle d'une réassignation sexuelle. En France, à l'heure actuelle, celle-ci est réservée aux seuls sujets qui présentent un trouble extrême de l'identité de genre, à savoir le transsexualisme. C'est la souffrance du sujet et la disparition du trouble de l'identité de genre après traitement hormono-chirurgical qui justifie cette prise en charge radicale, laquelle demeure à ce jour un traitement par défaut. La souffrance est souvent moindre en cas de transgenralité, il faut alors se poser la question de savoir si les bénéfices du traitement hormono-chirurgical justifient les risques pris par un individu qui physiquement est en bonne santé.
En pratique, la demande est évaluée par des équipes pour une durée de 8 à 18 mois. S’il y a une validation de l'indication hormono-chirurgicale, celle-ci est prise en charge à 100 % au titre de maladies rares. Une des revendications des personnes trans est de pouvoir accéder à la médicalisation de la transgenralité sans pour autant passer par l'étape psychothérapeutique. « Il ne faut pas occulter, souligne la Dr Gorin, que si le psychiatre ne soigne pas le transsexualisme, certaines maladies psychiatriques, notamment les psychoses, peuvent prendre le masque d'un trouble de l'identité de genre, qui ne trouverait pas de réponse dans un traitement hormonochirurgical ».
D'après la communication de la Dr Audrey Gorin, psychiatre, Marseille
Article précédent
La fin d'une masculinité hégémonique
Un déterminant de la satisfaction sexuelle
Envisager de nouveaux lieux ?
Le désir en souffrance
La sexualité féminine entre injonctions et réalité
Les psychiatres réticents à parler sexe
Et si le plaisir était à réapprivoiser
Il est temps de s'y mettre vraiment !
La fin d'une masculinité hégémonique
Un sujet médical et sociétal
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024